Chez la famille Bhugaloo, la chasse est une tradition passionnée héritée de leur ancêtre Gooljar, arrivé de l’Inde. Depuis celui-ci, rabatteur de cerfs, les descendants sont devenus chasseurs. Durant ces dernières années, c’est Anaida, l’arrière-petite-fille, et fille d’Alaoudin Bhugaloo, qui s’est chargée de diversifier l’activité vers une filière écotouristique.
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Chaque année, à pareille période, c’est une véritable frénésie qui s’empare de la famille Bhugaloo, domiciliée à Rose-Hill. C’est qu’ici on ne vit et respire que par la chasse. « Depi mo gran-papa Gooljar finn vinn depi Lind, tout mo fami finn angaze dan la-sas. Li finn fer rabataz partou dan Moris, Belriv, Medinn, Bel-Om », explique Alaoudin, 64 ans, père d’Anaida et qui exploite le chassé de la Rivière-du-Poste, à Salazie. Si ses deux garçons sont aussi impliqués dans cette activité, c’est cependant Anaida qui porte la responsabilité de l’innovation et de l’expansion de l’entreprise. « En accord avec mon père et avec ses conseils, nous sommes très avancés dans ce projet, les contacts ont été pris avec des pays du Golfe et la France, entre autres », indique la jeune femme, actuellement étudiante en criminologie dans une université privée, mais qui a déjà fait son choix. « Je me sens très portée par l’entrepreneuriat. Avec le business familial bien établi et qui jouit d’une excellente réputation à travers Maurice, les perspectives sont très positives », dit-elle.
Premières battues
C’est vrai que depuis les premières battues de l’ancêtre Gooljar dans les forêts locales au service d’une poignée de nantis de la communauté franco-mauricienne, la famille Bhugaloo a su trouver sa voie dans le domaine de la chasse. Si bien qu’elle a fini par décrocher un terrain de chasse à bail où elle organise des parties de chasse chaque année. « Pou gegn sa lotorisasion-la, ti bizin montre ki ou serye e ki ou respekte bann reglemantasion. La-sas se enn domenn kot zi ti ena zis enn kategori dimunn lontan, fait-il observer. « Me mo fami finn montre ki li ena leksperyans ek li kapav rant dan sa domenn-la », ajoute-t-il.
A Saint-Pierre, localité natale de la famille, son père Adam s’était aussi taillé une solide réputation en tant que taxidermiste, développant cette activité comme un véritable ‘art’. « Depi sa lepok-la, li ti deza konsian kuma bizin truv bann lezot aktivite avek la-sas. Li finn bien gegn so lavi avek anpayaz serf », se réjouit-il. Son père, ajoute-t-il fièrement, avait empaillé une tête de cerf pour offrir à la reine Elizabeth II durant sa visite à Maurice, ce qui lui avait d’être invité par le palais de Buckingham. Il garde un vif souvenir de cet homme dur à la tâche, père de 16 enfants, alternant la vente de charbon et du pain, dressant les chiens de chasse pour ses patrons et se faisant payer en venaison lorsqu’il faisait des rabattages.
Phase d’initiation
« Mo ti ena anviron 15 zan kan mo finn kumans al ar li pou la-sas », se souvient-il encore. Il confie : « Premie fwa, nou ti al Medine dan enn landrwa appel ‘Karo sarbonie’. Zanfan, depi sa lepok-la, pa ti ena drwa tous fisi. Mo papa finn akonpagn pou bann gran dimun kuma Sir Emile Series, la-fami D’Unienville, Harel, Sir Harold Walter, par ekzamp. Sa lepok-la, la-sas pas ti ankor bien reglemante. Me bann saser-la zot ti ena deza gran respe pou bann serf ». Comme tout individu en phase d’initiation à la chasse, il doit apprendre à connaitre les bois, les sentiers, les pistes prises par les cerfs et, surtout comment distinguer les biches, les daguets, les femelles des grands cerfs. « Ou bizin aprann get zo bann korn pu konn tout sala, ki kantite ena ki zot groser », répond-il, à quoi Anaida ajoute : « De toute façon, tous les cerfs à bois sont des mâles ».
Psychologie du chasseur
Depuis que la jeune femme s’est impliquée à fond dans l’entreprise familiale, elle connait presque tous les us et coutumes inhérents à la chasse, mais aussi la psychologie du chasseur. « J’ai cherché à cerner ce milieu si particulier, son histoire et son évolution, le profil sociologique des chasseurs, le vocabulaire et le jargon qui y sont propres, mais aussi les enjeux environnementaux auxquels la chasse est liée. Ces facteurs sont importants pour le projet familial qui est inscrit dans l’écotourisme », dit celle qui, aujourd’hui, a pour responsabilité d’animer le briefing matinal avant que les chasseurs partent dans les bois ou grimpent sur les miradors. Son engagement tient également en ligne de compte un facteur nouveau qu’elle a vu grandir durant ces dix dernières années. « Mes parents et moi avons vu pas mal de femmes qui viennent dans les chassées pour passer du bon temps, certes pour consommer de la venaison fraiche, mais aussi pour socialiser et se déstresser dans la nature », avoue cette fan de sensations fortes et peu partisane des grandes messes de consommation dans les food-courts de Maurice.
Anaida Bhugaloo : « il existe aussi une tendance chez les jeunes nouveaux riches mauriciens qui veulent se démarquer des clichés propres à cette classe sociale"
Un tourisme d’intérieur écoresponsable
Le projet familial de développement d’un tourisme d’intérieur est dans le droit fil du développement d’un tourisme d’intérieur écoresponsable très recherché afin de diversifier l'offre carte postale traditionnelle de notre secteur touristique. « Que ce soit les Mauriciens ou les étrangers, certains d’entre eux veulent retrouver des sensations naturelles. Par ailleurs, il existe aussi une tendance chez les jeunes nouveaux riches mauriciens qui veulent se démarquer des clichés propres à cette classe sociale. Au cœur de notre offre, il y a certes la chasse sur les miradors, mais il y a aussi l’hébergement, la restauration, la découverte de l’endroit et une documentation sur l’histoire de la chasse à Maurice, semblable à celle de la canne à sucre. Nous allons aussi soutenir des micro-entreprises afin de faire revivre la faune dans les cours de notre terrain de chasse. De plus, nous allons accorder une attention particulière à la sécurité des lieux », indique Anaida, qui a l’entrepreneuriat chevillé.
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