Les planteurs sont encouragés à se lancer dans la culture vivrière biologique. Avec les facilités proposées par le gouvernement, ils sont nombreux à vouloir s’y mettre. Ce créneau porteur pourrait être une réponse aux maladies non-transmissibles, première cause de décès à Maurice.
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Concombre, voehm, pomme d’amour, pipengaille, margoze... Autant de légumes que cultive Kreshan Fowdar dans ses serres organiques à Clemencia où il y a des plantes, de plus de 12 pieds de haut pour certaines, des fruits 100 % naturels de toute fraîcheur. Un spectacle peu commun quand on parle de culture vivrière à Maurice.
Si l’agriculture biologique gagne de plus en plus de terrain à travers le monde, à Maurice, les agriculteurs sont encore réticents à passer au vert en raison des coûts de production élevés. Pourtant, les avantages ne sont pas négligeables sur le long terme, comme l’affirme Kreshan Fowdar, cultivateur depuis 40 ans. Il en a vu des vertes et des pas mûres avec les épidémies, les ravages, et les caprices de Dame nature. Aujourd’hui, plus question d’encourir des pertes alors qu’il existe des moyens de protéger ses cultures.
Depuis un an, Kreshan Fowdar s’est lancé dans l’agriculture biologique sous serre. « Byen sir, monn bizin investi dan bann infrastriktir ki neseser me zordi mo san traka e mo pe rekolte frwi mo bann zefor lor plisyer plan.» Il se réjouit de n’avoir nullement souffert des pluies diluviennes du mois de mai dans l’Est (1 100 mm en un mois).
En vert et pour le meilleur
Il encourage ainsi les planteurs à prendre avantage des facilités qu’offre le gouvernement pour promouvoir l’agriculture biologique. « Auparavant, le grant pour les serres était de Rs 250 000 contre Rs 400 000 aujourd’hui, souligne l’agriculteur. C’est très intéressant pour ceux qui veulent se lancer dans le sheltered-farming. » D’autant que sous serre et en plus d’être protégées contre les intempéries, les plantes sont aussi à l’abri des insectes. Ce qui réduit considérablement les risques d’infection.
La culture biologique ne s’improvise pas mais c’est à force d’essayer que Kreshan Fowdar se retrouve actuellement avec un demi-arpent de terre sous serre. Y poussent sainement divers légumes tant en terre qu’en hauteur. « Zame mo ti panse kokom ou voem pou pous lao, dit-il. En fait, je me suis aventuré à planter en hauteur suite aux difficultés à trouver de la main-d’œuvre pour la récolte au ras du sol. »
Kreshan Fowdar se rend vite compte des possibilités et des avantages de ses techniques. « J’ai préféré investir davantage dans les serres, les fertilisants et d’autres pesticides naturels plutôt que de continuer à faire les frais des insectes et du mauvais temps. » Il affirme que ses légumes sont de meilleure qualité et qu’ils se vendent facilement à Rs 5 plus cher que les produits issus de l’agriculture traditionnelle.
Sunil Bholah : «Une réponse aux problèmes de santé publique»
Une mission du ministre des Coopératives, Sunil Bholah, en Inde en janvier dernier, a débouché sur un programme de formation pour les agriculteurs mauriciens. Ils sont 12 représentants des sociétés coopératives agricoles du pays à suivre des cours au Centre national d’agriculture biologique d’Uttar Pradesh en Inde. Il s’agit d’initier les agriculteurs aux pratiques biologiques. De retour aux pays, ils devront à leur tour former leurs pairs. Encourageant les planteurs à se lancer dans la culture bio à grande échelle, Sunil Bholah invite les institutions financière à jouer le jeu. « Les banques doivent soutenir et encourager ces initiatives d’autant que l’agriculture bio est une réponse aux problèmes de santé publique tels que le diabète et les maladies cardiovasculaires. C’est aussi une activité très rentable sur le long terme. »
La parole aux agriculteurs
Un mois de formation intensive. 15 jours en laboratoire et 15 jours dans les champs pour être initiés aux techniques et autres pratiques de la culture bio. C’est le programme des agriculteurs mauriciens en Inde actuellement. Devika Ramgoolam, Celvanaden Runghen et Amarji Jahazi font partie de la délégation mauricienne.
Devika Ramgoolam : «Je suis curieuse de découvrir cette pratique»
Membre de la Women Entrepreneurs Society de Chemin-Grenier, Devika Ramgoolam maîtrise surtout l’apiculture. Parallèlement à son activité principale, la société coopérative du Sud a tenté la culture de papayes et d’ananas. « Les fruits ne nous ont pas rapporté gros. La papaye, très fragile, est la cible de toutes sortes de maladie, Quant à l’ananas, il faut dire que la compétition est rude sur le marché », explique-t-elle. C’est ainsi qu’elle a entrepris ce voyage en Inde pour ensuite se lancer dans la culture vivrière. « Je suis curieuse de découvrir cette pratique car elle nous permettra de produire de la nourriture saine pour les générations futures. »
Celvanaden Runghen : «L’éducation du consommateur est primordiale»
Juriste de formation, Celvanaden Runghen descend d’une longue lignée d’agriculteurs, traditionnellement active dans le secteur de la canne à sucre. La nouvelle génération a tenté une diversification vers la culture biologique de fruits et légumes. « Les premiers essais n’ont pas été fructueux et, de plus, nous avons dû interrompre temporairement nos activités à cause de la fièvre aphteuse. » L’agriculteur de St-Julien ne baisse pas les bras pour autant. Il compte profiter de sa formation pour relancer l’affaire familiale de plus belle. Celvanaden Runghen estime qu’il y a un travail d’information et de conscientisation à faire auprès des consommateurs et du public en général. « L’éducation est primordiale pour que le bio soit rentable et profitable. »
Amarji Jahazi : «Réduire les coûts de production et protéger l’environnement»
À 36 ans, Amarji Jahazi est parmi les rares jeunes qui se consacrent entièrement à l’agriculture. Il suit les traces de son père depuis une quinzaine d’années. La société coopérative agricole de Pamplemousses a lancé la culture dite naturelle sur une base pilote. « Nous essayons de produire nos propres pesticides à base de plantes, et avec cette formation en Inde, nous espérons avoir les connaissances nécessaires pour pratiquer la culture bio à grande échelle. » Pour Amarji Jahazi, il s’agit surtout de « réduire les coûts de production et protéger l’environnement ».
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