Ashok Subron est d’avis qu’il est temps d’avoir une nouvelle constitution. Il explique, dans l’entretien qui suit, sa vision d’une île Maurice 2.0.
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L’île Maurice célèbre ses 50 ans d’Indépendance. Quelle est votre appréciation du chemin parcouru ?
L’Indépendance en 1968 était un moment d’émancipation. Soit, le fruit de 300 ans de combat contre l’esclavage et l’engagisme. Aussi, nous avons connu 40 ans de lutte syndicale. Ces faits ne peuvent être dissociés de l’Indépendance. Celle-ci ne veut pas dire la libération en elle-même. Nous avons connu l’époque néocoloniale avec l’élite économique qui contrôlait le pays et qui jouit encore d’une position dominante.
Cela en dépit de l’émergence de nouveaux riches. Nous avons remplacé le Roi et la Reine par des Rois et des Reines. Des dynasties se sont installées. Les Jugnauth et Ramgoolam. D’autre part, c’est un héritage très lourd que nous portons sur nos épaules, à savoir une Constitution qui a codifié les divisions communales. En tant que Mauricien, je suis d’avis qu’il est nécessaire d’avoir une deuxième Indépendance. Une île Maurice 2.0.
Quelle est votre vision de l’île Maurice 2.0 ?
Il nous faut une nouvelle Constitution. Une qui reconnaîtra notre histoire. De l’esclavage à la période d’engagement. Nous devons aussi reconnaître que la citoyenneté mauricienne a des identités multiples. Nous sommes le produit de notre histoire, qui est aussi pénible que riche. Nous ne devons pas être forcés de choisir notre mode de vie. En troisième lieu, le droit à la nature doit être intégré à la nouvelle Constitution.
Nous vivons une période quand il y a une menace directe sur notre planète. Maurice figure parmi les pays les plus vulnérables aux catastrophes dues au changement climatique. Aussi, les aspects économique, social et culturel ne sont pas reconnus dans notre Constitution. Il y a la nécessité de définir clairement l’État et les institutions publiques et la séparation entre politique et religion.
Comme chaque année, pour la fête de l’Indépendance, le mauricianisme fait débat. Est-ce une notion abstraite ou est-ce réalisable ?
Après 50 ans d’Indépen-dance, nous sommes bel et bien une nation. Certes en construction, mais nous vivons le mauricianisme au quotidien. Dans les moments difficiles, nous avons vu par exemple la solidarité envers les sinistrés des inondations à Canal Dayot.
Nous vivons aussi le mauricianisme dans des moments de joie, la fierté exprimée lorsqu’un athlète local brille sur le plan international. La langue kreol morisien est une preuve irréfutable d’une nation à part entière. L’attachement au patrimoine aussi : nos plages, à titre d’exemple.
Vous avez contesté l’obligation d’un candidat à une élection législative de déclarer son appartenance ethnique. Treize ans se sont écoulés depuis que vous avez initié la première action en cour en ce sens. Or, toujours point de résultat final...
C’est un grand combat initié par Resistanz ek Alternativ. C’est une action collective et non individuelle. Notre Constitution divise la population de Maurice, uniquement pour des besoins politiques et électoraux. En 2005, nous avons obtenu une première victoire avec le jugement rendu par le Senior Puisne Judge Eddy Balancy.
Par la suite, il y a eu un revers de situation. Le Conseil privé a retourné l’affaire aux autorités nationales, en soulignant que nous avons une affaire solide à défendre. Nous avons logé une plainte constitutionnelle en Cour suprême et l’affaire sera prise sur le fond en mai de cette année.
Justement, en marge de la nouvelle plainte constitutionnelle logée par Resistanz ek Alternativ en Cour suprême, votre parti s’est prononcé à un moment donné en faveur d’une solution politique au lieu d’une décision de la Cour suprême. Est-ce une option toujours d’actualité ?
Le combat juridique se poursuit, parce que les partis politiques traditionnels n’ont pas eu le courage de rectifier le tir. Nous avons toujours souhaité une solution politique. Nous avons vu que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’a pas déclaré son appartenance ethnique en 2014.
On avait eu droit alors, à un mini-amendement à la veille des législatives de 2014 pour ne pas être obligé de déclarer son appartenance ethnique. Cela, en attendant la réforme électorale. Nous sommes à la veille de grands changements. L’année 2018 doit être l’année de la réforme électorale. Sinon, nous courrons le risque de voir les élections de 2019 invalidées.
Le mot de la fin ?
Ce qui m’inquiète, c’est qu’après 50 ans d’Indé-pendance, le pays entre dans un processus de recolonisation. Depuis les années 2000, on est dans un modèle de State business avec la vente des terres de l’État, la nationalité mauricienne, entre autres. On encourage aussi la culture de secret avec les compagnies offshore.
Avec des étrangers qui achètent des résidences à Maurice, je crains que les Mauriciens ne soient refoulés dans certaines régions avec le temps. Faisant ainsi la place à des colonisateurs d’un nouveau genre. On risque de se retrouver comme les îles Caïmans. Je crains que l’explosion sociale ne vienne de la braderie des terres.
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