Un rapport récent révèle que 494 constructions illégales obstruent les cours d’eau à Maurice, aggravant les risques d’inondations. Malgré des lois strictes, l’incivisme persiste. L’avocat spécialisé en droit environnemental Bilaal Chattaroo souligne l’urgence de réformes légales et de sanctions renforcées pour protéger l’environnement.
Un rapport récent des autorités locales met en lumière une problématique préoccupante : 494 constructions illégales ont été recensées sur l’ensemble du territoire national, obstruant rivières, canaux et drains (voir plus loin). Ces structures perturbent le flux naturel des eaux pluviales et aggravent les risques d’inondations, déjà amplifiés par les changements climatiques.
Bien que la prise de conscience environnementale progresse, l’incivisme persiste, et les autorités peinent à appliquer les lois existantes. Pour mieux comprendre les enjeux et le cadre légal, Me Bilaal Chattaroo, avocat spécialisé en droit environnemental, nous éclaire sur la situation.
Le cadre légal
Selon Me Bilaal Chattaroo, plusieurs lois encadrent strictement les constructions dans les cours d’eau et leurs abords. Il cite notamment The Rivers And Canals Act 1863, The Forests And Reserves Act 1983, The Local Government Act 2011, et The Water Resources Act 2024 qui doit encore être proclamé. Ces textes de loi visent à protéger les cours d’eau et à prévenir les dommages environnementaux.
Dérogation
Est-il possible d’obtenir une dérogation pour construire dans une rivière ? À cette question, Me Bilaal Chattaroo rappelle que l’article 25 du Rivers And Canals Act 1863 stipule que : « No one to stop or alter river or stream (…) except with authority from the Supreme Court. »
Ainsi, seule la Cour suprême peut autoriser une telle construction. Cependant, cette possibilité reste exceptionnelle et limitée aux travaux réalisés par une autorité publique telle que la National Development Unit (NDU), la Road Development Authority (RDA), ou tout autre intervenant désigné par la Land Drainage Authority pour l’exécution de projets de drainage.
Me Bilaal Chattaroo précise également que les constructions sur les rives sont réglementées, conformément à l’article 14(1)(c) du Forests And Reserves Act 1983. Toute construction nécessite une autorisation écrite d’un fonctionnaire désigné par le ministre responsable de la Foresterie.
Régularisation impossible
Selon Me Bilaal Chattaroo, aucune procédure légale ne permet de régulariser une construction illégale dans un cours d’eau. Il cite à cet égard l’arrêt Ramsurrun R. v The Moka Flacq District Council 2022 SCJ 180, qui réaffirme la nécessité d’appliquer les sanctions prévues pour éviter tout précédent dangereux. Contrairement à d’autres types de constructions illégales, celles édifiées sur les cours d’eau doivent faire l’objet d’une notification de démolition immédiate (« pull down notice »), conformément à l’article 127A du Local Government Act 2011.
Réforme nécessaire
Enfin, Me Bilaal Chattaroo insiste sur « l’urgence d’une réforme des lois actuelles » face aux défis des changements climatiques. Il suggère de s’inspirer de modèles internationaux, comme la reconnaissance des rivières en tant qu’entités légales, pratiquée en Nouvelle-Zélande, ou l’inscription des droits de la nature dans les Constitutions, comme en Équateur et au Bangladesh.
S’il salue l’engagement de l’Alliance du Changement pour inscrire l’écologie dans la Constitution, l’avocat appelle à des mesures encore plus ambitieuses, telles que la création d’une « police de l’eau » pour renforcer la surveillance et la protection des cours d’eau à Maurice.
Les sanctions prévues
Les sanctions pour construction illégale sont sévères selon Me Bilaal Chattaroo. Il rappelle que L’article 127G du Local Government Act 2011 prévoit l’émission d’un « pull down notice », ordonnant la démolition de la construction illégale. Le non-respect de cet ordre entraîne une amende pouvant aller de Rs 100 000 à Rs 500 000 et le tribunal peut également ordonner que les frais de démolition soient à la charge du contrevenant.
Si l’ordre de démolition est exécuté, une amende maximale de Rs 500 peut être infligée. De plus, l’article 25(2) du Rivers And Canals Act 1863 stipule que le contrevenant est tenu de rétablir l’état initial du cours d’eau à ses propres frais.
Pour les constructions sur les réserves forestières riveraines, le Forests And Reserves Act 1983 prévoit également des sanctions, incluant la démolition obligatoire sous supervision judiciaire.
Ce que dit le rapport
Un rapport de plusieurs municipalités et conseils de district révèle l’ampleur d’un phénomène préoccupant : 494 constructions illégales ont été recensées à travers le pays. Ces structures, érigées en violation des réglementations en vigueur, obstruent les cours d’eau, canaux et drains, exacerbant ainsi les risques d’inondations déjà accrus par les changements climatiques.
Ces constructions illégales, souvent motivées par des intérêts personnels ou une méconnaissance des enjeux environnementaux, sont le fruit d’une urbanisation galopante et d’une gestion laxiste des espaces publics. Malgré les efforts des autorités locales pour faire respecter la loi, l’incivisme persiste, rendant difficile la démolition de ces constructions illégales.
Pour inverser cette tendance et préserver nos écosystèmes, il est impératif de renforcer la sensibilisation aux enjeux environnementaux et de promouvoir une urbanisation durable. Un changement radical des comportements individuels est nécessaire, ainsi qu’une application stricte des lois en vigueur.
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