Faits Divers

Braquage à la mauricienne : des bijoux valant Rs 12 M emportés

Un vol audacieux, le mur de la chambre forte défoncé au marteau-piqueur, des bonbonnes de gaz, un chalumeau et une bande bien organisée… Tous les ingrédients étaient réunis pour faire du cambriolage de la SBM de la rue Royale, Port-Louis, le scénario idéal pour un film de gangsters.

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Les suspects ont défoncé le mur qui donne un accès direct au ‘main vault’.

On aurait dit que le braquage perpétré à la State Bank of Mauritius (SBM) de la rue Royale, Port-Louis, dans la nuit du samedi au dimanche 26 février est sorti tout droit du film de gangsters Braquage à l’anglaise. Sauf qu’ici, les protagonistes sont des Mauriciens. C’est en effet l’un des vols les plus audacieux commis dans une banque après le hold-up dans la chambre forte (main vault) de la Mauritius Commercial Bank (MCB) à la rue Sir William Newton, à Port-Louis, en février 2005.

La police suspecte un gang de sept personnes d’être derrière le braquage perpétré à la SBM. Rs 3 750 000 et Rs 350 000 en devises auraient été emportées, alors que le mystère plane toujours sur la disparition des objets qui se trouvaient dans une quinzaine de coffres. Les faits se sont déroulés entre 20 heures et 4 heures, selon l’enquête policière.

Des bijoux valant au moins Rs 12 millions auraient été emportés. À ce jour, aucun client ne s’est manifesté pour rapporter un quelconque vol. Les suspects sont aussi tombés sur un coffre rempli de balles : il y en avait 491, soit 450 de calibre 0.22 et 41 de calibre 7.62.

Les suspects ont forcé environ une quinzaine de coffres sur les 200 que contient le ‘main vault’.

Ni la banque ni les enquêteurs ne peuvent expliquer la présence de ces munitions dans le vault. La police a fait une demande pour un Judge’s Order pour obtenir les noms des détenteurs de ces coffres. Les enquêteurs attendent la décision de la Cour suprême en ce sens, d’où l’ouverture d’une seconde enquête parallèle.  

L’enquête sur le braquage a vite progressé. Une équipe de la Criminal Investigation Division (CID) de Port-Louis Nord a procédé à des arrestations. Elle soupçonne Parvez Fatehmamode, alias Lepap, et son « équipe » d’avoir frappé de nouveau.

Cinq suspects ont été arrêtés, dont Parvez Sheik Mohamed Fatehmamode, 32 ans et habitant Camp-Yoloff. Les autres sont Mohammad Shabir Joomunally, 35 ans, Bibi Sharwinaz Joomunally, 28 ans, Mohammad Falyaad Peerbux, 24 ans, tous des habitants de Morcellement Goolamally, Terre-Rouge, et Vikram Gooriah, un habitant de Roche-Bois âgé de 32 ans.

Les enquêteurs soupçonnent deux suspects d’être les principaux protagonistes de cette affaire : le présumé cerveau Parvez Sheik Mohamed Fatehmamode et Faryaad Peerbux.

Aveux

Mercredi, Faryaad Peerbux est passé aux aveux. Il a expliqué aux enquêteurs comment il s’est retrouvé dans ce « gang ». Il dit avoir fait la connaissance de Parvez Fatehmamode dans une maison de jeu de la capitale. Ils sont vite devenus bons amis. Parvez Fatehmamode lui aurait promis une moto. « Le jeudi 23 février, Parvez Fatehmamode m’a approché pour me parler de son plan. Un travail qui allait rapporter beaucoup d’argent », a-t-il raconté à la police.  

C’est plus tard que Faryaad Peerbux aurait compris qu’il s’agissait du braquage de la SBM de la rue Royale. Il affirme qu’il n’était au courant que d’une partie du plan. Selon lui, Parvez Fatehmamode serait le cerveau de ce cambriolage audacieux. Ce dernier a, pour sa part, nié toute implication dans cette affaire.

Selon Faryaad Peerbux, le présumé cerveau, les cinq autres membres de la bande et lui-même se sont donné rendez-vous dans la soirée du 25 février non loin de la banque. Ils sont arrivés à bord d’une voiture. Vers 19 heures, cinq d’entre eux seraient descendus pour se rendre au bâtiment abritant la SBM. Le sixième complice serait, lui, resté dans le véhicule.
Selon Faryaad Peerbux, ils ont d’abord forcé une imposte, mais sont restés à l’extérieur pour ne pas se faire surprendre par une patrouille d’une compagnie de gardiennage. Des agents de sécurité se sont pointés sur les lieux un plus tard, puis sont repartis.

Vers 22 heures, cette compagnie de sécurité a envoyé un SMS à un responsable de la banque. Le message se lit comme suit : « Dear sir, please note that we received alarm at SBM Royal, we sent our team to check and they reported all is fine on site. Nothing abnormal was reported. » Ce n’est que le lendemain à 7 heures que le responsable de cette succursale a pris connaissance de ce message.

Une fois les agents de sécurité  partis, le gang est passé à l’action. Les voleurs sont entrés dans la banque par l’imposte. Selon Faryaad Peerbux, Parvez Fatehmamode se serait dirigé vers une pièce où se trouvaient les caméras de surveillance. Il aurait désactivé le système d’alarme.

Marteau-piqueur

Entre-temps, d’autres membres du gang auraient « sécurisé » les lieux en barricadant la porte principale pour retarder l’accès à l’intérieur au cas où des agents de sécurité se pointent. Les suspects ont ensuite fait monter de grosses bonbonnes de gaz industriel et un chalumeau. Puis ils se sont dirigés vers le rez-de-chaussée pour accéder directement à la porte du  vault.

Faryaad Peerbux explique qu’ils ont allumé le chalumeau pour forcer la serrure en métal. Trois bonbonnes de gaz ont été utilisées avant de venir à bout de ce dispositif de sécurité. Le suspect raconte que ses amis et lui ont perdu beaucoup de temps avec le chalumeau. Ils ont alors décidé de passer au plan B, c’est-à-dire défoncer le mur en béton qui donne un accès direct au vault. À l’aide d’un marteau-piqueur, ils ont commencé à creuser le mur. Un travail ardu car l’appareil s’est retrouvé en face de barres en métal, incrustées dans le béton. C’est après de longues minutes qu’ils sont parvenus à creuser un trou suffisamment grand pour qu’une personne puisse y pénétrer.

Les heures passent, mais les braqueurs ne baissent pas les bras. C’est après avoir abattu un travail de fourmi qu’ils ont vu la « lumière au bout du tunnel » : la chambre forte. C’est Faryaad Peerbux qui y entre le premier, suivi de Parvez Fatehmamode. C’était, pour eux, le moment tant attendu, car ils se sont enfin retrouvés dans une salle remplie de millions de roupies.

Les suspects n’avaient rien laissé au hasard. Selon Faryaad Peerbux, ils avaient en leur possession trois gros sacs et les ont remplis de liasses de billets. Ils ont tout pris sur leur passage, y compris des pièces de monnaie se trouvant dans des sacs en plastique.

Toujours selon la version de Faryaad Peerbux à la police, les suspects ont forcé environ une quinzaine de coffres sur les 200 et ils y ont découvert des bijoux. Ils ont même été surpris de constater qu’il y avait plusieurs balles dans des lockers. La police soupçonne que les suspects ont emporté une partie des balles.

Vers 4 heures du matin, selon Faryaad Peerbux, ils ont entendu un bruit émanant du rideau de fer de la SBM. Selon Faryaad Peerbux, des agents de sécurité se sont peut-être présentés sur les lieux.

Les suspects ont immédiatement pris les escaliers, laissant tout leur équipement sur place ainsi qu’un sac contenant des liasses de billets de Rs 500 – il y en avait pour au moins Rs 350 000 –, pour prendre la direction de l’imposte. « Une fois assurés que la voie était libre, nous avons pris la fuite », explique Faryaad Peerbux dans sa déposition. Ce qui explique que les images des caméras de surveillance de la police et celles des caméras privées montrent cinq personnes dans les environs à 4 h 18 du matin.

Les suspects sont remontés dans la voiture et le chauffeur a foncé en direction du sud. Selon Faryaad Peerbux, ils se sont rendus dans une maison dans le Sud pour y laisser leur butin. Il dit cependant ne pas se souvenir du lieu exact. « Nous avons partagé l’argent. Nous n’avons pas eu le temps de compter mais j’ai obtenu un sac rempli de liasses de billets.

J’ai toutefois constaté qu’il y avait beaucoup de coupures de Rs 25 dans le sac que j’avais obtenu », indique Faryaad Peerbux. Il ajoute qu’il y avait environ huit kilos de bijoux en or.

Saisie de deux voitures

Faryaad Peerbux pense qu’il a obtenu environ un demi-million de roupies. Il dit avoir utilisé Rs 186 000 pour l’achat d’une Mazda. Ce véhicule et une Mitsubishi ont été retrouvés lors d’une descente policière chez Mohammad Shabir Joomunally à Terre-Rouge mercredi. Une somme de Rs 240 000 a été retrouvée à son domicile et Rs 40 000 dans la Mitsubishi. La police a récupéré une somme totale de Rs 426 000. Des prélèvements ADN ont été effectués sur les suspects et les résultats sont attendus.

Faryaad Peerbux a été conduit dans le Sud afin de retrouver une pièce à conviction importante. Mais cet exercice n’a rien donné. La police tente maintenant de vérifier les dires du suspect.


La police avait averti la banque

La CID de Port-Louis Nord a, semble-t-il, flairé un potentiel braquage. Le jeudi 23 février, les policiers avaient recommandé à la SBM de la rue Royale de redoubler de vigilance et de sécurité par mesure de précaution. Le 26 février, vers 9 heures, après avoir appris que le guichet automatique ne fonctionnait pas, le responsable s’est rendu à la succursale. Une fois à l’intérieur, il découvrira que la banque était sens dessus dessous. Il a tout de suite alerté la police de Trou-Fanfaron.

Rs 120 000 emportées lors du premier braquage

Cinq voleurs s’étaient introduits dans la succursale de la SBM de la rue Royale le 15 mai 2016. Ils étaient entrés en passant par la même imposte. Les malfaiteurs n’ont pu forcer le coffre et se sont contentés de vider le guichet automatique qui se trouve à l’intérieur de la banque. Ils ont fait main basse sur Rs 120 000. Trois suspects ont été arrêtés dans cette affaire : Sheik Mohammad Parvez Fatehmamode (impliqué dans le second braquage), Mohamad Yassin Khodabocus et Kevin Sumputh. Ils ont tous nié leur implication.

Sheik Mohammad Parvez Fatehmamode a été arrêté le 23 mai 2016 et a retrouvé la liberté conditionnelle le 31 août 2016. Son complice Mohamad Yassin Khodabocus a, lui, été arrêté le 25 mai 2016 et libéré le 7 juin 2016 après avoir fourni une caution. Et Kevin Sumputh a été arrêté le 25 novembre dernier après que ses traces ADN ont été retrouvées sur les lieux. Il a été libéré contre une caution le 16 décembre 2016.

La police vérifie les images d’une caméra de surveillance

Après que Vickram Gooriah a confié aux enquêteurs qu’il se trouvait chez lui à l’heure du braquage, les enquêteurs s’intéressent aux enregistrements d’une caméra CCTV installée à proximité du domicile du suspect. Les enquêteurs veulent visionner les images pour confirmer la version du suspect. Vickram Gooriah était le premier suspect arrêté dans cette affaire.

La réponse de la banque attendue

Nous avons essayé d’avoir une version de la SBM. Un préposé nous a demandé d’envoyer un courriel à la direction mais il n’est jamais revenu vers nous. Nos nombreux appels sont restés vains. Du côté de la Banque de Maurice, on nous a fait comprendre que le responsable de la communication était en réunion et qu’il allait revenir vers nous pour plus d’éclaircissements. Mais nous avons encore une fois attendu en vain.

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