Certains Mauriciens deviennent de véritables passionnés de l’histoire lorsque celle-ci est étroitement liée à leur village. À Mon-Goût, Claude Moonien s’est intéressé à quatorze peintures originales du peintre Xavier Le Juge de Segrais. Il souhaite que ces œuvres soient classées au patrimoine national.
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C’est un pari qui, à première vue, semble hors de portée pour un homme privé de gros moyens. Claude Moonien est, de surcroît, domicilié à des dizaines de kilomètres de l’église qui recèle ce petit trésor artistique, composé de 14 peintures réalisées entre 1922 et 1923 et montrant les étapes du Chemin de Croix du Christ. « Il n’en existe aucun de semblable à Maurice », martèle notre interlocuteur.
C’est un peu une heureuse coïncidence qui lui a mis sur la piste de ces œuvres. « La famille Le Juge de Segrais est originaire de Mon-Goût depuis l’époque coloniale. Elle y possédait une vaste demeure, aujourd’hui disparue », raconte Claude, passionné par l’histoire de Maurice et membre du Shiva Yoga Centre.
Ses recherches sur Mon-Goût remontent à 2005, à la Bibliothèque Nationale où, en feuilletant l’ouvrage Les Plantes et leur histoire, il tombe sur le nom de François Etienne, Le Juge de Segrais. Cet agronome, établi à Mon-Goût, préparait les semences et les plantes dont certaines étaient destinées au Jardin botanique de Pamplemousses.
« À côté de moi, il y avait un jeune qui était plongé dans un volume du Dictionnaire de la biographie mauricienne, publié par la Société des historiens de Maurice. Une semaine plus tard, je suis revenu à la bibliothèque et j’ai retrouvé le livre. C’est comme ça que j’ai appris l’existence du peintre et de ces tableaux aux motifs religieux qu’il avait peints sur commande pour son fils Guy, qui officiait comme prêtre à l’église de Bel-Air-Rivière-Sèche. »
Passionnée par cette découverte, son association décide de créer en 2008 un concours annuel avec la collaboration du ministère de la Jeunesse, qu’elle appelle le Xavier Le Juge de Segrais National Painting Championship. « La première édition du concours avait pour thème ‘History of Monuments of Mauritius’. Depuis, les thèmes changent chaque année. »
D’une pierre deux coups
Mais, l’association ne perdra pas de vue le véritable objectif de sa création : motiver les jeunes artistes à se faire connaître grâce à la mémoire de Xavier Le Juge de Segrais. « Nous voulons faire d’une pierre deux coups, car avec la reconnaissance nationale de ses œuvres, c’est notre localité qui serait projetée sous les feux de la rampe », fait ressortir Claude Moonien.
L’association va poursuivre deux projets : créer un espace dédié à un monument historique à Mon-Goût, où trônera le buste du peintre, puis obtenir de l’État que ses quatorze ouvrages figurent au patrimoine national et bénéficient de l’attention du National Heritage Trust Fund. « La compagnie Terra nous a déjà promis verbalement un terrain, alors que la National Art Gallery nous offrirait les services d’un sculpteur. »
Mais pour mener à bon port les deux projets, il faut d’abord que les tableaux deviennent des biens de la République. C’est l’étape la plus compliquée car l’État, auquel Claude a fait appel, lui répond dans une missive en date du 14 octobre 2016 que les peintures appartiennent à l’Église. Notre ami part donc frapper aux portes de l’Évêché, à Port-Louis, où on lui explique que la décision appartient au curé de la paroisse de Bel Air-Rivière Sèche.
Claude Moonien, sans attendre, fonce dans le Sud, où ce dernier lui indique que c’est une personne, responsable de l’entretien, qui doit décider du sort des tableaux. « Je ne perds pas espoir, j’attends que le prêtre, qui est un étranger, soit remplacé par un Mauricien, mais je vais le revoir à la fin de janvier. Il faut faire vite, car la dernière restauration a été réalisée en 2013 par le Blue Penny Museum », fait-il ressortir.
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