Doit-on mettre à mort le système d’accusations provisoires ? Si la procédure est une pratique courante adoptée par la justice, elle a souvent été décriée. Deux avocats réagissent à la question.
Le chapitre du recours abusif aux accusations provisoires est de nouveau d’actualité. La question a été évoquée récemment. Le nouveau chef juge Eddy Balancy a, lors d’un entretien à Radio Plus le jeudi 28 mars 2019, évoqué le problème de l’abus des accusations provisoires. Un sujet pour lequel, dit-il, il peut apporter tout son poids. Cela du fait qu’il a été l’un des premiers à en parler, à l’époque où il enseignait au Council of Legal Education. C’est une affaire complexe, qui requiert une attention particulière.
D’ou vient la procédure d’accusations provisoires ? « Nous avons hérité du concept d’accusation provisoire de la colonisation anglaise. Auparavant, la police exerçait une discrétion, quand il s’agissait de loger une accusation provisoire. Cela s’appliquait dans des cas de vol ou encore dans des cas d’agression grave. Depuis vingt ans, le choses ont changé. Maintenant, pour tout type de délit, la police peut vous arrêter et vous inculper sous une accusation provisoire », explique Rishi Pursem, Senior Counsel. Et l’avocat de poursuivre que, depuis des années, il a un « genre d’abus ».
Une pratique normale
Pour Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, une accusation provisoire est justifiée seulement « lorsqu’il y a matière à poursuites (prima facie case) ». L’homme de loi ajoute que certaines personnes ont, d’ailleurs, soulevé la question en cour. « C’est comme cela que nous avons eu une décision de l’ancien chef juge Victor Glover, qui a statué que c’est une pratique normale pour placer une personne sous le contrôle judiciaire », dit-il.
Pourquoi la police ne peut-elle pas faire un meilleure usage de cette procédure ? « Il y a tellement de pression externe », souligne Me Rishi Pursem. « Nous avons vu le nombre d’accusations provisoires qui ont été logées contre Navin Ramgoolam et rayées ensuite. Ou encore dans le cas de Shakeel Mohamed (NDLR. son fils), contre qui une accusation provisoire avait été logée, pour être ensuite rayée. Le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) n’avait trouvé aucun fondement pour justifier l’accusation. Ce n’était qu’une persécution politique », lâche pour sa part Me Yousuf Mohamed.
Que faire pour y remédier ? « Il faut absolument légiférer. Il faut des critères spécifiques pour justifier le recours à une accusation provisoire. Idéalement, le bureau du DPP devrait être consulté avant, mais pas sûr que le personnel pourra s’occuper de tout ce travail. Il faut une entité indépendante pour gérer le recours à une accusation provisoire. Comme en France, avec le concept de juge d’instruction », explique Me Rishi Pursem.
La solution, pour Me Yousuf Mohamed, est simple : « Il faut qu’on cesse avec les charges provisoires. » L’homme de loi explique le système actuel fait que, lorsqu’une personne est arrêtée suite à une plainte et avant même que l’enquête ne soit bouclée, elle est inculpée sous une accusation provisoire. « Que se passe-t-il quand la personne n’a pas les moyens de payer la caution ? Elle va en prison. Le pire, c’est quand l’enquête policière conclut qu’il n’y a pas matière à poursuite. »
De quel recours dispose alors cette personne ? « Elle peut intenter un procès au civil à l’État et au commissaire de police. Là aussi, les autorités trouvent souvent moyen de se justifier de leurs actes. Je suis content que le chef juge ait abordé la question et j’espère qu’il prendra les taureaux par les cornes et obtiendra la collaboration des législateurs sur la question. Il faut avoir un système à l’anglaise, où l’état vous paye les frais à la suite d’un procès au pénal où vous êtes déclaré non coupable », répond Yousuf Mohamed.
L’homme de loi ajoute que cela fait des années qu’on nous promet de revoir la situation des accusations provisoires.
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