Le premier président de la République de Zambie, Kenneth Kaunda, est mort jeudi 17 juin à l’âge vénérable de 97 ans, a annoncé le secrétaire du gouvernement, Simon Miti, à la télévision nationale. En effet, le père de l’indépendance de l’ancien protectorat britannique qu’il dirigea pendant vingt-sept ans, est « mort paisiblement » à 14 h 30 (12 h 30 GMT) à l’hôpital. Un deuil national de vingt et un jours a été décrété. L’ancien chef de l’État, surnommé « KK », avait été admis en traitement depuis lundi 14 juin 2021 à un hôpital militaire de la capitale Lusaka, des suites d’une pneumonie.
Sous sa présidence, le gouvernement consentit à des investissements énormes en vue de la mise en place des infrastructures sociales pour le bien-être de la population. Il fut aussi l’élément moteur pour enclencher des reformes importantes dans d’autres secteurs-clé de l’économie tels que le commerce, l’industrie, l’exploitation minière, pour ne citer que ceux-là.
Réformes éducatives
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Mais, nombreux sont nos compatriotes qui se souviennent encore des réformes avant-gardistes dans le secteur éducatif sous son impulsion. Ils ont toujours en mémoire l’image de ce légendaire chef d’État africain, celui qui ne sortait jamais sans son mouchoir blanc qu’il agitait pour saluer la foule ou ses partisans en guise de salut et surtout de leurs années enrichissantes passées en Zambie, ce pays africain accueillant dont le peuple sait se montrer reconnaissant envers les expatriés venus contribuer au développement de leur patrie. Le nouveau gouvernement zambien sous la férule du charismatique Kenneth Kaunda au pouvoir depuis 1964, avait ébauché un plan de réformes éducatives pour combattre l’analphabétisme ambiant, former des cadres susceptibles d’assumer éventuellement des responsabilités au sein de l’appareil d’État et par ricochet assurer un meilleur avenir à ses citoyens.
Des ressortissants étrangers de plusieurs nationalités, dont des Anglais, des Irlandais, des Français, des Canadiens, des Indiens, des Pakistanais, mais aussi ceux des pays du continent africain dont, entre autres des Egyptiens, des Algériens, des Botswanais, des Malawiens et autres Sud-Africains, furent recrutés par la ‘Zambian Teaching Service Commission’ C’est ainsi, que dans la même foulée, des Mauriciens, enseignants de profession, avaient signé un contrat à durée déterminée pour vivre l’aventure africaine en toute connaissance de cause sur le territoire zambien. Ils avaient délaissé leur zone de confort pour vivre dans la brousse africaine carburant aux idées fortes d’un socialisme naissant.
À l’époque, une équipe de pédagogues zambiens encadrée de leurs homologues européens, dont certains étaient délégués par l’UNESCO, avait sollicité et obtenu l’accord du gouvernement mauricien pour le recrutement de nos compatriotes. Ces derniers, triés sur le volet, allaient être en poste sur le territoire zambien dans différentes institutions secondaires de la République. Sur une centaine d’enseignants qui avaient postulé pour un emploi, seulement une vingtaine était en présence d’une copie du contrat de travail qu’il fallait étudier et signer avant de la remettre au responsable de la délégation.
Recrutement des enseignants Mauriciens
Ainsi, la petite île Maurice, partie intégrante de l’Afrique avait su apporter sa contribution eu égard à la réalisation de ce projet éducatif d’envergure nationale. Ces enseignants mauriciens, de par leurs compétences, leur capacité d’adaptation et leur sens du professionnalisme tels des pionniers, ont su tracer la voie à leurs compatriotes, qui allaient être recrutés à leur tour par la suite pour servir dans différents secteurs de l’économie zambienne, dont le plus connu est sans doute l’industrie sucrière de Mazabuka.
Pour la petite histoire, il importe de souligner qu’au départ le gouvernement zambien voulait recruter d’anciens cheminots mauriciens qui étaient au chômage depuis la fin du système de chemin de fer à Maurice. Il était entendu que nos compatriotes qui avaient un savoir-faire mécanique et technique, allaient travailler pour le compte de la Tanzam Railways. À cette fin, un haut officiel du gouvernement zambien, un certain M. Adamson était venu à Maurice pour le recrutement. Un haut cadre du ministère du Travail avait eu des sessions de travail avec le Zambien dépêché par son gouvernement. À un certain moment, il avait demandé s’il était possible que son gouvernement recrute également des enseignants mauriciens. Adamson avait même laissé entendre que cela n’allait poser aucun problème, d’autant que les enseignants mauriciens étaient plus formés et plus qualifiés que les Zambiens. En outre, les Mauriciens ont un atout majeur – ils sont bilingues. Car à l’époque, on parlait souvent de bilinguisme en Afrique, d’autant que les pays africains nouvellement indépendants étaient soit francophones, soit anglophones.
Eu égard à son passé colonial, la Zambie est anglophone. D’ailleurs, la langue officielle demeure l’anglais et ce malgré la lutte pour l’indépendance politique. En outre, la nouvelle élite du pays et ceux qui occupent des postes importants de responsabilité au sein de la bureaucratie y sont parvenus grâce à leur maîtrise de cette langue. Comme quoi, malgré son statut de langue des colonisateurs, l’anglais joue un rôle fédérateur au niveau linguistique et reste le médium de l’enseignement dans le secteur éducatif. Tant mieux, sinon avec la multitude des langues tribales qui perdurent, ce serait perdre son latin.
Comme la plupart de ses pairs au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), aujourd’hui Union Africaine (UA) à l’époque, Kenneth Kaunda était partisan de l’enseignement du français. D’où l’inclusion de cette langue étrangère dans le curriculum scolaire pour promouvoir justement le bilinguisme. Aussi, nombreux étaient ces Mauriciens qui allaient enseigner la langue de Molière au sein des institutions secondaires quoique d’autres compatriotes enseignaient les mathématiques, les sciences ou l’anglais.
Louckman Lallmahomed
(Ancien enseignant au Zambie)
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