À travers sa profession de médecin, le Dr Abdoullah Etwarooah s’est engagé auprès des plus vulnérables. Aujourd’hui, il souhaite élargir son impact en se lançant en politique sous la bannière de l’Alliance Lepep, convaincu que la proximité avec les citoyens et la bonne gouvernance sont essentielles pour améliorer le service public.
C’est assis derrière le bureau de son cabinet médical, à Cassis, que le Dr Abdoullah Ibrahim Etwarooah nous reçoit en ce jeudi matin, 31 octobre. En dépit du jour férié, les patients se succèdent. Jovial, il nous accueille tout sourire, entouré de ses appareils médicaux, médicaments et autres instruments. Très sollicité, il doit à plusieurs reprises éteindre la sonnerie de son téléphone pour ne pas interrompre notre conversation.
Le Dr Etwarooah détient un MBBS, une licence en médecine et en chirurgie. « Cette profession m’a toujours intéressé. C’est ma passion. C’est pourquoi j’apprends encore, car dans ce domaine, on n’arrête jamais d’apprendre », ajoute-t-il. D’ailleurs, il suit encore d’autres formations en ligne. Son objectif est de se rapprocher de la perfection.
Mais le Dr Etwarooah n’est pas seulement médecin ; il est également détenteur d’un Bachelor en pharmacie (Bpharm), qu’il a obtenu il y a tout juste deux semaines. « Ce n’est pas courant de détenir les deux qualifications, médecin et pharmacien. Je pense être le premier à Maurice », affirme-t-il. Cela lui permet, après son inscription au Medical Council il y a une dizaine d’années, de postuler également une inscription en tant que pharmacien au Pharmacy Council.
Nous vivons dans un pays multiculturel, et la bonne entente est essentielle, tout comme le respect mutuel»
À travers sa profession, le médecin est engagé socialement depuis plusieurs années. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il a choisi ce métier, afin d’être au plus près des gens. « Je voulais aider les gens dans leurs souffrances », dit-il. Sa fibre sociale remonte à son enfance. « Je ne viens pas d’une famille riche. Je n’ai rien reçu sur un plateau », confie-t-il.
Ses parents travaillaient à la foire de Cité Martial, où il les a souvent aidés. Il a perdu son père alors qu’il était en quatrième année d’études au Pakistan, et c’est sa mère qui l’a soutenu jusqu’à la fin de sa formation. Il devait entamer un Postgraduate Course in Surgery, qu’il a temporairement mis en pause. Il espère pouvoir y reprendre ses études un jour. Le Dr Etwarooah a également deux frères et une sœur, eux aussi devenus médecins grâce à des bourses. « Ayant grandi dans un milieu modeste, j’ai toujours entendu les gens parler de leur misère et de leurs difficultés. Cela m’a motivé à aider les autres », explique-t-il.
Ce principe s’applique depuis son retour du Pakistan et le début de sa pratique dans le privé. « Quand j’ai commencé à exercer, j’ai accueilli des patients de divers milieux sociaux. » Cela lui a permis de constater qu’une partie de la société était très vulnérable, avec peu de moyens financiers ou un emploi précaire. Peu importe leur situation, ces personnes avaient besoin de soins, et il ne pouvait pas leur refuser cette aide en dépit de leur précarité.
« Aider les autres ne doit pas toujours s’accompagner d’un retour d’ascenseur, nous pouvons aussi le faire sur une base humanitaire », souligne le Dr Etwarooah. D’ailleurs, ajoute-t-il, « dans notre métier, on ne demande pas à un patient s’il peut payer avant de le consulter. Le service est le même pour tout le monde, et ce n’est pas une perte pour moi ».
Il a ainsi mis en place des consultations gratuites les vendredis matin, destinées particulièrement aux personnes âgées, à celles qui vivent dans la précarité ou avec de faibles moyens financiers. « Avec la proximité que nous avons développée avec nos patients, ils nous avouent eux-mêmes qu’ils n’ont pas les moyens de payer la consultation. » Cela ne lui pose aucun problème : « On n’a pas besoin d’être payé pour tout ce que l’on fait. »
En dehors des consultations gratuites du vendredi, il ne fait pas non plus payer ceux qui lui confient ne pas avoir suffisamment de moyens. Il leur offre alors les médicaments disponibles en échantillons. Il fait confiance aux patients qui promettent de régler leur note plus tard. Il pense que ce sont les « bénédictions » qu’il reçoit à travers ces actions qui lui ont permis de « prospérer ».
Il cite Médecins Sans Frontières, rappelant que c’est un service humanitaire où les médecins vont travailler dans divers pays sans être rémunérés et sans se soucier des risques encourus. Le Dr Etwarooah évoque également sa participation à un « Flood Camp » avec l’Organisation mondiale de la santé au Pakistan, alors qu’il était encore étudiant en médecine. « Une superficie plus grande que Maurice était inondée, et notre université a été sollicitée pour aider les sinistrés », se remémore-t-il. Cela lui a permis d’acquérir de l’expérience dans la gestion de crises et d’urgences.
Il a également pratiqué dans un pays pauvre, côtoyant des médecins engagés dans l’humanitaire, ce qui l’a inspiré. Pour lui, c’est une façon de mettre ses connaissances, acquises par la grâce de Dieu, au service des autres.
On dit qu’on est “politicien” quand on pratique la politique, mais un politicien doit être un citoyen lambda avec plus de responsabilités»
Entrée en politique
Certains passent naturellement de la médecine ou du métier d’avocat à la politique. Dans son propre cas, le Dr Etwarooah précise que ce choix s’est imposé à lui au fil des expériences, d’abord pendant ses études au Pakistan, puis à travers les rencontres avec ses patients, des Mauriciens de tous les milieux sociaux. « Quand un patient vient nous voir, il expose non seulement ses problèmes de santé, mais aussi d’autres difficultés auxquelles il fait face, des situations que je ne peux pas résoudre en tant que médecin. » Avant cela, il avoue qu’il n’avait jamais envisagé la politique, se consacrant uniquement à sa carrière de médecin.
Ainsi, après presque dix ans de pratique comme médecin généraliste, il aspire à une carrière politique pour contribuer davantage à la société. Il se présente sous la bannière de l’Alliance Lepep dans la circonscription n°3 (Port-Louis Maritime/Port-Louis Est), aux côtés de Salim Abbas Mamode et Mahmad Kodabaccus, pour les présentes législatives. « À travers la politique, je souhaite servir le peuple autrement », précise-t-il.
La politique est-elle le meilleur moyen de se mettre au service du pays ? À cette question, il répond que la médecine permet certes déjà d’apporter son aide à une personne, mais que cela reste limité par les fonctions du médecin.
« Nous ne gérons pas les services de santé, par exemple. Avec la politique, il serait plus simple d’apporter ce soutien », affirme-t-il.
Le médecin fait remarquer que certains préfèrent venir chez lui plutôt que de se tourner vers le service public gratuit, recherchant une attention plus immédiate. Le Dr Etwarooah note également que certains pensent que les médecins du privé offrent de meilleurs soins que ceux du public, bien que cela ne soit pas nécessairement vrai. « Si je peux apporter des changements, je le ferai. Aucun système n’est parfait, et s’il y a des défaillances, il faut les corriger », déclare-t-il.
À travers son engagement, il espère revoir le système de soins dans le service public, pour le bien du pays. « Il ne faudrait pas que les patients en soient réduits à appeler les radios pour se plaindre des lacunes du service public », estime-t-il. Pour lui, la politique doit favoriser la proximité avec les citoyens et la bonne gouvernance. « Nous devons avoir une bonne gouvernance qui prend de bonnes décisions pour le bien de tous », souligne-t-il.
Ayant grandi dans un milieu modeste, j’ai toujours entendu les gens parler de leur misère et de leurs difficultés. Cela m’a motivé à aider les autres»
Cependant, il ne se considère pas encore comme un politicien. « On dit qu’on est “politicien” quand on pratique la politique, mais un politicien doit être un citoyen lambda avec plus de responsabilités », pense-t-il. C’est aussi quelqu’un qui s’engage pour résoudre les problèmes des autres et qui cherche des solutions concrètes.
Tout en souhaitant apporter un renouveau dans la pratique de la médecine, le Dr Etwarooah se dit également en faveur du mauricianisme et du vivre-ensemble. « Nous vivons dans un pays multiculturel, et la bonne entente est essentielle, tout comme le respect mutuel. » En tant que médecin, il ne fait pas de distinction politique ou culturelle, et se dit prêt à donner un avis objectif.
De nombreux politiciens sont en poste depuis des décennies, et c’est une voie que le Dr Etwarooah envisage de suivre. « Si on s’engage pour soutenir le progrès, il faut être là à long terme. » Il se projette donc dans l’étoffe d’un politicien pour les 20 ou 30 années à venir. « Monn komans li, nou bizin kontigne pou trouve kouma pou amelior les choses. »
Novice en politique, il explique que s’il pouvait changer quelque chose dans la manière de faire de la politique, il mettrait un frein aux campagnes électorales. Pour lui, un gouvernement avec un bilan solide et proche de la population n’a pas besoin de faire tant d’efforts pour obtenir un nouveau mandat. « Dimounn bizin kone dan zot latet ki bizin vote pou ki progre kontigne », affirme-t-il. Temps, énergie et argent sont gaspillés dans les campagnes, des ressources qui pourraient être utilisées pour la communauté, fait-il valoir, tout en précisant qu’à ses yeux, la rencontre directe avec les citoyens est bien plus importante.
Alors qu’il participe pour la première fois à des élections générales, il encourage les jeunes à s’engager. La politique est l’affaire de tous, insiste-t-il.
La fragilité de la vie
Parmi les expériences qu’il a vécues au Pakistan, il revient sur les violences, les tentatives d’enlèvement où il a été blessé, et les explosions de bombes pendant les conflits entre divers groupes ethniques. « On peut facilement être victime d’un assassinat », raconte-t-il.
Ces événements l’ont marqué, le rendant reconnaissant de l’harmonie qui règne à Maurice par rapport à d’autres pays. Selon lui, il incombe aux responsables de désamorcer les tensions pour éviter les dérapages. Ces expériences de « near-death » ont forgé son caractère et lui ont fait prendre conscience de la fragilité de la vie. « La mort est un facteur inconnu, et personne ne sait quand elle surviendra. En étant conscient de cela, nous devrions toujours faire le bien tant que possible. »
Médecin pharmacien
Conscient qu’il ne pourra pas exercer les métiers de médecin et de pharmacien simultanément pour éviter tout conflit d’intérêts, le Dr Abdoullah Ibrahim Etwarooah a néanmoins suivi cette formation en pharmacologie afin de mieux comprendre les interactions entre les médicaments et pouvoir plus facilement délivrer d’autres médicaments en cas d’indisponibilité de ceux prescrits. Il explique que la médecine et la pharmacie sont deux disciplines qui vont de pair. C’est pour comprendre la pharmacologie et le mécanisme de fabrication et d’action des médicaments qu’il a choisi de suivre cette formation. « En tant que médecin, on se contente souvent de prescrire des médicaments, alors qu’en pharmacologie, on apprend tout le processus de fabrication, la recherche et les données sur lesquelles les médecins s’appuient pour leurs prescriptions », ajoute-t-il.
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