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Après l’écrasante victoire de 60-0 aux élections générales : le pouvoir total du gouvernement du Changement à l’épreuve des municipales

Le gouvernement aborde les municipales en position de force, avec la possibilité réelle de s’emparer des 120 sièges en jeu.

Après sa victoire totale aux législatives, l’Alliance du Changement vise un 120-0 aux municipales du 4 mai. Une possible mainmise « absolue » sur le pouvoir qui interroge autant qu’elle inquiète.

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Le 11 novembre 2024, les urnes ont parlé. 60-0. Soixante sièges pour l’Alliance du Changement, zéro pour l’opposition. Une victoire « propre et claire », selon les mots du Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui s’est offert ce jour-là, et sans appel, les clés de l’Exécutif. 

Cinq mois plus tard, le rouleau compresseur s’apprête à rouler de nouveau. Cette fois sur le bitume municipal. Le 4 mai, les électeurs des cinq villes du pays (Port-Louis, Beau-Bassin/Rose-Hill, Quatre-Bornes, Curepipe et Vacoas/Phœnix) seront appelés à élire leurs conseillers municipaux. Et, sauf cataclysme, l’Alliance du Changement devrait tout rafler. Sur le papier, rien ne semble pouvoir enrayer la mécanique. Le MSM, tout comme le PMSD, ne participera pas aux municipales. L’Alliance du Changement affrontera ainsi les candidats du Muvman Liberater, Reform party, En Avant Moris, Linion Moris et Republik Sitoyen Popiler. 

Le chiffre circule déjà dans les cercles partisans comme un slogan : 120-0. Cent vingt sièges, la totalité des postes à pourvoir. Le pouvoir sans partage. L’État, les villes, les quartiers, les ruelles. L’administration centrale et locale fondues dans une même couleur politique. 

« Il n’y a pas de pouvoir absolu, même à l’Hôtel du gouvernement », martèle Yvan Martial. L’observateur politique n’écarte pas l’éventualité d’un raz-de-marée. « Selon toute logique, le gouvernement du Changement pourrait bien décrocher les 120 sièges en jeu lors des municipales », dit-il. Mais il insiste sur un point : l’absence d’unité de l’opposition extraparlementaire, qu’il juge décisive. « J’aurais souhaité que l’opposition s’accorde pour présenter une liste commune face à celle du gouvernement. Cela aurait donné plus de chances », souligne Yvan Martial. Il poursuit : « Peut-être que les 120-0 en faveur du gouvernement du Changement n’auront pas plus de 50 % des suffrages. Les 50 autres pourcents seront éparpillés entre les autres parti ».

Sursaut

Un morcellement qui, selon lui, affaiblit toute tentative de contre-pouvoir. « Il y a des noms qui émergent. Mais s’ils ne sont pas capables de s’unir autour d’une liste, à quoi peut-on s’attendre ? » se désole Yvan Martial. 

Rajen Valayden ne se fait guère d’illusions. Selon lui, « l’Alliance du Changement remportera les municipales ». Mais il espère malgré tout une forme de résistance, même symbolique. « Il n’y aura sans doute pas de 120-0, mais j’aimerais qu’il y ait un sursaut, ne serait-ce que pour rappeler que l’absolu n’est pas une fatalité », demande-t-il.

À ses yeux, la victoire du pouvoir en place semble inscrite dans une logique désormais bien huilée. « Il y a cette rhétorique selon laquelle les citadins votent toujours pour le parti au pouvoir. Non pas par adhésion, mais par pragmatisme : pour que leurs villes ne soient pas négligées », fait ressortir Rajen Valayden. Mais cette dynamique d’écrasement démocratique inquiète l’observateur. Car, dit-il, le trop-plein de pouvoir mène invariablement à la dérive. « C’est une recette connue. La concentration des leviers entre les mains d’un seul camp politique, sans opposition institutionnelle, c’est la porte ouverte à une forme douce, mais réelle, d’autoritarisme », martèle l’observateur.

Société « extrémiste »

Rajen Valayden va plus loin encore : il évoque une société mauricienne « extrémiste » dans ses bascules électorales. « On passe d’un excès à un autre. Ce fut le cas avec le précédent gouvernement, aujourd’hui balayé. Demain, ce sera peut-être celui-là. On ne construit pas la démocratie dans l’absolu, mais dans le débat, le frottement, l’équilibre », rappelle l’intervenant. 

Alors, que produira un tel pouvoir centralisé, sans opposition ? La réponse fuse, sans détour. « Une dérive totalitaire », soutient Rajen Valayden. Quant à l’idée d’un changement de ton de la part du gouvernement du Changement, il reste sceptique. « L’Alliance Lepep aussi avait promis le changement. On a vu ce que ça a donné. Le pouvoir use, et avec lui s’effrite la parole. Le dialogue évolue, les promesses se vident », fait ressortir Rajen Valayden.

Quand l’Alliance Lepep s’offrait la totale

Retour en 2015. Six mois après sa large victoire aux législatives de décembre 2014, l’Alliance Lepep (composée du MSM, du PMSD et du ML) s’offrait une nouvelle démonstration de force. Avec 51 sièges à l’Assemblée nationale (33 pour le MSM, 11 pour le PMSD dont quatre repêchés comme best losers, et 7 pour le ML), le gouvernement d’alors n’a laissé aucun espace à l’opposition lors des municipales de juin. Résultat : un 120-0 sec, net, total. Les cinq villes du pays passaient intégralement sous pavillon gouvernemental (orange-bleu-blanc), scellant une mainmise rare sur les deux échelons du pouvoir, national et local. Une configuration quasi hégémonique, inédite sous nos latitudes, qui avait transformé ce scrutin local en formalité – et l’opposition en mirage.

Dix ans après, les rôles s’inversent

En 2015, le Parti travailliste (PTr) boycottait les municipales, plombé par l’arrestation de son leader, Navin Ramgoolam, et la saisie spectaculaire de coffres-forts remplis de billets à son domicile. Une décennie plus tard, la scène se rejoue, mais les acteurs ont changé de camp. En 2025, c’est le Mouvement socialiste militant (MSM) qui jette l’éponge, alors que son chef, Pravind Jugnauth, vient d’être arrêté. Une accusation provisoire de blanchiment d’argent pèse désormais sur l’ex-Premier ministre, mettant son parti hors-jeu à la veille des élections municipales. Le parallèle est saisissant : mêmes accusations, même effondrement d’image, même absence des urnes. Dans une démocratie où la justice et la politique s’entrelacent si étroitement, le pouvoir semble toujours rattrapé par ses propres méthodes.

Micro-trottoir

Hansraj Jaunky : «Une forme d’équilibre»

« Il y a déjà un gouvernement élu 60-0 aux législatives. Il ne faudrait pas qu’on lui accorde un 120-0 aux municipales », prévient Hansraj Jaunky. Pour lui, une majorité écrasante au niveau local serait un déséquilibre dangereux. « Soixante candidats élus pour le gouvernement du Changement, ce serait déjà bien. Cela permettrait une forme d’équilibre dans les mairies. Vous savez. 360 jours de soleil provoquent une sécheresse. Mais 360 jours de pluie, c’est l’inondation assurée » 

Vashish Horril : «Une majorité solide mais…»

« Pour nettoyer les villes, il faut une majorité solide dans les conseils municipaux. Mais sans opposition, le risque, c’est l’arrogance du pouvoir », estime Vashish Horril. Selon lui, la présence d’élus minoritaires est essentielle pour maintenir la pression sur les majoritaires. « Sinon, ils finiront par tout prendre pour acquis. Les prochains maires doivent savoir qu’en face, il y a une voix critique », ajoute-t-il. Gagner 120 sièges ? « C’est bien, sur le papier. Mais qui garantit que les promesses seront tenues ? »

Alex Veerapen : «Un 120-0 en faveur du Changement»

« Il y aura un record d’abstention. Ces élections régionales n’intéressent personne, personne n’en parle. Ce sera un 120-0 en faveur du Changement. Les gens préféreront rester chez eux plutôt que de voter. C’est un désintérêt qui profitera mécaniquement au pouvoir en place », souligne-t-il. 

 

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