Après des funérailles grandioses à Londres, le cercueil d'Elizabeth II a entamé lundi son voyage vers sa dernière demeure à Windsor, où la souveraine à la popularité planétaire sera inhumée en fin de journée dans l'intimité.
Des milliers de personnes étaient massées sur le parcours, communiant dans l'émotion de ce dernier voyage.
Une page d'Histoire se tourne avec ces adieux à la monarque qui a traversé ses 70 ans, sept mois et deux jours de règne avec un constant sens du devoir, sans jamais partager publiquement une opinion, mais remplissant ses fonctions de cheffe d'Etat avec sérieux, bienveillance, et un humour pince-sans-rire parfois irrésistible.
Arrivé à l'Arc de Wellington, tout près de Buckingham Palace, au terme d’obsèques magistrales en présence des dirigeants de la planète à l'abbaye de Westminster et d'une fastueuse procession, le cercueil surmonté de l’étincelante couronne impériale a été placé à bord du corbillard royal, sous les yeux figés de la famille royale toute de noir vêtue - dont les petits George, 9 ans, et sa soeur Charlotte, 7 ans.
Le nouveau roi Charles III, 73 ans, lui adresse un salut, l'hymne national résonne, puis le véhicule s'ébranle lentement, sous escorte policière, sur les routes anglaises qui doivent le mener vers 14H00 GMT à Windsor, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de la capitale.
A l'image d'un deuil national réglé au millimètre et marqué par la pompe et la solennité dont la monarchie britannique a le secret, le cercueil a traversé le centre de Londres sur un affût de canon tiré par des marins de la Royal Navy.
Encadré d'une impressionnante escorte de quelque 6.000 militaires marchant à lents pas chaloupés au son de marches funèbres, tirs de canon en arrière-fond, il a été suivi à pied par la famille royale : Charles III, devenu roi après avoir attendu 70 ans, ses frères et soeur Anne, Andrew et Edward, l'héritier du trône William, nouveau prince de Galles, et le prince Harry, en civil, conséquence de son retrait de la monarchie en 2020.
Deux minutes de silence
Dans les rues de Londres ou de Windsor, où la reine sera inhumée dans la soirée, les Britanniques se sont massés - depuis plusieurs jours pour certains - pour participer à cette journée historique, fériée, point d'orgue de l'émotion qui a déferlé après le décès d'Elizabeth II le 8 septembre dans son château écossais de Balmoral, à l'âge de 96 ans. Tous saluent son dévouement à la Couronne.
De Londres à l'Ecosse ou l'Irlande du Nord, le public s'était aussi rassemblé dans des cinémas et églises, pour suivre les événements sur grands écrans.
"Dans un discours connu prononcé pour ses 21 ans, sa défunte Majesté a déclaré que sa vie entière serait consacrée au service de la nation et du Commonwealth", a déclaré durant les funérailles à l'abbaye de Westminster l'archevêque de Canterbury Justin Welby, chef spirituel de l'Eglise anglicane qui était dirigée par la reine.
"Rarement une promesse aura été aussi bien tenue", a-t-il ajouté, rendant hommage à une reine "joyeuse, présente pour tant de monde, touchant une multitude de vies".
Après le "Last Post", hommage aux soldats tombés au combat dans l'armée britannique, la cérémonie s'est achevée par deux minutes d'un silence poignant, observées à travers le pays, avant l'hymne national qui désormais célèbre Charles III, "God Save the King".
Des applaudissements ont retenti à l'extérieur de l'édifice gothique où Elizabeth, encore princesse avait épousé à 21 ans en novembre 1947 le fringant Philip Mountbatten, avant d'y être couronnée le 2 juin 1953.
Au passage du cortège, le public tend le cou, tentant d'en capturer un moment, même fugace.
"Je savais que ce serait bien, mais c'était mieux que ce à quoi je m'attendais. J'avais des larmes aux yeux et des frissons. C'est une émotion difficile à décrire quand vous voyez le cercueil de la reine passer", confie Maryann Douglas, une infirmière retraitée de 77 ans originaire de New York.
A Windsor, où la reine résidait depuis la pandémie de coronavirus, Pauline Huxtable, 64 ans, est venue fêter sa "vie extraordinaire", empreinte de "dignité" : c'était une "figure maternelle".
La dépouille avait quitté peu avant 10H00 GMT Westminster Hall où des centaines de milliers de Britanniques s'étaient recueillis jour et nuit depuis mercredi, après des heures d'attente.
Au son des cornemuses et roulements de tambour, elle avait été accompagnée en procession jusqu'à l'abbaye de Westminster. Une cloche avait sonné toutes les minutes, 96 fois pour autant d'années de la reine, avant la cérémonie.
"J'étais là !"
Parmi les invités vêtus de noir, le gratin des dirigeants mondiaux s'était déplacé, des président américain Joe Biden et français Emmanuel Macron à l'empereur du Japon Naruhito, pour ces premières funérailles d'Etat depuis celles de Winston Churchill en 1965.
Les têtes couronnées européennes dont le roi Philippe de Belgique, le roi d'Espagne Felipe VI et le prince Albert de Monaco avaient aussi pris place sous les arches gothiques de l'abbaye si liée au destin d'Elizabeth II.
Jamais depuis des années Londres n'avait connu une telle affluence de dignitaires, et la police de la capitale n'a jamais connu un tel défi sécuritaire.
Pour des millions de Britanniques, Elizabeth II était la seule, l'unique, ancre rassurante de stabilité dans les convulsions d'un monde qui change.
Pour Thay, un homme de 59 ans, la reine apportait de la "stabilité" dans une vie "chaotique". Il espère que Charles fera de même "parce que nous avons besoin de quelque chose à quoi nous accrocher".
De plus en plus frêle ces derniers mois, souffrant de problèmes de mobilité, Elizabeth II recevait encore, souriante, deux jours avant son décès, la toute nouvelle Première ministre Liz Truss, sa dernière photo publique.
C'était la dirigeante en exercice la plus âgée du monde. Durant sa vie, elle a traversé la Seconde Guerre mondiale, vu la dissolution de l'Empire britannique, l'entrée puis la sortie de l'Union européenne.
Après une dernière cérémonie à Windsor regroupant 800 personnes, elle sera inhumée lundi soir dans l'intimité, dans le mémorial George VI de la chapelle du château, aux côtés de ses parents et du prince Philip décédé en avril 2021. Ils étaient restés mariés 73 ans.
Après des jours épuisants de voyages dans les quatre nations constitutives du Royaume Uni, de bains de foule conjugués au deuil d'une mère, Charles III devra écrire sa propre histoire.
Certains rêvaient d’une transition rapide avec le nouveau prince de Galles, son fils William, 40 ans. Mais le roi a promis, comme sa mère, de servir toute sa vie.
Si sa cote de popularité a grimpé en flèche, à 70% selon YouGov, les défis, nombreux, ne font que commencer, certains pays du Commonwealth ne cachant pas leur désir de se détacher de la monarchie.
Dès mardi, le Royaume-Uni reprend le cours de sa vie suspendue depuis le 8 septembre, avec la crise du coût de la vie et les mouvements sociaux en premier plan.
AFP
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