Dans son dernier rapport sur Maurice, le Fonds monétaire international réitère sa demande pour que le gouvernement remette de l’ordre dans les finances publiques dans cette ère post-pandémique. Au passage, l’organisme redéfinit le niveau d’endettement qui est soutenable pour le pays.
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Les mesures « exceptionnelles» adoptées par Maurice, que ce soit sur le plan budgétaire ou monétaire, étaient une nécessité, reconnaît le Fonds monétaire international (FMI) dans son Selected Issues Paper on Mauritius, rendu public le 15 juillet. Mais, alors que la situation se normalise, il est temps pour l’État de revenir à des pratiques plus conventionnelles. Ainsi, le FMI fait une série de recommandations pour mettre bon ordre dans les finances publiques.
L’envolée de la dette publique
D’abord, le FMI note que les importantes mesures de relance budgétaire et les pertes de recettes, conjuguées avec la contraction du PIB dans un contexte marqué par la pandémie, ont contribué à l’envolée de la dette publique à Maurice, incitant les autorités à abroger le plafond d’endettement. Des besoins d’emprunt sans précédent au cours de l’exercice 2019/20, en partie dus à une forte augmentation des pensions, ont fait grimper la dette publique à environ 85 % du PIB, contre environ 64 % du PIB, deux ans plus tôt. Ces importantes mesures de relance budgétaire visant à atténuer l’impact sanitaire et économique de la pandémie, les pertes de recettes et la contraction du PIB ont encore fait grimper la dette à environ 100 % du PIB au cours de l’année financière 2020/21. La dette dépassant largement le plafond à moyen terme de 60 % du PIB, les autorités ont abrogé ce plafond en 2020 en activant la clause dérogatoire correspondante. « Par conséquent, la politique budgétaire ne dispose pas actuellement d’un point d’ancrage pour la dette, ce qui risque de compromettre la discipline budgétaire à moyen terme », prévient le FMI.
Révision de la cote d’alerte
D’où la recommandation du FMI pour un nouveau calibrage du plafond de la dette pour Maurice. Ce nouveau point d’ancrage de la dette à moyen terme pourrait atteindre 80 % du PIB, par rapport à la cote d’alerte de 60 % du PIB, abrogé pendant la pandémie. « Ceci permettrait de réduire la dette de l’ordre de 99,2 % du PIB au cours de l’exercice 2020/21 à un niveau proche du nouveau point d’ancrage au cours de l’exercice 2026/27. L’ancrage révisé de la dette reflète mieux la capacité d’endettement de Maurice, tout en soutenant la croissance. Toutefois, le niveau actuel de la dette est bien supérieur au point d’ancrage proposé », fait ressortir le FMI. C’est pourquoi l’institution de Bretton Woods se prononce pour une période de transition, durant laquelle le déficit diminuerait progressivement, passant de 7,6 % du PIB durant l’exercice 2021/22 à 3 % du PIB durant l’exercice 2026/27 et au-delà.
Les trois scénarios du FMI
Dans le document, le FMI explique comment il est arrivé à une cote d’alerte de 80 % de la dette publique. « Nous estimons cette limite d’endettement en utilisant trois méthodes standard, qui se concentrent sur : (i) le solde primaire maximal (ou fatigue budgétaire) ; (ii) la capacité de service de la dette ; et (iii) la croissance maximale. Une fois la limite de la dette connue, l’ancre de la dette est calibrée dans une deuxième étape en tenant compte d’une marge de sécurité (ou tampon) pour prendre en compte les chocs macroéconomiques potentiels », souligne le FMI. Ainsi, sur la base de l’approche de la fatigue budgétaire, la limite de la dette pour Maurice est estimée à environ 101 % du PIB. Selon l’approche de la capacité du service de la dette, la limite de la dette est évaluée à environ 100 % du PIB. Selon l’approche de la croissance maximale, la limite de la dette se situe aux alentours de 89 % du PIB (Ndlr : voir tableau plus loin). En résumé, les limites estimées de la dette vont de 89 % à 101 % du PIB dans un scénario moins prudent, et de 75 % à 90 % du PIB dans un scénario plus prudent. L’ancrage de la dette pour Maurice se situe entre 74 % et 87 % du PIB.
Quand la dette publique descendra-t-elle à 80 % du PIB ?
Selon le FMI, la dette publique pourrait être ramenée vers le point d’ancrage de 80 % du PIB d’ici 2024/25. « La dette (99,2 % du PIB durant l’exercice 2020/21) pourrait être ramenée vers le point d’ancrage (80 % du PIB) d’ici l’exercice 2024/25 en ajustant immédiatement le ratio solde global/PIB à -3 %, ou alternativement en ajustant le ratio dépenses totales/PIB à 27 %, à partir de l’exercice 2022/23 », souligne le FMI. Et d’ajouter : « Afin de réduire les effets négatifs de l’ajustement budgétaire sur la croissance, on pourrait prévoir une période de transition durant laquelle le déficit diminuerait progressivement pour atteindre 3 % du PIB à partir de l’exercice 2026/27, ce qui permettrait de ramener le ratio d’endettement au point d’ancrage en 2026/27. » à savoir que les autorités mauriciennes accueillent favorablement la possibilité de recalibrer l’ancrage de la dette à moyen terme à 80 % du PIB.
Estimation du plafond de la dette
Moins conservateur | Plus conservateur | |
---|---|---|
Lassitude budgétaire | 101,4 % | 74,6 % |
Capacité du service | ||
de la dette | 100,1 % | 89,8 % |
Croissance maximale | 88,5 % | 88,5 % |
VITE DIT
Que la MIC soit achetée par le GM ou intégrée à la DBM
Le FMI recommande une nouvelle fois à la Banque de Maurice de renoncer à la Mauritius Investment Corporation (MIC). « La propriété de la MIC par la BoM pèse sur l’indépendance de la Banque centrale, brouille la séparation des politiques monétaires et fiscales, et contribuera probablement à des coûts de politique monétaire plus élevés et/ou à une inflation plus forte à l’avenir », souligne le FMI. De plus, la MIC est en concurrence avec le secteur financier pour certains projets rentables. Le FMI propose donc à ce que la MIC soit rachetée par le gouvernement ou soit intégrée à la Development Bank of Mauritius. « Pour financer cette acquisition, l’État pourrait lever des liquidités sur le marché et/ou déployer les ressources accumulées dans les dépôts du gouvernement - Rs 90 milliards (environ 20 % du PIB) à la fin de 2021. Une telle mesure permettrait également d’atténuer l’excès de liquidités », fait ressortir l’institution. Cependant, pour l’heure actuelle, les autorités n’envisagent pas cette option et prévoient de financer des projets stratégiques avec leurs ressources. Dans la même foulée, le FMI évoque « la possibilité de conflit d’intérêts », car certains membres du comité de politique monétaire siègent à la fois à la Banque de Maurice et sont des directeurs de la MIC.
Pour une roupie numérique non rémunérée
La Banque de Maurice envisage d’introduire une roupie numérique cette année. Or, le FMI estime que l’émission d’une roupie numérique - surtout lorsqu’elle est rémunérée - ne présente pas d’avantages évidents et peut entraîner des complications. « Dans la situation actuelle, il semble qu’une roupie numérique non rémunérée soit une option plus simple et ayant le moins d’impact », recommande le FMI.
Ciblage de l’inflation : vers un objectif de 2 % à 4 %
La BoM a annoncé l’introduction d’un cadre pour le ciblage de l’inflation en 2006, mais sa mise en œuvre pratique est restée incomplète, souligne le FMI. Cependant, la BoM envisagerait de moderniser son cadre de politique monétaire en adoptant un objectif d’inflation explicite et tablerait sur une fourchette d’inflation de 2 % à 4 %.
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