Quatre mille naissances de moins en dix ans, ce n’est pas sans conséquence sur la configuration socio-économique du pays. Les premiers effets se fait sentir en milieu scolaire.
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C’est un fait. La population estudiantine est en courbe descendante. En cinq ans, elle a diminué de plus de 15 000 élèves au primaire. La principale cause de cette chute progressive, mais constante, c’est la baisse de natalité, constatent les observateurs. En effet, le taux de naissance n’a cessé de dégringoler ces 18 dernières années. Si bien que, depuis quelques années, les autorités invitent en permanence les Mauriciens, qui ont les moyens, à avoir plus d’enfants.
L’invitation semble avoir été entendue car, pour la première fois en 18 ans, le nombre de naissances a augmenté de 344 en 2016. La tendance se maintiendra-t-elle ? Quoi qu’il en soit, il est impératif de trouver une solution à ce phénomène qui, couplé à celui du vieillissement de la population « n’augure rien de bon pour l’économie de Maurice », souligne Leela Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Éducation.
Maurice, comme plusieurs pays du monde, est confronté à une population vieillissante. Rien que de 2015 à 2016, le nombre de personnes âgées plus de 65 ans a augmenté au-dessus de 7 500. Une progression encore plus impressionnante, si elle est analysée sur les dix dernières années. De 83 000 en 2007, on comptait plus de 126 000 personnes âgées de 65 ans ou davantage en 2016. Soit 43 000 individus de plus dans cette tranche d’âge. Ce qui, pour le sociologue Om Nath Varma, n’est pas forcément une mauvaise chose.
« C’est une indication d’une meilleure qualité de vie. L’amélioration de notre niveau de vie et des soins de santé publique ont permis d’allonger la durée de vie à Maurice », constate le sociologue. En effet, selon la Population Division of the Department of Economic and Social Affairs des Nations unies, l’espérance de vie des Mauriciens, homme et femme confondus, est de 74,5 ans en moyenne.
Parallèlement, le nombre de jeunes ne cesse de diminuer. La baisse intervient progressivement à partir des moins de 49 ans et s’accentue au niveau des 0 à 14 ans. Résultat : un vide important sur les bancs de l’école. 6 300 élèves de moins cette année comparé à 2016 dans les écoles et les collèges. Une population estudiantine réduite de plus de 20 000 élèves sur les cinq dernières années. Cette tendance, si elle persiste, ne sera pas sans conséquences pour le secteur de l’éducation.
Déjà les premiers effets se font sentir avec des écoles primaires qui devraient bientôt fermer. En l’absence de demandes d’admission en Grade 1 depuis plusieurs années, l’école d’Allée-Brillant fermera définitivement ses portes en janvier 2018. Deux autres écoles sont en phase de fermeture: le Dr Beaugard à Port-Louis et celle de Quinze Cantons à Vacoas. Les deux établissements ne comptent que des classes de Grades 3 à 6. Logiquement, elles devront opérer encore trois ans, d’autant que, selon le ministère de l’Éducation, cette année aussi elles n’ont pas enregistré de demandes d’admissions.
« Notre politique n’est pas de fermer les écoles. Tant qu’il y aura des demandes pour un établissement, nous ferons en sorte qu’elle opère normalement », indique Leela Devi Dookun-Luchoomun. Cela dit, selon le ministère de l’Éducation, il n’est pas évident de soutenir le lourd budget d’une école pour une poignée d’élèves. Ainsi, la diminution progressive du nombre d’élèves au primaire devrait entraîner d’autres fermetures. Parmi, les établissements qui ont enregistré cette année un faible taux de demandes d’admission, soit moins d’une dizaine, figurent Verdun, Chitrakoot, Montagne-Ory et Neo Nemorin à Trou-aux-Biches.
Évolution de la démographie scolaire 2016-2017
Pré-primaire
- 883 écoles 27 276 inscriptions en 2017, contre 28 866 en 2016 (Baisse de 6 %)
- 2 219 enseignants
- 1 enseignant pour 12 enfants
Primaire
- 318 écoles
- 92 989 élèves en 2017, contre 97 300 en 2016 (Baisse de 5 %)
- 3 923 enseignants
- 1 enseignant pour 24 écoliers
Secondaire
- 176 écoles
- 119 629 élèves en 2017, contre 121 655 en 2016 (Baisse de 2 %)
- 9 181 enseignants
- 1 enseignant pour 13 écoliers
Om Nath Varma, sociologue: « Il faut un projet global de développement pour répondre à l’évolution démographique »
L’évolution de la démographie relève d’un vieillissement de la population avec un rallongement de l’espérance de vie des Mauriciens. Qu’est-ce que cela implique ?
C’est un phénomène naturel de l’évolution sociétale qui est considéré, à tort, comme une mauvaise chose. Au contraire, le vieillissement de la population peut être une opportunité économique et sociale. Il s’agit de répondre à la demande et aux besoins des seniors par une offre de biens et de services adaptés. Transports, espaces détente, loisirs, sécurité, participation sociale des seniors... Tout l’espace public doit s’adapter à ce changement.
La baisse de la natalité accentue le phénomène de population vieillissante. Comment trouver le juste équilibre ?
Là encore, il s’agit d’offrir le bon accompagnement pour encourager la parentalité. Les jeunes repoussent le moment d’avoir un enfant ou se contente d’un unique enfant car cela coûte cher de subvenir à ses besoins. En plus, les facilités pour les parents actifs, sont inexistantes. Il faut un projet global de développement pour répondre aux nouveaux enjeux de l’évolution démographique. Par exemple, une réorientation des politiques familiales en faveur des outils, permettant une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie familiale. Pour les femmes qui travaillent, il faudrait que des dispositifs appropriés pour la garde d’enfants soient mis en place.
Quelles seraient les conséquences d’une décroissance démographique persistante ?
Le ralentissement économique. Il n’y aura pas assez d’actifs pour soutenir économiquement le vieillissement de la population. Qui ira acheter dans ces immenses centres commerciaux que nous construisons ? De fait, il faut aussi penser à d’autres solutions, telle l’immigration. Non seulement des travailleurs manuels, mais aussi des immigrants à fort pouvoir d’achat. Ce qui nous ramène au besoin impératif d’un projet global de développement. Car la population n’est pas une question d’espace, mais de développement.
Population de Maurice au 31 décembre 2016
- Croissance démographique :0,1 %
- Nombre d’habitants :1 263 820
- Hommes : 625 358
- Femmes : 638 462
- Nombre de naissances : 13 082
- Nombre de décès : 10 174
- 0 à 14 ans : 240 247 (Baisse de 19 %)
- + 65 ans : 126 239 (Hausse de 10 %)
Leela Devi Dookun-Luchoomun : « La baisse de la population scolaire n’est pas une mauvaise chose en soi »
La population estudiantine recule. C’est un fait indéniable. C’est dû à la baisse de la natalité continue depuis plus de 18 ans. Pour la ministre de l’Éducation, il faut regarder le bon côté des choses. Ainsi, Leela Devi Dookun-Luchoomun estime que « la baisse de la population scolaire n’est pas une mauvaise chose en soi ». Pour elle, il s’agit de saisir cette opportunité pour essayer d’offrir un encadrement plus adéquat à la jeunesse mauricienne avec un ratio élèves-enseignants amélioré. « Il y a beaucoup de choses positives pouvant découler de cette situation. »
La ministre de l’Éducation concède que cela posera un problème à la longue face à la population vieillissante. Quant à la question de fermeture d’écoles, Leela Devi Dookun-Luchoomun affirme que les règlements en place n’ont pas changé. Toutefois, si un collège a besoin d’au moins 150 élèves pour pouvoir opérer, le sort des écoles primaires dépendent de leur lieu de location et des demandes d’admission.
« Notre politique n’est pas de fermer les écoles. Tant qu’il y aura des demandes pour un établissement, nous ferons en sorte qu’elle opère normalement », affirme la ministre de l’Éducation.
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