Décongestion routière : Rs 350 millions pour un échangeur contesté

La Road Development Authority (RDA) veut à tout prix ériger un nouvel échangeur sur l’autoroute pour accéder à la capitale. Sauf que des professionnels de la construction et des techniciens spécialisés estiment que ce projet est techniquement « impossible à réaliser ».

Rs 350 millions pour un projet qui risque fort de rendre cauchemardesque l’accès à Port-Louis. C’est ainsi que d’aucuns qualifient le nouvel échangeur menant à la rue Deschartres que la Road Development Authority (RDA) souhaite construire sur l’autoroute. L’accès au centre-ville via la Place d’Armes serait alors éliminé pour les véhicules venant du Sud.

L’exercice d’appel d’offres est en cours et Transinvest, nouvelle identité de Colas, est la seule soumissionnaire, les autres ayant gardé leurs distances à cause de l’impossibilité technique d’atteindre les objectifs du projet, selon les spécialistes du secteur.

L’échangeur doit en principe capter les véhicules sur l’autoroute, les faire traverser au-dessus des voies allant en direction inverse via un pont avant de redescendre sur la rue Deschartres, menant à l’intersection avec la rue Lord Kitchener, près des Casernes centrales. Sauf que cela ne marchera pas, selon une firme spécialisée dans les travaux publics.

« Nous avons fait notre analyse technique en interne et c’est impossible à réaliser, du moins en ce qui concerne les objectifs de décongestion », explique un technicien sur ce dossier.
D’abord, ce nouvel échangeur sera beaucoup trop près de celui du Caudan, avance cette source. Ensuite, l’espace disponible sur l’autoroute fait qu’il ne pourra y avoir qu’une voie pour accéder à la rue Deschartres. « La géométrie rend impossible de construire deux voies menant à l’échangeur », explique la source. Actuellement, avec un trafic fluide, les deux voies de la Place d’Armes permettent le passage de 1 400 véhicules par heure. Les feux de signalisation réduisent cette capacité de moitié. Avec une seule voie, on empirerait la situation : « En fait, vous faites passer la capacité de 50 % à 25 % ! »

Autre souci technique impossible à surmonter selon notre source : le virage que doit effectuer la nouvelle route sur le pont pour accéder à la rue Deschartres est trop abrupt pour permettre aux véhicules de dépasser la barre des 20 kmh. « Ce projet va simplement faire suffoquer l’autoroute », assure notre technicien.

Tentatives infructueuses

Une analyse que partage un autre technicien des Infrastructures publiques qui en 2015 déjà, signalait l’impossibilité de ce projet. Cette même source affirme aujourd’hui que les premières tentatives de simulation de trafic de Luxconsult, consultant sur le projet, étaient infructueuses. « Mais les résultats d’une simulation dépendent des données que vous donnez à l’ordinateur. Finalement, ils ont pu assurer que cela marcherait au niveau du trafic », explique cette source.

Les feux de signalisation présents à l’intersection compliquent la donne.  « Quand les feux passent au vert, un véhicule peut traverser chaque trois secondes. Mais il y a aussi un cycle maximum de 120 secondes à respecter entre chaque feu vert et feu rouge. Je doute fort qu’on puisse respecter ces normes », précise cet interlocuteur.

Le Défi Plus a contacté Neermal Gowreesunkur de Luxconsult pour des explications sur le projet, mais ce dernier nous a référé à la confidentialité auquel son contrat avec la RDA le lie. Nos tentatives d’obtenir une version officielle de la RDA, y compris du président du conseil d’administration Claude Wong So, se sont  révélées infructueuses.

Une source officielle proche du projet en défend toutefois l’utilité. « Généralement, le consultant donne le design, mais dans ce cas précis, la RDA a confié à Luxconsult une mission différente, explique cette source. C’est le constructeur qui doit lui-même faire le design détaillé. » Cette source affirme que Luxconsult a garanti que l’échangeur pourra accommoder deux voies.

D’autre part, le contrat comprend aussi l’introduction des feux de signalisation intelligentes sur les routes Lord Kitchener, Brabant et John Kennedy pour que leur gestion du trafic soit coordonnée, pour ainsi aider à fluidifier le trafic en temps réel.