Devenu une figure populaire, le Dr Vasantrao Gujadhur ne dit pas catégoriquement qu’il se lancera dans l’arène politique. Du moins pas pour le moment. ll fait un tour d’horizon de la situation de la COVID-19 dans le pays.
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On a recensé deux cas d’Omicron dans le pays, précisément à Tamarin, dont un cas local. Quel risque encourons-nous avec ce variant sudafricain ?
On a eu deux cas à travers le séquençage, un cas le 27 novembre en provenance de l’Afrique du Sud qui avait été mis en quarantaine et est guéri déjà. Cependant, le deuxième cas, qui vient de Tamarin, a contaminé son partenaire qui a été testé positif à l’Omicron dans une clinique privée. La question à se poser : Est-ce que ce patient positif à l’Omicron a été dans la communauté sans savoir qu’il porte en lui le virus sudafricain ? D’autant plus, selon le protocole établi, il n’y a pas eu de contact tracing. A-t-on effectué de contact tracing entre le 1er et le 10 novembre ? Or, il fallait le faire.
Est-ce possible que des passagers aient pu être contaminés dans l’avion dans lequel ce patient positif à l’Omicron a voyagé en provenance de l’Afrique du Sud ?
Tous les passagers de ce vol avaient été testés le 27 novembre. On a recensé deux cas, l’un positif au variant Delta et l’autre à l’Omicron. Le reste des passagers sont partis en quarantaine, là où ils logeaient. Après sept jours, ils ont été testés. Mais à ce jour, on n’a reçu aucune information s’il y avait des cas positifs, surtout à l’Omicron.
Est-il possible que le patient zéro de Tamarin ait contaminé son entourage immédiat qui eux-mêmes auraient contaminé d’autres personnes dans la communauté ?
D’abord, il fallait faire le contact tracing du patient de Tamarin. Et voir comment il a eu ce variant de la Covid-19 ? La possibilité de contamination est réelle. Le patient de Tamarin a pu contaminer les autres passagers, on le saura avec le temps.
Puisqu’il n’aura pas de confinement, ne pensez-vous pas qu’il faudrait annuler l’auto-isolement ?
On ne peut annuler l’auto-isolement, car il y a trop de personnes infectées. Dans un passé assez récent, les hôtels avaient ouvert leurs chambres aux patients positifs. Mais ce n’est plus possible avec l’arrivée des touristes et l’ouverture de nos frontières. Il faudrait une surveillance de la part du ministère de la Santé. Il faudrait des « random checks » auprès de ceux qui sont tenus en auto-isolement. Cela permettra de faire un constat réel sur la manière dont le protocole de l’auto-isolement s’opère à la maison. Et s’il y a des manquements, voire du ‘je m’en foutisme’ de la part des Mauriciens, le gouvernement n’aura d’autre solution que de leur infliger des sanctions sévères comme c’est prévu par la Quarantine Act. Même si cela ne plaît pas. Je le répète, l’auto-isolement n’est pas à 100 % efficace.
Selon vous, les Mauriciens ont-ils tendance à banaliser l’auto-isolement ?
Cela dépend de l’information que le ministère donne au public. Le gouvernement lui dit que ‘tou korek’, nous sommes « Covid safe ». Par ailleurs, à Maurice, la plupart des familles n’ont pas deux salles de bains ou deux toilettes, certaines n’ont pas assez de chambres pour isoler un patient positif. Donc, il fallait transformer des lieux publics, voire des centres de récréation, en des centres de quarantaine.
Quid de la Domiciliary Unit du ministère de la Santé ? Elle semble être le parent pauvre en termes d’effectifs…
La Domiciliary Unit est en sous-effectif avec seulement 40 médecins qui y sont affectés actuellement. Prenons un exemple : si on a 300 cas par jour pour une isolation de 10 jours. Humainement, c’est impossible pour que 40 médecins exécutent autant de travail. En revanche, l’auto-isolement est quelque chose de sérieux. Mais en l’absence d’un bon suivi médical, le risque de propagation est énorme.
Je ne règle pas mes comptes. Loin de là. Je donne simplement des conseils pratiques et réalisables. Je n’ai aucun intérêt politique, pour le moment.»
Ce virus Omicron est plus à risque pour quelle tranche d’âge de notre population ?
Omicron va frapper plus de 250 000 personnes âgées et celles portant une comorbidité comme il est très contagieux. Ce variant se propagera dans toute la communauté. Il faut s’attendre à une admission massive dans nos hôpitaux, dépendant de la sévérité du variant Omicron.
Le nombre de décès par rapport aux personnes vaccinées est élevé. Le ratio fait-il peur par rapport aux décès dits normaux ?
Selon les réponses du ministre Jagutpal au Parlement, on dénombrait 156 morts ‘fully vaccinated’ et 192 morts non-vaccinés.
Actuellement, on dénombre quelque 900 000 personnes vaccinées. Donc, un simple calcul mathématiques nous donne un ratio de 1 sur 3 sur les morts vaccinés comparés aux morts non-vaccinés. Ce qui est énorme. Ailleurs, le chiffre est de 1 sur 10.
Est-ce notre système de santé qui flanche ?
C’est la question qui se pose. Les traitements administrés aux patients positifs à la Covid-19 sont-ils bons et efficaces ? La prise en charge est remise en question.
Le médicament Molnupiravir est coûteux. En contrepartie, est-il ‘cost effective’ ?
Le Molnupiravir est à Rs 9 l’unité, ce n’est pas cher payé lorsqu’on sait son efficacité. Ce médicament est destiné aux personnes âgées qui ont des comorbidités et des maladies graves. Le Molnupiravir guérit suivant les cinq jours de son administration. Le coût de l’hospitalisation est réduit drastiquement. Donc, le Molnupiravir est ‘cost effective’.
Le gouvernement accuse les médias d’avoir poussé la France à nous mettre sur la liste rouge écarlate en créant une fausse panique. Votre avis ?
C’est le gouvernement qui a contacté l’ambassade de France pour lui demander de l’aide à travers le Senior Chief Executive du ministère de la Santé. À cette époque précise, nous disposions que de deux jours d’oxygène. Le gouvernement avait aussi demandé d’envoyer en toute urgence des experts en respiratoire pour aider notre pays. Par la suite, Nadia Ramsamy, députée de la Réunion, a écrit au Premier ministre français Jean Castex pour lui dire que Maurice est dans une situation critique et grave et que les ressources sont épuisées. Où est la responsabilité des médias dans le classement du rouge écarlate ? Qui a créé la panique ? Le gouvernement est le seul fautif.
Le vaccin Pfizer ne peut être administré aux personnes de 70 ans et à ceux qui ont eu le vaccin Johnson & Johnson. Ainsi, il faudra attendre six mois, soit encore 2 mois à partir de ce jour. Qu’en est-il pour les personnes atteintes de comorbidités, dont l’immunité est réduite ?
Il faut faire la différence entre la booster dose et la 3e dose. La booster dose se fait après quatre mois, soit lorsque les vaccins déjà administrés ne protègent plus ou que la protection a diminué avec le temps. Cela se fait après quatre mois, irrespectif de l’âge du patient.
Et qu’en est-il de la 3e dose ?
La 3e dose est administrée aux malades du 3e âge, ceux atteints de problèmes rénaux, d’un cancer, du Sida, bref, ceux qui sont vulnérables. La 3e dose peut se faire 28 jours après la 2e dose, elle est recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Le boni de fin d’année et le salaire de décembre ont déjà été payés aux fonctionnaires. Craignez-vous des foules dans les « Malls » à partir de maintenant ?
La faute revient au gouvernement qui veut à tout prix minimiser le nombre de cas réels de la Covid-19, peu importe le variant. Que voulez-vous que le public fasse ? Les restrictions sont à peine sévères, certes, les gens iront en masse dans les « Malls » pour faire leur shopping. Ils iront même partout. De plus, le gouvernement leur dit que tout est sous contrôle, que nous sommes « Covid safe ». Bien sûr qu’ils vont sortir. On saura le résultat dans deux semaines, en termes du nombre de cas positifs.
Docteur, vous êtes très actif sur le plan médiatique. Feriez-vous de la politique active si vous en aviez la possibilité ?
Je suis au service de mon pays comme médecin. C’est du social que je fais. Je dénonce les manquements du ministère de la Santé suite aux recherches scientifiques. Je ne règle pas mes comptes. Loin de là. Je donne simplement des conseils pratiques et réalisables. Je n’ai aucun intérêt politique, pour le moment…
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