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Arvin Boolell : «Pravind Jugnauth a fait un sold out de Diego»

Normalement très posé et diplomatique dans son approche, Arvin Boolell tire à boulets rouges contre Pravind Jugnauth. La raison : l’ex-PM aurait berné tous les Mauriciens et les Chagossiens sur une rétrocession des Chagos à notre pays qui n’est que sur ‘un bout de papier’, sans l’aval de la House of Commons britannique.

Vous aviez été un élu de la circonscription No. 11 depuis quelques années. Le problème de Mare Chicose ne date pas d’hier, vous conviendriez…
Le problème de Mare Chicose est un exemple d’un manque de rigueur et de négligence. Il n’y a pas eu d’interaction entre les opérateurs de ce centre d’enfouissement et le ministère de l’Environnement. On a eu droit à des contrats sur une base mensuelle durant quelque temps, puis soudainement, à quelques jours des législatives, ce ministère offre un contrat de 10 ans au contracteur. Il y a eu une politique de laisser-aller. Un manque de politique intégrée des déchets solides qui sont déversés à Mare Chicose.

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Est-ce grave pour le pays ?

On est dans un état d’urgence environnemental. À la lumière de ce qu’a dit Joanna Bérenger, j’en ai parlé au Secrétaire au Cabinet. Il y a urgence. Il ne faut plus donner du temps au temps. Le Crisis Committee va faire son travail. On a eu une visite des lieux avec Joanna et un représentant de Rezistans ek Alternativ, avec les trois élus du No 11.

Pourtant, il y a un gestionnaire dans ce centre d’enfouissement…

Les normes de gestion standardisée n’ont pas été respectées. Il y a une expansion verticale et une grande surface à l’air libre. Il y a des noyaux de feu à l’intérieur. C’est difficile à gérer sans des équipements adéquats. Qu’ont fait le gestionnaire et le ministère de l’Environnement ? Il y a beaucoup de techniques professionnelles qui permettent de se focaliser sur ce qui couve au fond. Qu’ont-ils fait ?

S’est-on préparé à une catastrophe naturelle ?

Le gouvernement sortant a joué au ‘fire fighting’ avec le feu à Mare Chicose. Le gestionnaire de Mare Chicose n’avait pas d’équipements adéquats, est-ce normal ? Et pas assez de personnel. Est-ce normal ? La feuille de route n’a jamais été respectée, alors que c’est dans le contrat. C’est de l’amateurisme. Ils ont ignoré l’avis d’un professionnel comme Prakash Kowlessur.

Vous êtes très dur envers le gestionnaire de Mare Chicose. Est-ce un règlement de comptes de votre part ?

Il y avait des solutions pour étouffer cette fumée qui émane de Mare Chicose. Ce qui se passe à Mare Chicose est un crime, un acte criminel contre tous ces villages aux alentours et contre notre pays. Cette entreprise ne peut dire qu’il y a un manque d’effectifs et aussi d’équipements.

L’odeur qui émane de ce centre d’enfouissement est suffocante, en plein jour à Mare Chicose. Explications ?

Le problème est technique et je ne comprends pas pourquoi on n’a pas jugé bon de respecter les normes. Il fallait analyser le taux de dioxyde de carbone. Il y a des solutions pour aller traquer le mal au plus profond de Mare Chicose avec des tuyaux de haute densité, des ‘polyfibre’.

Et qu’en est-il du gestionnaire, on vous le répète…

C’est un acte criminel de la part du gestionnaire, du ministère de l’Environnement et du ministre concerné. Il y a eu un réveil brutal. Il y a des substances cancérigènes avec Mare Chicose qui fume. Les poumons, le système respiratoire et j’en passe. Et il y a des tests qu’on ne fait pas à Maurice.

Le vent a soufflé sur le pays. Même les Plaines-Wilhems sentent cette fumée et l’odeur qui va avec de Mare Chicose. Et le gestionnaire comptait sur le cyclone et ses pluies torrentielles…

Il y a une urgence écologique. Heureusement il y a des compagnies qui ont accepté de jouer le jeu en nous donnant des masques pour distribuer aux habitants. Mes mandants de Quatre-Bornes en souffrent et aussi ailleurs dans les Plaines-Wilhems. Compter sur un cyclone pour éteindre le feu à Mare Chicose, je m’abstiens de commenter.

L’ex-ministre Kavi Ramano est à blâmer. Il n’a pas été à la hauteur de sa tâche. Je félicite le groupe Ciel qui a mis à notre disposition trois excavateurs de 20 tonnes, un bulldozer et quatre camions de 30 tonnes pour une semaine et cela aide grandement.

Vous aviez dit que des contrats avaient été octroyés, non pas sur une base de "month-to-month", mais pour dix ans à la veille des élections. Pourtant, cela fume terriblement encore…

Il a fallu notre intervention, une équipe nouvellement élue, comme Joanna Bérenger et les élus du No 11, une circonscription que je connais bien, pour que des actions concrètes soient enfin prises. Il y a eu de l’amateurisme de la part du ministère concerné.

Y a-t-il un danger pour notre écosystème ?

Il y a des rivières qui passent tout près de Mare Chicose, ainsi que des nappes phréatiques. Imaginez le dégât… Heureusement, le pays tout entier a décidé de changer de gouvernement, de virer Pravind Jugnauth, son ministre de l’Environnement, Kavi Ramano, et même Xavier-Luc Duval.

Vous pointez du doigt le gestionnaire de ce centre d’enfouissement. Est-ce le seul responsable ?

Lors de notre rencontre, les explications de cette entreprise de gestion étaient bidons. J’ai été choqué de constater avec quelle légèreté cette entreprise a géré Mare Chicose, qui est en feu. Cela pue ; cette fumée irrite le nez et la gorge. Cette entreprise n’a ni les équipements requis pour circonscrire l’incendie ni un personnel suffisant. C’est pour cela que je suis fâché. C’est de l’amateurisme, et le gouvernement sortant a permis cet état de choses. C’est comme s’ils se lavaient les mains. Mais ils n’ont pas vécu ce que les habitants, non seulement des environs mais aussi des Plaines-Wilhems, ont vécu. Le vent pousse cette fumée ailleurs, affectant d’autres régions.

Vous êtes également remonté contre l’ex-ministre Kavi Ramano. Est-ce personnel ?

Outre le fait que Kavi Ramano ait octroyé un contrat de dix ans à cette entreprise pour la gestion de Mare Chicose à la dernière minute, il n’a pas géré le dossier du Wakashio. Souvenez-vous, lors de la Court of Investigation sur le naufrage de ce navire, j’ai été appelé à témoigner en tant que leader de l’opposition de l’époque. Mais ni Pravind Jugnauth ni Kavi Ramano, alors ministre de l’Environnement, n’ont eu le courage de se présenter. Kavi Ramano s’occupait davantage de son cabinet de notaire. En fait, il y a eu un conflit d’intérêts flagrant.

Changeons de sujet et abordons la rétrocession des Chagos à Maurice. Pravind Jugnauth a parlé d’une location annuelle par les Britanniques et de revenus pour Maurice s’élevant à des milliards de roupies. Avec Trump aux commandes aux États-Unis, la donne serait-elle la même ?

Pravind Jugnauth et Xavier-Luc Duval ont berné la population. Pravind Jugnauth nous a trompés sur la rétrocession des Chagos. En Angleterre, tout doit être décidé dans la House of Commons, tout comme à Maurice, à l’Assemblée nationale. Un émissaire britannique a été envoyé par Pravind Jugnauth pour obtenir un document certifiant que les Chagos nous sont retournés en termes de souveraineté, afin qu’il puisse brandir ce papier durant la campagne électorale.

Vous dites que ce n’est qu’un "bout de papier", donc rien d’officiel ?

Pravind Jugnauth voulait un "political agreement" pour faire croire qu’un accord avait été conclu entre la Grande-Bretagne et Maurice. Ce n’est pas un accord officiel. Le traité dont le leader du MSM parle et qu’il présente comme une victoire doit être débattu à la House of Commons, qui pourrait le rejeter. Pire encore, avec Donald Trump aux commandes, cela devient inquiétant.

Pourtant, selon ce "bout de papier", les Britanniques allaient offrir au pays les Chagos, sauf Diego…

Pravind Jugnauth a accordé aux Britanniques, sur un plateau, un bail de 200 ans pour la gestion de Diego. Auparavant, ce bail était de 50 ans, renouvelable pour 20 ans.

En d’autres mots?

Le locataire est devenu propriétaire de Diego pour 200 ans.

Et le quantum de la location de Diego ?

Les Britanniques disent qu’avec cette location, il faut déduire le coût du combat contre la piraterie dans la région et la pêche illégale ainsi que le coût du relogement des Chagossiens qui le souhaitent dans les autres îles, sauf Diego. Le bulk de cette location sera géré par les Britanniques. On ne sait jusqu’à présent quel serait le quantum de cette location.

Il ne resterait que des ‘peanuts’ à la fin pour Maurice ?

L’ex-Premier ministre a fait un ‘sold out’ de Diego. Pravind Jugnauth et Xavier-Luc Duval ont vendu Diego et ont berné la population. Heureusement que Navin Ramgoolam a demandé un état des lieux financier. Il est choquant ce que le MSM a fait en termes économique, la roupie a été et continue d’être dévaluée, les chiffres sont faussés, selon les vraies données. L’ex-ministre des Finances Renganaden Padayachy est un menteur patenté et Sushil Khushiram l’a démontré, chiffres à l’appui. Et les économistes connus l’ont confirmé. C’était un vol en plein jour que Padayachy a commis.

Parlons de Missie Moustass…

Dans notre pays, nous sommes presque tous croyants. Nous avons tous une mère, peu importe le nom qu’on lui donne. J’ai assisté à une messe à Quatre-Bornes avant les législatives. Le prêtre y a expliqué l’importance de la Vierge Marie dans le catholicisme. Tous les croyants croient en une mère, une maman. Cela a été fatal pour le MSM et sa bande de s’attaquer à la Vierge Marie. Je l’ai ressenti. SSR avait dit : “Pa touss la Vierge, ni ninport ki mama, kelkeswa la relizion.” 

On a entendu le message d’aurevoir du haut-commissaire de l’Inde à Maurice. Il y avait comme un sentiment de frustration, presque comme une femme blessée. Pourtant, il y a controverse sur elle…

Quand un Premier ministre et sa "Cuisine" pensent qu’ils sont les propriétaires de l’État, il y a problème. Pravind Jugnauth et sa "Cuisine" l’ont payé cash. Je n’en dirai pas plus.

Vous pensez que les jeunes, qui se dissociaient de la politique, ont mal pris la suspension des réseaux sociaux pendant 24 heures et que cela a joué un rôle dans ce 60-0 ?

Les jeunes étaient très en colère. Pravind Jugnauth a payé cash, avec intérêts, pour la suspension des réseaux sociaux.

La stratégie de Navin Ramgoolam de faire du porte-à-porte, de parler aux gens, a-t-elle été payante ?

C’était, de la part de Navin Ramgoolam, une véritable “new look politics”. Navin Ramgoolam a réinventé sa manière de faire de la politique, avec une approche humaine. On appelle cela un “reversal political process”, contrairement à Pravind Jugnauth. C’était un changement en profondeur. Voyez le résultat. Enn bate bef.

Et la présence de Rezistans ek Alternativ. Ashok Subron avait brandi l’accord de votre alliance et a dit qu’aucune virgule ne sera touchée. Est-ce une menace ?

Rezistans ek Alternativ a fait partie de l’Alliance du Changement, et a renforcé notre alliance. C’est un fait. Ce parti défend une politique que les jeunes approuvent. Les militants de Rezistans ek Alternativ sont des écoguerriers, tout comme nous.

Vous semblez mettre un bémol.

Il y a la realpolitik. Nous avons des objectifs communs. Le PTr m’avait délégué pour mener les négociations avec Rezistans ek Alternativ. Dès le premier jour, la volonté était que ce parti fasse partie du projet. Il fallait un bon équilibre. Nous voulions une politique plurielle.

Les attentes de la population sont élevées. Et si vous vous empêtrez ?

Le Dr Navin Ramgoolam a pris des mesures importantes, notamment en nommant des personnes compétentes à la tête des institutions. Nous avons déjà quelques gros calibres. Il a également promis des mesures phares.

Et le 14e mois figurerait-il en tête de liste ?

Le 14e mois sera payé, comme promis, mais sous forme de one-off. De plus, le salaire minimum de Rs 21 500 est garanti. Ce nouveau gouvernement doit donner des garanties à la Banque mondiale et au FMI que nous nous orientons vers une gouvernance exemplaire.

Depuis ces dernières années, nos jeunes partent pour des études, mais ne reviennent pas. Le brain drain s’amplifie. Que faire ?

Il n’y aura plus ce phénomène. Nous allons tout changer. Le concept de brain drain va devenir celui de brain gain.

Une opinion personnelle sur la débâcle de Pravind Jugnauth dans son fief au No 8. Est-ce l’effet Damry ou le tsunami ?

Il y a un seuil que la population de Maurice ne peut tolérer. L’État, ce n’est pas moi. Je suis locataire du pays, pas propriétaire. Nous ne pouvons pas avoir une économie parallèle dirigée par la mafia de la drogue. Ensuite, il y a eu l’arrogance et les abus. En politique, “absolute power corrupts absolutely”.

Et les Moustass Leaks ?

Les Mauriciens ont découvert les révélations de Missie Moustass et ont rejeté Pravind Jugnauth ainsi que son équipe.

Est-ce que Kobita Jugnauth a plombé son mari, le Premier ministre, lors de cette joute électorale ?

Le peuple a découvert que c’est Kobita Jugnauth qui dirigeait les opérations. Heureusement, la dignité humaine a prévalu, empêchant ainsi une totale décadence.

Vous aviez comme partenaires majeurs le PMSD et son leader Xavier-Luc Duval dans votre alliance. Mauvais choix de sa part ou opportunisme mal calculé ?

J’avais écrit une lettre ouverte, publiée dans la presse, pour demander à Xavier-Luc Duval de ne pas quitter l’Alliance du Changement. Il a commis une grave erreur. Selon les révélations de Missie Moustass, il fournissait ses Private Notice Questions au PMO de Pravind Jugnauth avant les séances parlementaires. Cela constitue une abdication des principes fondamentaux de la démocratie.

Au Parlement, on n’aura que deux députés de l’opposition, à savoir Adrien Duval et Joe Lesjongard. Est-ce bon pour notre démocratie parlementaire ?

Je tiens à dire qu’Adrien Duval est une personne remarquable avec une approche très humaine. Il saura honorer les valeurs sociales-démocrates.

Et Joe Lesjongard, le seul rescapé du MSM, entre par la petite porte ?

J’ai toujours entretenu de bonnes relations avec Joe Lesjongard. Je lui souhaite bonne chance dans son nouveau rôle au Parlement. Il peut être rassuré : nous veillerons à ce qu’il puisse travailler sans crainte. L’opposition aura son mot à dire, mais le gouvernement avancera dans sa direction. Je tiens cependant à souligner que les backbenchers auront un rôle crucial à jouer pour s’assurer que les ministres rendent des comptes.

 

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