Deux avocats se retrouvent dans le viseur du Bar Council. Outre Sanjeev Teeluckdharry, menacé de suspension, l’avocat Navin Ramchurn se retrouve face au risque d’une interdiction de pratiquer. L’ordre des avocats veut faire taire les critiques selon lesquelles il n’agit pas contre les réfractaires de la profession.
Après Me Sanjeev Teeluckdharry, c’est Me Navin Ramchurn qui se retrouve sur la sellette. Le Bar Council a saisi la Cour suprême pour sanctionner les deux avocats pour non-respect du code d’éthique de la profession. Tous deux ont réagi en réclamant une injonction contre l’ordre des avocats.
La requête de l’avocat et député Sanjeev Teeluckdharry a été appelée le vendredi 5 octobre devant la juge Shameem Hamuth-Laulloo, siégeant en référé. Il réclame l’arrêt de la procédure engagée contre lui par l’Ordre des avocats et visant à le suspendre du barreau pour non-respect du code d’éthique. Sa requête est dirigée contre le Bar Council et la Mauritius Bar Association.
Le Bar Council et la Mauritius Bar Association, représentés par Me Rishi Pursem, Senior Counsel, et Zubeida Salajee, Senior Attorney, ont déposé des objections préliminaires en droit, face à la requête de l’ex-Deputy Speaker de l’Assemblée.
Le conseil de l’ordre soutient que la demande d’injonction de Me Sanjeev Teeluckdharry est un abus des procédures judiciaires. « Le Bar Council est habilité, en vertu des pouvoirs conférés par la loi, à suspendre un avocat et à interrompre son adhésion à l’ordre des avocats. » Le Bar Council soutient que Me Teeluckdharry a failli à établir dans sa demande d’injonction quel préjudice il risque de souffrir si la juge n’intervient pas dans cette affaire.
Me Sanjeev Teeluckdharry, représenté vendredi dernier par Me Nandraj Patten, a réclamé un renvoi pour faire connaître sa position face aux objections du Bar Council. L’affaire a été reportée au 23 octobre.
Rappelons que l’avocat a également engagé une demande de révision judiciaire contre le Bar Council.
Le litige a pour origine les conclusions du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue. Commission présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. Épinglé dans le rapport, Me Sanjeev Teeluckdharry a vivement réagi. Dans une vidéo en ligne, on le voit jeter une copie du rapport de la commission d’enquête à la poubelle.
Le cas Ramchurn
Cette semaine a aussi été marquée par le cas d’un autre avocat, Me Navin Ramchurn. Les ennuis ont surgi pour lui à travers une missive du Bar Council datée du 24 septembre 2018.
Le Conseil l’y informe qu’il n’est plus habilité à exercer. Le Bar Council estime que l’avocat a, de son « propre chef », interrompu son adhésion à l'ordre des avocats, et ce, depuis 2014. Cela du fait que l’avocat a été déclaré en faillite. Ainsi selon le conseil, Me Navin Ramchurn n’est plus habilité à exercer comme avocat.
Le Conseil déclare que plus tôt, cette année, l’avocat a demandé l’autorisation de reprendre son adhésion à la Mauritius Bar Association. Une réunion a été fixée pour le 20 juillet 2018.
Selon le Bar Council, l’avocat aurait admis avoir « omis de respecter ses obligations en tant que membre de l’ordre des avocats » pendant quatre ans. Période pendant laquelle le conseil n'a pas été en mesure de le retrouver et d’obtenir ses explications concernant plusieurs plaintes pour violation du code d’éthique de la profession.
Une des plaintes le concernant a été référée à la Cour suprême depuis le 30 janvier 2015. Le Conseil déclare n’avoir pas d’autre alternative que de loger une nouvelle plainte contre l’avocat devant la Cour suprême.
Faux bond
Le Conseil de l’ordre avance que Me Navin Ramchurn avait accepté de se présenter devant un comité ad hoc pour avancer les motifs pour lesquels, il ne devrait pas être suspendu en attendant la décision de la Cour suprême. Or, après de deux demandes de renvoi, l’avocat aurait fait faux bond.
Me Navin Ramchurn a réagi en logeant une demande d’injonction, le mardi 2 octobre. Sa requête est dirigée contre la Mauritius Bar Association (MBA) et le Bar Council. L’avocat réclame un ordre interdisant au Conseil de l’ordre de le suspendre ou de lui interdire de pratiquer. Sa requête a été examinée par le juge Ashraf Caunhye, siégeant en référé, le mardi 2 octobre. Ce dernier a refusé d’émettre l’injonction. Il a toutefois convoqué le représentant du Bar Council en cour, le lundi 15 octobre, afin que le conseil donne les raisons pour lesquelles l’ordre réclamé par Me Navin Ramchurn ne doit pas être émis.
Dans son affidavit, Me Navin Ramchurn réplique qu’il reste un membre de la Mauritius Bar Association. Il n’estime pas avoir été suspendu ou interdit de pratique. Il soutient que ce n’est que le 20 juillet 2018 qu’il a appris que le Bar Council avait saisi la Cour suprême contre lui depuis le 30 janvier 2015, suivant une plainte pour violation du code d’éthique. Il explique que la Cour suprême n’a jusqu’ici engagé aucune procédure disciplinaire contre lui. Il admet avoir été, le 29 septembre 2014, déclaré en faillite et qu’il a été avisé de cesser de pratiquer. Chose qu’il a faite.
Il ajoute que le 9 mai 2018, le personnel de la Mauritus Bar Association a refusé de prendre ses paiements. Il est question de Rs 20 000 de frais d’adhésion impayés sur cinq ans et Rs 200 pour le renouvellement de sa carte d’avocat.
Ces hommes de loi pris dans les filets de la justice
Plusieurs hommes de loi ont fait l’objet de sanction pour manquements à leur profession. Ci-dessous les cas les plus connus :
En 1982, l’avocat Raja Gooriah avait bénéficié d’une liberté conditionnelle pour possession d’objets volés. Objets provenant du hold-up au Casino de Maurice. Il a été radié du barreau. Quinze ans après, en janvier 1997, il a été réinscrit au barreau.
En 1987, Me Amba Goinsamy Chinien a été retiré du registre des avocats après avoir été condamné à cinq ans de prison pour entente délictueuse afin d’exporter des devises. Sa peine a été ramenée à une amende de Rs 1 000. Il a exprimé le souhait de réintégrer le barreau. Sa demande a été rejetée par la Cour suprême.
Au début des années 1990, l’ancien magistrat Satish Teemul a été condamné par la cour pour corruption. Puis radié peu de temps avant sa mort
Le 19 février 1999: L’avoué Kedarnath Gungabisson a été radié du barreau. Il était accusé d’avoir ourdi un complot avec d’autres personnes pour inciter un suspect à jurer un faux affidavit. Il a ainsi entravé le cours d’une enquête policière.
Le 20 juin 2006 : l’avocat Abdul Samad Golamaully a été suspendu pour six mois en tant qu’avocat. Il lui était reproché d’avoir omis de déclarer dans sa demande d’admission au barreau mauricien qu’il avait une condamnation antérieure en Angleterre.Il a repris sa toge pour exercer.
Le 30 mars 2007 : L’avocat Prakash Boolell a été radié du barreau. Le motif : il a été trouvé coupable d’escroquerie par trois instances judiciaires : la Cour intermédiaire, la Cour suprême et le Privy Council. Le délit remonte au 11 septembre 1990. Prakash Boolell fut poursuivi pour escroquerie. En 2003, il est condamné par la Cour intermédiaire à six mois de prison. Le 26 mai 2004, la Cour d’appel maintient le verdict. Puis, le conseil privé a réduit la peine de prison à une amende de Rs 10 000. Il a fait une demande devant la Cour suprême pour qu’il soit réintégré au barreau. Sa demande est toujours en suspens.
Le 30 janvier 2008 : Dev Hurnam a été radié du barreau. L’ancien avocat parlementaire a été condamné par la Cour intermédiaire à six mois de prison pour entente délictueuse dans le but de fabriquer un alibi à son client. C’était le 11 août 2003. Toutefois, le verdict est annulé en appel devant la Cour suprême. Le Directeur des poursuites publiques (DPP) fait appel du verdict devant le conseil privé. Les lords renverseront à leur tour le verdict de la Cour suprême. La peine de six mois de prison est maintenue contre lui.
En 2009 : Feu Gilles Catherine, notaire a été radié de la profession. Introuvable dans un premier temps, il fut recherché par la police à la suite d’un mandat d’arrêt émis contre lui depuis 2010. Plusieurs procès étaient en attente contre lui.
Un an après, le notaire Brian Chung King Sow, contre qui pèsent des condamnations pour détournement de fonds et chèques sans provision, a été lui aussi radié.
Bar Council : Mes Hervé Duval Jr et Yanilla Moonshiram blanchis
Le Bar Council a tranché. Mes Hervé Duval Jr et Yanilla Moonshiram n’ont pas violé le code d’éthique des avocats en agissant comme conseils légaux de l’ex-présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim.
« Le Bar Council a conclu qu’il n’y a rien dans la conduite des avocats qui démontre une violation du code d’éthique », a déclaré Yahia Nazroo, secrétaire du Bar Council, ce vendredi 5 octobre à Radio Plus.
En août 2018, Me Yousuf Mohammed, Senior Counsel, avait accusé les deux avocats de conflits d’intérêts dans le cadre de la commission d’enquête présidée par le juge Ashraf Caunhye sur Ameenah Gurib-Fakim.
Me Yousuf Mohammed avait reproché Me Hervé Duval Jr , Senior Counsel, de porter plusieurs chapeaux, soit celui du Président du Bar Council, celui de témoin potentiel dans le cadre de la mise sur pied d’une Commission d’enquête sur Alvaro Sobrinho et celui d’avocat de l’ex-présidente devant ladite Commission d’enquête.
Nouvelles mesures en vue
Le Bar Council a publié, le mardi 25 septembre, la première édition de sa newsletter. L’occasion de présenter une ébauche des nouveaux règlements que compte apporter le conseil de l’ordre des avocats pour l’aider dans sa tâche. Une mesure qui vise à faire taire les critiques selon lesquelles l’ordre des avocats n’arrive pas à nettoyer sa propre maison. Une réunion est prévue le 18 octobre 2018.
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