Le nouveau secrétaire général de la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI), Barlen Pillay, dresse, dans l’interview qui suit, une liste des défis auxquels est déjà confrontée l’économie mauricienne. Parmi eux, l’inadéquation entre les emplois disponibles, l’absence de compétences requises, l’étroitesse du marché domestique ou la concurrence de certains pays plus compétitifs que Maurice.
Publicité
Quel constat faites-vous de l’état de l’économie mauricienne durant ces dernières années ?
Après une période de croissance économique modérée suite à la crise de 2008, nous avions noté un revirement du cycle économique à partir de la deuxième partie de 2016, avec une accélération de la croissance économique mais à un niveau assez moindre par rapport à avant la crise – c'est-à-dire un taux de croissance en moyenne de plus de 5 %.
Vous faites valoir que le chômage sera encore en recul en 2019. À quoi attribuez ce bon résultat ?
C’est la logique d’une croissance économique en hausse, ainsi que des politiques incitatives à l’emploi. Cette tendance à la baisse est aussi le résultat d’un niveau de population qui est presqu'en stagnation.
Vous mettez l’accent sur l’inadéquation entre les offres d’emplois disponibles et la formation, ce qui a été souvent souligné sans jamais être solutionné. Où se trouve donc le problème?
Premièrement, il y a la diversification de l’économie et une disparité entre ce que les entreprises veulent comme compétences pour leur développement et ce que les demandeurs d’emplois possèdent comme compétences et formations. L’économie mauricienne bouge de plus en plus vers les services et la valeur ajoutée. Deuxièmement, c’est l’éducation qui est liée à cela. Parmi les chômeurs, plus de 44 % n’ont pas atteint le School Certificate (SC) ou son équivalent.
Certains économistes et chefs d’entreprises font ressortir que les coûts de production à Maurice sont trop élevés par rapport à ceux de nos concurrents. Est-ce une véritable problématique ?
Cela dépend de ce qu’on veut produire. Il est clair que nous ne pouvons plus être compétitifs sur les « low-value added activities » avec des arbitrages sur les coûts de production telle que la main-d’œuvre. Les pays comme l’Inde, la Chine, le Bangladesh et plus près de nous, Madagascar, sont beaucoup plus compétitifs sur ce segment. Le défi auquel nous faisons face, c’est la transformation de notre modèle économique vers des productions à plus fortes valeurs ajoutées – basées sur l’innovation, la recherche et le développement et le transfert de technologie.
Est-ce que la mondialisation de l’économie et de la finance, la libre-circulation des biens et services, posent déjà un sérieux défi aux petites économies comme la nôtre ?
Comme tout pays, nous sommes affectés par les défis de la mondialisation. Nous avions nous même, depuis plus d’un an déjà, souligné la désindustrialisation prématurée comme l'un des grands défis auxquels Maurice fait face après 50 ans d’indépendance. Notre base industrielle, qui contribuait à presque 25 % du PIB, représente maintenant moins de 13 % du PIB. En tant que petit État insulaire, l’impact de la mondialisation rapide est plus accru. Le défi de nos entreprises c’est de pouvoir augmenter la productivité, améliorer leurs gammes de produits et innover pour pouvoir faire face à la compétition.
Le soutien des instances publiques sur les charges administratives, la facilité des affaires, et un meilleur accès à la main-d’œuvre qualifiée et les talents, sont essentiels.
L’étroitesse de notre marché doit-elle nous inciter à rechercher ailleurs, surtout en Afrique, des débouchés, à la fois pour nos produits et l’emploi de nos jeunes. À ce titre, pensez-vous que ces derniers sont prêts à faire le grand saut en Afrique ?
Avec 1,3 million d’habitants et 1,3 million de touristes annuels, notre marché reste étroit. Avec l’Afrique, nous avons accès à un marché de 1,2 milliard d’habitants – presque 1 000 fois le marché mauricien. Avec nos accords au niveau du COMESA, de la SADC et avec, prochainement, la Continental Free Trade Area, nous aurons un accès privilégié à ce marché qui est en expansion.
Néanmoins, l’Afrique est un marché avec ses spécificités et contraintes. On n’a pas pu l’exploiter à son optimum jusqu'à maintenant. Dans cette optique, depuis le mois de novembre dernier, le président de la MCCI, Marday Venkatasamy, a été élu à la présidence du COMESA Business Council – organisme qui regroupe les instances du secteur privé dans la région du COMESA. C’est une aubaine qui nous permet de mieux comprendre le continent, dégager une stratégie africaine et nous organiser, en notre capacité de National Focal Point, en consultations avec tous les acteurs du secteur public et privé pour coordonner les actions sur l’Afrique. Il s'agit de cibler des marchés spécifiques, ainsi que des produits et services spécifiques.
Cette démarche africaine est primordiale à notre développement économique pour les années qui viennent.
L’une de nos craintes en allant en Afrique est la sécurisation des affaires et des contrats. Nous proposons aux opérateurs d’utiliser dans leurs contrats, les clauses du centre d’arbitrage de la MCCI le MARC, afin que les litiges, si il y en a, puissent être résolus en maîtrisant les délais et les coûts.
Quelles sont les initiatives de la MCCI pour relever les défis qui se dressent déjà face à l’économie mauricienne ?
Le défi fondamental est la question de la valeur ajoutée de nos produits, de nos services et de leur montée en gamme. À la MCCI, l'une de nos priorités pour 2019, est une meilleure compréhension et une maîtrise de l’innovation pour les opérateurs, ceci afin qu’ils deviennent plus efficaces, voire plus compétitifs. Par ailleurs, et c’est lié, nous continuons notre plaidoyer pour l’adoption et la mise en œuvre rapide de l’Intellectual Property Bill et en même temps, nous travaillons, grâce à l’assistance de l’Union Européenne, à la mise en place au sein de la MCCI d’une plateforme de transfert de technologie entre l’Europe et Maurice.
Au niveau de la compétitivité et de la productivité des entreprises, nous consolidons nos différentes offres de formations au niveau de la MCCI Business School.
J’ajoute que nous travaillons avec l’Economic Development Board (EDB) pour la rationalisation des processus de permis et de licences, et les coûts qui y sont associés.
Nous sommes également très actifs au niveau de nos commissions Industrie et Commerce qui se rencontrent régulièrement sur des thématiques pour définir la stratégie des secteurs et faire des propositions au gouvernement. Avec une économie liée au service à plus de 75 % du PIB, nous allons très prochainement lancer une Commission Services pour identifier les besoins et définir une véritable stratégie de développement.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !