C'est une pierre dans le jardin des anti-vaccins en pleine pandémie de Covid-19 : saisie par des parents tchèques qui refusaient de faire vacciner leurs enfants, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé ce jeudi que la vaccination obligatoire était "nécessaire dans une société démocratique".
La cour qui se prononçait ainsi pour la première fois depuis sa création en 1959 sur le principe de la vaccination obligatoire contre des maladies infantiles, avait confié cette affaire à sa formation suprême, la Grande chambre qui juge les dossiers les plus importants.
Les décisions de la Grande chambre, composée de 17 juges européens, dont le président de la CEDH, sont "définitives". Aucun recours n'est possible.
Pour Nicolas Hervieu, juriste spécialiste de la CEDH, interrogé par l'AFP, "cet arrêt vient conforter la possibilité d'une obligation vaccinale sous conditions dans l'actuelle épidémie de Covid-19".
Le juriste, qui enseigne à Sciences-Po Paris, souligne qu'aux termes de l'arrêt, les Etats bénéficient d'une "ample marge d'appréciation" pour fixer leur politique de vaccination.
La décision de la CEDH, relève également Nicolas Hervieu, fait "le constat d'un consensus général sur les effets bénéfiques de la vaccination qui ne sont pas remis en cause par les effets secondaires inévitables, dès lors qu'il y a un contrôle scientifique strict".
Et la cour, poursuit-il, endosse "le principe de solidarité sociale qui peut justifier que l'on impose la vaccination à tous, même ceux qui se sentent moins menacés par la maladie, dès lors qu'il s'agit de protéger les personnes les plus vulnérables".
Dans son arrêt, la CEDH estime que la vaccination obligatoire des enfants en République tchèque contre neuf maladies (diphtérie, tétanos, poliomyélite, rougeole, hépatite B...), ne viole pas les dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme sur le "respect de la vie privée".
"L"intérêt supérieur des enfants"
"La politique de vaccination poursuit les objectifs légitimes de protection de la santé ainsi que des droits d'autrui, en ce qu'elle protège à la fois ceux qui reçoivent les vaccins en question et ceux qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons médicales", souligne-t-elle.
Ces derniers, relève la cour, sont "tributaires de l'immunité collective pour se protéger contre les maladies graves contagieuses en cause".
"L'intérêt supérieur des enfants doit primer dans toutes les décisions qui les concernent", poursuit la cour, qui insiste sur "le besoin social impérieux de protéger la santé individuelle et publique (...) et d'éviter toute tendance à la baisse du taux de vaccination des enfants".
Et ce, même si la vaccination obligatoire, comme elle le reconnaît, "constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée".
La cour était saisie de six requêtes introduites par des parents tchèques dont les enfants qu'ils avaient refusé de faire vacciner pour diverses raisons n'avaient pas été admis en maternelle.
La justice tchèque avait rejeté auparavant tous les recours de ces parents.
"La non-admission des enfants requérants à l'école maternelle (a) impliqué pour eux la perte d'une occasion cruciale de développer leur personnalité", concède la CEDH. Mais, relève-telle, il "s'agissait d'une mesure préventive plutôt que punitive dont les effets ont été limités dans le temps" puisque les enfants ont été admis ensuite à l'école primaire à "l’âge de la scolarité obligatoire".
L'arrêt de la CEDH prend une résonance particulière alors que de nombreux militants anti-vaccins manifestent, parfois violemment, à travers le monde, dénonçant une "dictature sanitaire" à propos des mesures de confinement et de prophylaxie ou les effets secondaires de la vaccination.
Il pourrait également peser dans le débat sur la vaccination obligatoire contre le Covid-19, du personnel médical notamment.
AFP
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