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[Dodo] Julian Pender Hume : «Il y a de bonnes chances que les os contiennent de l’ADN récupérable»

Dans un entretien accordé à Le Dimanche/L’Hebdo, le paléontologue Julian Pender Hume nous explique l’importance de cette trouvaille qui pourrait permettre aux scientifiques d’analyser l’ADN lié au dodo, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle recréation de cette espèce disparue.

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Qui êtes-vous, Julian Pender Hume ?
Je suis chercheur associé au Musée d’histoire naturelle de Londres. Je suis un paléontologue spécialisé dans les oiseaux disparus. Je suis aussi un artiste accompli spécialisé dans la recréation de l’image des oiseaux disparus.

Pourquoi êtes-vous à Maurice ?
Le mardi 18 juin dernier, je suis venu pour cataloguer le matériel des découvertes liées aux fossiles de dodo retrouvés à Mare-la-Chaux.

Vous nous expliquez brièvement c’est quoi la paléontologie ?
J’ai toujours été intéressé par ce domaine. La paléontologie peut être définie comme la science des fossiles. Cette discipline scientifique entretient des liens étroits avec la géologie, soit la datation des restes d’organismes vivants reposant souvent sur des informations issues de la stratigraphie et sur l’analyse des roches qui les contiennent. 

Située au croisement de la géologie et de la biologie, elle contribue à la connaissance de l’évolution du monde vivant, des relations entre les espèces et avec leur environnement, de leur répartition spatiale et leurs migrations, de l’extinction des espèces et l’apparition de nouvelles, ainsi que des écosystèmes dans lesquels les espèces anciennes ont vécu.

La paléontologie étudie aussi les processus de fossilisation, dits taphonomie, des êtres vivants disparus ?
Oui. Outre la reconstruction d’espèces éteintes, la paléontologie a pour objectif d’étudier leur origine et leurs évolutions au fil du temps. Elle permet de comprendre la biodiversité et la répartition des êtres vivants sur terre avant l’intervention humaine, ce que l’on appelle la biogéographie. De plus, elle fournit des preuves essentielles pour résoudre deux des plus grandes controverses scientifiques du 20e siècle : l’évolution des êtres vivants et la dérive des continents. 

En ce qui concerne l’avenir, la paléontologie offre des outils pour analyser comment les changements climatiques peuvent affecter la biosphère dans son ensemble.

Comment les preuves fossiles révèlent-elles comment les organismes changent au fil du temps ?
Un exemple est le dodo qui a évolué à partir d’un petit pigeon volant. Arrivé à Maurice et une fois ici, en l’absence de prédateurs, il est rapidement devenu incapable de voler.

Quelles sont les applications pratiques de la recherche paléontologique ?
En comprenant les archives fossiles, nous pouvons déterminer quelles espèces ont disparu et potentiellement les remplacer par des parents proches pour que leurs fonctions écologiques puissent être remplacées.

Qu’est-ce qui a déclenché votre intérêt pour le dodo mauricien ?
Ce sont les programmes du naturaliste britannique Gerald Durrell sur Maurice.

À quelles fouilles avez-vous participé jusqu’à présent pour trouver les fossiles du dodo à Maurice ?
Lors des fouilles à Mare-aux-Songes en 2006-2010, plus de 50 os de dodo ont été trouvés. Des centaines d’os de dodo ont été trouvés là-bas lors des fouilles des années 1860. Puis, 20 os de dodo l’ont été en 2019, à Mare-la-Chaux.

Ces os de dodo ont été remis à qui ?
Ils ont été mis à disposition pour être étudiés à Maurice par des scientifiques internationaux et locaux.

Que représente cette nouvelle découverte d’ossements de dodo sur ce site secret ?
Sur le plan personnel et professionnel, c’est une découverte extraordinaire. Celle-ci ajoute un nouveau site à ma carte de découverte d’ossements de dodo à Maurice. Elle contribuera aux recherches scientifiques enclenchées pour l’analyse d’ADN en vue de la recréation possible de cet oiseau disparu.

Cette trouvaille contribuera aux recherches scientifiques enclenchées en vue de la recréation possible de cet oiseau disparu»

Quelle est la signification de cette découverte pour Maurice ? 
Ce serait formidable si le matériel pouvait être utilisé pour le travail d’ADN visant à recréer scientifiquement le dodo.
 
Quels protocoles suivez-vous pour garantir que votre travail respecte la signification culturelle et historique des fossiles que vous découvrez à Maurice ?
J’effectue mon travail en suivant la loi mauricienne.

Quels sont vos projets futurs concernant l’étude du dodo et d’autres espèces disparues ?
J’espère revisiter certains des sites déjà étudiés à Maurice pour mieux comprendre l’écologie du dodo.

Travaillez-vous avec les scientifiques et les chercheurs à Maurice ?
Je travaille en étroite collaboration avec les scientifiques mauriciens et le Mauritius Institute - National Heritage Fund.

Pouvez-vous partager une anecdote intéressante ou un moment mémorable de votre dernière fouille ?
En creusant, un oiseau, soit le Mauritian Paradise Fly Catcher, est venu nous observer travailler. Cela a été une grande joie pour l’équipe.

Quelle méthode a été utilisée pour trouver les os de dodo sur le site ? 
Le système est assez simple. Nous avons retiré les couches de sol, environ dix centimètres à la fois. Ensuite, nous avons tamisé le sol pour en extraire les os et les escargots. Comme il faisait sombre sous les rochers, nous avons utilisé des torches comme source de lumière.

Quand les fouilles ont-elles eu lieu ? 
Les fouilles ont eu lieu les vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 juin dernier. Nous avons d’abord examiné le site pour déterminer les meilleures zones à explorer. Ensuite, nous avons commencé à chercher dans l’après-midi. 

Nous avons trouvé des ossements de dodo principalement le 21 juin. Nous avons eu des os de pattes de dodo et quelques os d’orteils, tous en très bon état, ainsi que quelques morceaux cassés de carapace de tortue.

Des détails spécifiques sur ces trouvailles ?
Plusieurs os complets et partiels ont été trouvés. Ils sont facilement reconnaissables comme des os de dodo par leur taille et leurs caractéristiques osseuses. Étant donné qu’ils n’ont pas été dans l’eau, plus d’ADN est préservé. 

Vous nous expliquez la science derrière cela ?
L’eau lessive l’ADN au fil du temps. Comme les os se trouvent dans une zone sèche, il est plus probable qu’ils contiennent de l’ADN préservé.

Après voir informé les propriétaires du site secret, qu’en est-il de la gestion de cette découverte ? 
Nous avons informé les propriétaires. Ils étaient très intéressés par notre trouvaille mais à ce stade, ils préfèrent que l’emplacement du site ne soit pas révélé. Ensuite, les ossements découverts ont été ensachés et laissés à sécher. 

Ont-ils accepté que vous emmeniez les ossements découverts à La Vanille Nature Park pour la conservation ? 
Oui, comme mesure temporaire en attendant une décision finale. Les os y sont en sécurité.

Quelles mesures de conservation ont été prises pour les os découverts et pourquoi est-ce important ? 
Pour qu’ils ne se dégradent pas avec le temps, il est essentiel de garder les os retrouvés dans un environnement sec et déshumidifié.

L’équipe de Colossal Biosciences, qui tourne actuellement un film à Maurice, a-t-elle été informée ?
Oui. Colossal Biosciences est une société impliquée dans la dé-extinction du dodo qui collabore avec la Mauritian Wildlife Foundation. Elle a déjà testé des spécimens conservés. Pour avancer sur ces recherches, des autorisations des autorités mauriciennes et des propriétaires du terrain sont nécessaires. Leur scientifique en chef est venue nous voir suivant notre trouvaille. Elle a été impressionnée par la qualité des os et pense qu’il y a de bonnes chances que le matériel contienne de l’ADN récupérable.

Quelles sont les implications futures ?
Selon la loi mauricienne, le matériel appartient aux propriétaires terriens. Il y a des restrictions légales sur l’exportation, sauf pour la recherche scientifique autorisée. 

En tant que scientifique, que pourrait signifier cette découverte pour Maurice, selon vous ? 
Le matériel de dodo n’est, en réalité, pas si rare. Il y a des centaines d’os de dodo dans les musées du monde entier, y compris ici à l’Institut mauricien. Mais c’est un nouveau site et les os sont en bon état. 

Bien que nous ne puissions jamais avoir un véritable dodo, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une créature « dodoesque » ? 
Ce serait une sorte de grand pigeon incapable de voler avec peut-être un bec crochu comme celui du dodo. Mais il ne ressemblerait pas exactement à un dodo. 

Si les propriétaires des ossements n’acceptent pas de les confier à la recherche, à quel point cette perte serait-elle significative ? 
Comme mentionné, il y a beaucoup d’os de dodo disponibles pour la recherche. Ce serait dommage, mais pas la fin du monde.  

Pourquoi ressusciter le dodo est-il considéré comme une avancée scientifique majeure ?
Le dodo est un symbole d’extinction, donc il y a beaucoup de romantisme et d’excitation à son sujet. Mais les scientifiques travaillent aussi sur des mammouths laineux, des tigres de Tasmanie et aimeraient travailler sur le solitaire de Rodrigues pour ne nommer que quelques-unes de leurs cibles. 

Comment le public peut-il s’impliquer ou soutenir la recherche paléontologique ? 
La première étape est de s’impliquer dans la protection de la biodiversité native. Pour cela, il suffit de faire du bénévolat avec des groupes qui font ce travail. Ensuite, à mesure que votre intérêt s’élargit et que vous êtes connu, votre implication peut augmenter.

Le mot de la fin ?
Bien que le dodo soit une icône de l’extinction, l’approche des autorités mauriciennes est d’apprendre du passé pour prévenir que cela ne se reproduise. Je suis toujours enthousiaste à l’idée d’aider dans ce processus. En fin de compte, j’adore être à Maurice et à Rodrigues pour raconter à la communauté scientifique mondiale vos îles merveilleuses.

 

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