
L’émission « Au Cœur de l’Info » du mardi 15 avril 2025 animée par Nawaz Noorbux était axée sur les perspectives de réforme du système judiciaire. Le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, a défendu l’importance d’instaurer des enquêtes dirigées par son bureau. Mais l’Attorney General, Me Gavin Glover, a manifesté son désaccord à cette proposition.
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Position de Me Gavin Glover :
- Il doute que les Prosecution-Led Investigations apportent les résultats escomptés.
- L’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) a un fort taux de réussite, tandis que des agences, telles que la Mauritius Revenue Authority (MRA), affichent des résultats variables. La Financial Crimes Commission (FCC) souffre d’un manque d’effectifs et devrait se concentrer sur les délits financiers d’envergure et non sur des « petits » cas de pot-de-vin.
- Il faut une approche coordonnée plutôt que des changements draconiens pour éviter les conflits de compétences.
Position de Me Rashid Ahmine :
- Les investigations devraient être supervisées par son bureau (Prosecution-Led Investigation) dès leur commencement, suivant le modèle écossais et d’autres pays avancés.
- Ce type d’encadrement devrait être obligatoire, car solliciter des compléments d’enquête après cinq ans ne fait qu’accentuer les retards judiciaires.
- Bien que l’investigation demeure la prérogative des enquêteurs, c’est ultimement la poursuite qui présente le dossier devant les tribunaux.
- Une assistance étrangère pourrait apporter une perspective différente et améliorer les méthodologies actuelles.
- Les enquêtes sur des affaires majeures doivent rester confidentielles pour préserver l’intégrité des investigations.
- La mission fondamentale de la poursuite est de présenter les preuves équitablement, sans chercher la victoire à tout prix.
Affaire Jacquelin Juliette : le DPP détaille les procédures engagées
Me Rashid Ahmine a ensuite été interrogé sur la controverse des « Moutass Leaks » au sujet du décès de Jacquelin Juliette survenu le 5 janvier 2023. Pour rappel, cet homme de 36 ans est décédé quelques heures après une interpellation musclée par l’Adsu à Cité Ste-Claire, Goodlands. Le DPP a confirmé qu’une enquête judiciaire approfondie avait été initiée pour faire la lumière sur les circonstances de la mort du trentenaire, incluant un ordre d’exhumation. « Si un acte malveillant est établi, le responsable ou les responsables devront répondre de leurs actes », a-t-il ajouté. Des experts ont été consultés pour déterminer la possibilité de recueillir des indices.
Indépendance du système judiciaire
Me Gavin Glover a évoqué la nécessité d’abolir l’obligation pour un chef juge de solliciter l’autorisation du Premier ministre pour ses déplacements à l’étranger. Cette réforme est soutenue par ce dernier.
Police and Criminal Evidence Bill : l’AG prône un changement modéré
En ce qui concerne le Police and Criminal Evidence Bill, l’AG a révélé que ce projet de loi avait été peaufiné. Toutefois, il plaide pour un changement modéré afin de rassembler un consensus autour des réformes envisagées.
Freedom of Information Act : clarification des responsabilités
Me Gavin Glover a tenu à préciser que bien que ce projet de loi ait été mentionné dans le discours-programme, son aboutissement ne relève pas directement de ses attributions. Il a rappelé que le rôle de l’AG consiste à conseiller le gouvernement en toute indépendance, sans hésiter à exprimer ses désaccords lorsque nécessaire.
Légiférer pour garantir l’indépendance du bureau du DPP
Me Rashid Ahmine a plaidé vigoureusement pour des amendements constitutionnels visant à renforcer l’autonomie du DPP pour protéger son indépendance, quel que soit le gouvernement en place. « Il faut penser aux années à venir. Avec ce qu’on a vu par le passé… Si c’est un autre gouvernement qui arrive, on doit présenter un amendement à la Constitution pour protéger l’indépendance du DPP. C’est pour le pays et la démocratie », a-t-il ajouté.
De son côté, Me Gavin Glover a insisté sur l’importance de tracer une ligne rouge pour délimiter clairement les prérogatives respectives du DPP et du commissaire de police, afin d’éviter la répétition des tensions observées dans le passé. Mais sur le principe, il s’est dit favorable à légiférer pour éviter d’éventuels abus futurs.
Une décision du DPP est sujette d’une révision judiciaire
Selon Me Rashid Ahmine, celui qui est contre la décision du DPP de poursuivre ou ne pas poursuivre peut recourir à une révision devant la Cour suprême.
Lutte antidrogue : pas assez de commanditaires condamnés, selon le DPP
Le DPP a déploré l’insuffisance des condamnations visant les véritables commanditaires du trafic de stupéfiants. Tout en saluant l’efficacité de la brigade antidrogue, il a exhorté la police à exploiter davantage les techniques d’investigation avancées, telles que les écoutes téléphoniques et le traçage des cargaisons. L’objectif, selon lui, est de remonter systématiquement les filières jusqu’aux cerveaux des réseaux, au lieu de se limiter aux simples passeurs.
Réforme constitutionnelle : une commission en gestation
En ce qui concerne la mise en place de la Constitutional Review Commission dans un délai de six mois, l’AG a rappelé que cela relève de la prérogative du Premier ministre. Cette instance sera chargée de formuler des recommandations sur les réformes constitutionnelles, électorales et relatives aux droits fondamentaux.
Précisions de Me Gavin Glover :
- Il faudra écouter un large éventail de personnalités, incluant celles de la société civile.
- Ce sera au président de cette commission de décider de la procédure à adopter.
- Un Mauricien sera probablement nommé à la tête de cette commission. Des experts étrangers pourront aider à rédiger certaines clauses de la Constitution. Les Singapouriens contribueront à la mise sur pied de la cour d’appel.
- Le Contentieux d’intérêt public (Public Interest Litigation) devra être inclus dans la Constitution, comme dans toutes les grandes méritocraties. « Ce n’est pas possible qu’un citoyen ne puisse pas emmener une action juste parce qu’il n’a pas suffisamment d’intérêt dans l’affaire. Mais il faut des paramètres afin que cela ne parte pas dans tous les sens », a déclaré l’AG.
- En ce qui concerne le Fiscal Responsibility Bill destiné à sanctionner la dilapidation des fonds publics, l’AG a confirmé que ce texte de loi verra bien le jour : « C’est une loi qui va venir, mais il y a d’autres chantiers prioritaires, comme le Police and Criminal Evidence Bill, entre autres. »
Accusation provisoire : abolition vs transition progressive
Le système d’accusation provisoire continue de susciter la controverse. Pour Me Rashid Ahmine, cette pratique peut être acceptable « tant qu’il n’y a pas d’abus ». Le DPP estime, du reste, que cette procédure est vouée à disparaître progressivement avec l’introduction attendue de la loi Police and Criminal Evidence (PACE), un cadre juridique inspiré du modèle britannique.
« Une enquête préliminaire doit précéder l’identification d’un suspect », souligne le DPP qui explique le recours aux accusations provisoires par les craintes des enquêteurs concernant la fuite potentielle de suspects hors du territoire. « Cette pratique permet de placer des personnes sous contrôle judiciaire pendant l’enquête », précise-t-il, tout en reconnaissant la nécessité d’explorer des alternatives.
L’AG, pour sa part, adopte une position sans équivoque : « Nous devons nous débarrasser des accusations provisoires. » Cette pratique ne repose sur aucun texte législatif précis, ce qui nécessite d’instaurer des directives claires.
Dans une perspective de réforme à plus long terme, Me Gavin Glover confirme que le projet de loi PACE est actuellement en préparation, mais appelle à la prudence : « On ne peut pas avancer tête baissée ni imposer aux enquêteurs une législation à laquelle ils ne seraient pas préparés. »
La réforme s’annonce ambitieuse et nécessitera « des amendements constitutionnels conséquents », selon l’AG, qui insiste sur l’importance d’une approche globale : « On ne peut pas introduire le PACE Bill en isolation d’autres lois. Il faut rationaliser pour que la justice soit accessible à tous. »
Gavin Glover réaffirme sa détermination à prioriser « des lois visant à assainir la justice au quotidien ».
L’urgence d’une réforme judiciaire
Une refonte complète du système judiciaire mauricien s’impose d’urgence, selon Me Gavin Glover : « Si on ne fait rien dans cinq ans, le système va s’écrouler. » Il déplore qu’aucune amélioration significative n’ait été apportée depuis une décennie.
L’AG préconise l’instauration d’un système de performance mesurable dans le secteur public. « Le Key Performance Indicator (KPI) doit devenir une réalité », souligne-t-il, insistant particulièrement sur la responsabilisation des enquêteurs vis-à-vis de leur hiérarchie.
« Si le KPI n’est pas atteint, il ne devrait pas y avoir de promotion », martèle Me Glover, qui ajoute : « Ou kasiet lekor, apre pa ariv ou nanye. Ou bizin sibir les conséquences. »
Parmi les mesures proposées, l’AG recommande une révision en profondeur du statut des fonctionnaires, notamment des policiers, des officiers de justice, des magistrats et des juges. Il plaide également pour une revalorisation des rémunérations afin d’obtenir de meilleurs résultats.
« Nous ne pouvons pas tout faire en même temps. Il faut changer graduellement, rémunérer correctement pour obtenir des résultats », précise-t-il, avant d’ajouter qu’une réduction de la dette nationale permettrait de dégager les ressources nécessaires.
Me Glover s’insurge, par ailleurs, contre certaines anomalies du système actuel : « C’est impensable d’attendre quatre mois pour obtenir un transcript dans un procès. »
Le DPP partage cette préoccupation, soulignant que « la lenteur dans le système est préjudiciable à la poursuite ». Il rappelle que la justice a longtemps été « l’enfant pauvre » des institutions.
« Quand un délai devient déraisonnable, il faut y remédier », affirme le DPP, qui suggère d’identifier précisément les problèmes pour trouver des solutions adaptées. « Peut-être que les ressources sont limitées », admet-il, avant de conclure : « Si on veut une justice efficace, il faut la moderniser. »
Accusation provisoire : abolition vs transition progressive
Le système d’accusation provisoire continue de susciter la controverse. Pour Me Rashid Ahmine, cette pratique peut être acceptable « tant qu’il n’y a pas d’abus ». Le DPP estime, du reste, que cette procédure est vouée à disparaître progressivement avec l’introduction attendue de la loi Police and Criminal Evidence (PACE), un cadre juridique inspiré du modèle britannique.
« Une enquête préliminaire doit précéder l’identification d’un suspect », souligne le DPP qui explique le recours aux accusations provisoires par les craintes des enquêteurs concernant la fuite potentielle de suspects hors du territoire. « Cette pratique permet de placer des personnes sous contrôle judiciaire pendant l’enquête », précise-t-il, tout en reconnaissant la nécessité d’explorer des alternatives.
L’AG, pour sa part, adopte une position sans équivoque : « Nous devons nous débarrasser des accusations provisoires. » Cette pratique ne repose sur aucun texte législatif précis, ce qui nécessite d’instaurer des directives claires.
Dans une perspective de réforme à plus long terme, Me Gavin Glover confirme que le projet de loi PACE est actuellement en préparation, mais appelle à la prudence : « On ne peut pas avancer tête baissée ni imposer aux enquêteurs une législation à laquelle ils ne seraient pas préparés. »
La réforme s’annonce ambitieuse et nécessitera « des amendements constitutionnels conséquents », selon l’AG, qui insiste sur l’importance d’une approche globale : « On ne peut pas introduire le PACE Bill en isolation d’autres lois. Il faut rationaliser pour que la justice soit accessible à tous. »
Gavin Glover réaffirme sa détermination à prioriser « des lois visant à assainir la justice au quotidien ».
Justice à deux vitesses
La récente arrestation de l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, suivie de sa libération sous caution un dimanche soir, ont également été abordées. L’AG Gavin Glover a évoqué le précédent de Navin Ramgoolam, rappelant les similitudes entre les deux affaires impliquant d’anciens chefs de gouvernement. Et de souligner qu’il avait représenté d’autres accusés qui ont également bénéficié de la procédure de la Weekend Court.
Lorsque Nawaz Noorbux a soulevé la question de savoir si la présence d’un avocat de sa stature avait pu faciliter le processus, ce dernier s’est abstenu de commenter directement. « C’est à la discrétion du magistrat de statuer sur la demande de libération sous caution », a simplement rappelé Me Glover.
« La Weekend Court a été instaurée précisément pour traiter ce type de situations », a-t-il ajouté, soulignant que « les affaires à fort profil médiatique sont souvent traitées en priorité, comme c’est le cas dans d’autres pays ». L’AG a néanmoins mis en garde contre « les conclusions hâtives » concernant le traitement accordé à l’ex-Premier ministre.
Me Rashid Ahmine a exprimé son désaccord sur ce point, insistant sur le principe fondamental d’équité judiciaire : « Tous les citoyens doivent être traités de façon equitable. » « Il existe une structure en place et nous ne faisons qu’appliquer les lois », a-t-il poursuivi, faisant référence à l’amendement récent au Bail Act, conçu spécifiquement pour accélérer le traitement des demandes de libération sous caution.
Création d’une Cour d’appel
L’Attorney General a indiqué que l’idée d’une Cour d’appel avec des juges étrangers est toujours en débat. L’objectif est de créer une International Commercial Court pour les litiges commerciaux. Selon lui, « il faut une scission claire entre juges de la Cour suprême et ceux de la Cour d’appel ». Cependant, précise-t-il, le Privy Council reste la dernière instance d’appel pour les citoyens mauriciens.
Me Rashid Ahmine s’est dit favorable à cette création, sans commenter davantage.
Les bons mots du DPP…
- « J’ai ma propre opinion concernant les institutions. Mais je ne peux pas l’exprimer en public. »
- « Je ne regrette nullement les décisions que j’ai prises. »
- « Il ne faut pas franchir la ligne. »
- « Il est très important d’avoir une stratégie pour les enquêtes. »
- « Mo alerzik kan mo tann dir ki le stand du DPP pa ankor pre. »
- « Nou lag behind. »
Les bons mots de l’Attorney General…
- « À Maurice, le système d’enquête n’est pas fait correctement. »
- « Il ne faut pas chambouler tout un système, car cela ne fonctionnera pas. »
- « One step at a time. Sinon, nous allons nous casser la figure. »
- « Il faut savoir qui fait quoi pour éviter les chevauchements. »
- « Nou pa kapav tap tanbour ek fer enn meeting à Rose-Hill. »
- « Responsabilité et rémunération vont de pair. »
- « Il faut trouver des solutions à court terme. »
- « Il faut introduire des lois simples. »
- « Il faut sécuriser le pays. Nous sommes dans une situation de détresse. »
- « Le cahier des charges est chargé. »
Le mot de la fin
Me Rashid Ahmine :
« Bizin pans bien ki bann sanzman bizin amene. Nou pa pou kapav res amenn bann deba. Nou bizin kapav progrese. »
Gavin Glover :
« Il y a une vraie volonté politique pour changer le système. ‘Nou ena enn Website ki nou pou lanse’ où tous les citoyens auront accès à toutes les lois. Nous sommes aussi en train de digitaliser les choses. Mais de grâce, donnez-nous du temps pour faire ce qu’on a à faire ! »

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