- Cette pratique fait l’objet d’un volet spécial de l’enquête sur le réseau de blanchiment d’argent de Franklin.
« Koumadir tantakil ourit. Pli ale pli ou trouve ena lezot kitsoz lous. » C’est ainsi qu’un policier de l’Independent Commission against Corruption (Icac) résume la complexité de l’enquête sur le vaste réseau de blanchiment d’argent organisé autour de Jean Hubert Celerine, alias Franklin. Une partie des investigations, précise-t-il, porte actuellement sur une pratique appelée « brile biye » dans le milieu des trafiquants de drogue.
Cette pratique avait été mise en évidence dans des vidéos filmées lors des funérailles de Cael Permes, retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Beau-Bassin en mai 2020. Avant cela, en novembre 2018, la police avait découvert des liasses de billets de Rs 500 et Rs 1 000 brûlées dans la forêt de Daruty, à Forbach. Aujourd’hui, la commission anticorruption dispose de suffisamment d’éléments pour affirmer que plus d’un maillon important du trafic de drogue, et du blanchiment d’argent qui en découle, sont des adeptes du « brile biye ».
« Brûler de l’argent devant un public, c’est un signe de puissance. Ça aide à se bâtir une réputation de big boss. Les trafiquants et leurs blanchisseurs se livrent même à une compétition. Zot fer de sort brile plis biye ki zot bann konkiran, filme partaze ant zot », nous explique-t-on au Réduit Triangle. Identifiées sur des images montrant ce genre de scène, différentes personnes devraient être interpellées prochainement par l’Icac.
Selon les hommes de Navin Beekarry, plusieurs de ces individus seraient des bras droits de barons de la drogue ou des prête-noms bien lotis. Ils partagent un point commun : celui d’être des nouveaux riches qui ont fait fortune très rapidement grâce à leurs activités illicites. Cet aspect sera d’ailleurs abordé lors des prochaines auditions des suspects déjà inculpés dans l’affaire Franklin.
La dernière arrestation en date est celle d’Ashley Rose, mercredi soir dans sa luxueuse maison construite au cœur de Batterie-Cassée, à Roche-Bois. Suspecté d’avoir blanchi de l’argent provenant du trafic de drogue, ce dernier présente le profil type du nouveau riche qui affiche un train de vie exubérant, avec un goût prononcé pour les voitures puissantes. La présence de deux chiens de la race Amstaff à son domicile contribue à cette image. « Posséder de tels chiens est un symbole de richesse et de puissance. Ça fait partie du ‘bling-bling lifestyle’ » souligne un membre de l’Icac.
En 2019, Ashley Rose avait déjà été arrêté par la commission anticorruption dans le cadre d’une enquête sur les participants de soirées à thèmes tels que « Kilo Money », « Young Money » ou encore « Money Bag ». L’accès à ces fêtes, où les alcools chers coulent à flots, est généralement public, des annonces étant même publiées sur les réseaux sociaux. Les seconds couteaux s’y pavanent, exhibant leur richesse, tandis que les véritables barons de la drogue, invités à titre de VIP, demeurent le plus souvent à l’écart de la foule venue pour s’amuser.
Quand l’Icac est venue interpeller Ashley Rose, mercredi, ce Mauricien détenteur d’un passeport canadien s’apprêtait visiblement à quitter le pays. Ses valises étaient déjà faites. Tout porte à croire qu’il se savait dans le collimateur des enquêteurs. Il avait d’ailleurs pris soin de faire disparaître trois véhicules haut de gamme qui étaient habituellement garés chez lui. Ce vendredi, les voitures étaient toujours recherchées.
Affaire Franklin : Ashley Rose fait appel à un jeune avocat
La présence d’un jeune avocat, Me Jaddav Iysurrey, aux côtés d’Ashley Rose, suspect dans une grosse affaire de blanchiment d’argent, en a surpris plus d’un. Cet avocat inscrit au barreau depuis seulement janvier s’est présenté à la commission anticorruption après l’interpellation de son client mercredi, dans le cadre de l’enquête sur le réseau de prête-noms de Jean Hubert Celerine, alias Franklin. D’ordinaire, de tels clients sont représentés par des grosses pointures. D’où le questionnement de diverses personnes quant au choix d’Ashley Rose. « Li enn avoka, tou sispe gagn drwa retenir so servis e li gagn drwa ofer so servis a bann sispe dan bann lanket me osi devan lakour », répond-on dans l’entourage de Me Jaddav Iysurrey. Ces sources ajoutent cependant qu’il est important pour l’avocat de s’assurer que ses honoraires ne soient pas payés avec de l’argent sale.
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