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Économie et démocratie

Dans son Democracy Index de 2016, en date du 25 janvier 2017, l’Economist Intelligence Unit accorde le statut de « Full Democracy » à l’île Maurice, classée 18ème au niveau mondial devant les États Unis (21ème), devenus « démocratie imparfaite ». Pourtant, aucun Mauricien ne peut raisonnablement croire que son pays était l’année dernière plus démocratique que celui d’Obama. Il est vrai qu’on n’est plus au temps où Alexis de Tocqueville observait la démocratie en Amérique.

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Le pays de l’Oncle Sam a traversé deux siècles d’étatisme et a ainsi beaucoup changé. En 1835, lorsque parut De la Démocratie en Amérique, une nouvelle société civile avait émergé à travers l’activité économique, la propriété privée et le libre échange. Aujourd’hui mis au pas par le pouvoir politique, la société civile a perdu de consistance et se trouve déstructurée, les citoyens américains ayant désappris leurs responsabilités économiques. C’est une dérive démocratique sur laquelle Donald Trump a su surfer pour se faire élire.

L’étymologie de la démocratie, c’est le pouvoir du peuple. Comme la population n’exerce ce pouvoir qu’à l’occasion d’élections libres, la démocratie est assimilée au processus électoral et à la loi de la majorité qui la caractérise. Mais cette loi peut être utilisée de manière arbitraire, jusqu’à légitimer une dictature. Pour que l’onction électorale ne soit pas une façade de démocratie, la démocratie doit consister à protéger les droits de la minorité, notamment du plus minoritaire, l’individu : la démocratie, c’est le respect des droits individuels, conforme à la liberté de l’individu. Pour protéger chaque individu contre les abus du pouvoir politique, la démocratie repose sur l’état de droit.

La Constitution du pays donne des garanties, mais elles ne sont pas suffisantes. Les juges nous diront ce qu’ils pensent des conditions de la passation de pouvoir entre Jugnauth père et fils. Quelle que soit leur interprétation de la loi suprême du pays, il faut aussi une vigilance permanente des citoyens et leur contribution personnelle à faire respecter leurs droits. C’est ainsi que se forme une société civile vigoureuse et dynamique.

Personne ne peut prétendre qu’elle n’est pas interpellée par les développements politiques actuels du pays. Il faut vraiment être sourd et aveugle pour dire qu’ils apportent « de la clarté à la situation politique » et « plus de visibilité économique au pays ». La confusion est totale au plan politique, et l’incertitude encore plus grande sur le front économique. Chaque semaine apporte son lot de révélations embarrassantes pour le gouvernement. La perception, qui précède toute action, pèse lourd dans la prise de décision des acteurs économiques.

La conjoncture politique met à l’épreuve les qualités personnelles de chaque Mauricien, dont le comportement déterminera l’avenir éonomique du pays. Chacun devra fournir un effort pour assumer ses obligations citoyennes. Il ou elle aura à développer l’esprit de responsabilité. Si Tocqueville admirait la démocratie américaine, c’est précisément parce que les qualités individuelles nécessaires à la société civile étaient mises en valeur.

L’économie de Maurice dépend plus que jamais de sa vitalité démocratique. Paradoxalement, nous ne pouvons pas compter sur le soutien des opérateurs économiques bien qu’ils profitent du combat pour la démocratie. Libre à ceux qui vendent leur conscience professionnelle pour pouvoir décrocher des permis de développement, des contrats de travail dans les entreprises publiques, ou plus de facilités gouvernementales à l’achat immobilier. Libre à ces organisations du secteur privé qui sont disposées à « travailler avec n’importe quel Premier ministre ». On aura compris que les intérêts économiques passent avant la démocratie. Mais comme l’écrit l’express dimanche, « il faut que les hommes libres souhaitent demeurer libres. Quand l’intérêt personnel primera partout sur la responsabilité citoyenne envers le pays, nous serons en dictature. »

Dans notre démocratie supposément parfaite, les gens ont peur de s’exprimer à visage découvert, si ce n’est qu’ils le font avec la langue de bois, quand ils ne caressent pas les gouvernants dans le sens du poil. Le drame de la démocratie mauricienne, c’est la passivité des citoyens, leur désintérêt pour la société, leur indifférence aux enjeux politiques, leur ignorance des réalités économiques. Beaucoup restent dans leur petit confort, les uns par désenchantement, les autres par découragement. Mais ne pas agir, c’est subir. En demeurant de simples spectateurs de la démocratie, nous encourageons ses déviations, et nous nous en remettons aux politiciens, nous plaignant ensuite de leur incompétence, de leur indécence et de leur affairisme.

Les hommes libres qui composent la société civile ne pourront défendre la démocratie et la liberté que s’ils s’impliquent dans la vie publique. C’est l’engagement personnel et la responsabilité individuelle qui guident l’avenir de la démocratie. Si tout le monde se fie à la collectivité, les partis politiques contrôleront la chose publique et ôteront aux citoyens toute envie de s’intéresser à la vie démocratique. Le Mauricien est tellement loin des décisions politiques qu’il laisse le champ libre aux lobbies économiques.

Mais les entreprises elles-mêmes en sortiront perdantes. Une démocratie embrigadée par les politiciens favorise l’étatisation de l’économie et débouche sur une société sans initiative. C’est la mentalité bureaucratique qui prime sur l’esprit entrepreneurial. C’est la puissance publique qui règne sur la confiance indispensable aux échanges économiques. Et c’est l’usage de la coercition politique qui dicte les règles de l’économie.

 

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