La victoire sans appel du gouvernement (PTr/MMM/ND/ReA) lors du scrutin du 10 novembre, avec un 60-0, suscite à la fois espoirs, craintes et une multitude d’attentes. Un 60-0 est une arme à double tranchant : une opportunité unique pour transformer le pays, mais aussi un risque si c’est mal utilisée. L’avenir de la démocratie mauricienne repose désormais sur la sagesse et la responsabilité de ceux qui détiennent le pouvoir absolu.
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Laura Jaymangal, Executive Officer de Transparency Mauritius, met en garde contre les dangers d’une majorité aussi écrasante dans un système parlementaire. Elle explique qu’avec une totalité des sièges, « le gouvernement a les mains libres pour gouverner sans réelle opposition ».
« Nous avons un gouvernement majoritaire, sans oublier que la Constitution accorde des pouvoirs étendus au Premier ministre. L’absence de mécanismes de contrôle et d’équilibre rendra difficile la limitation de son action. Un pouvoir absolu risque de conduire à des dérives, comme des amendements à la Constitution basés sur une vision unilatérale », explique-t-elle.
Laura Jaymangal poursuit que la population a des attentes et espère un changement.
« Un 60-0 est synonyme d’une frustration extrême. Le peuple a rejeté un gouvernement qui devenait totalitaire et a donné les pleins pouvoirs à un nouveau. C’est contradictoire. Maintenant, la population espère que les choses vont s’améliorer », dit-il.
Elle insiste sur la nécessité d’un renforcement institutionnel pour garantir une séparation claire des pouvoirs. Les acteurs constitutionnels, comme le président de la République, doivent demeurer indépendants. « Ces postes se doivent de défendre la Constitution, et non servir une ligne partisane comme on l’ a vu dans le passé » ajoute-t-elle.
Selon Laura Jaymangal, une telle majorité confère une énorme responsabilité au gouvernement, qui doit prendre des décisions dans l’intérêt général et éviter d’alimenter frustrations et dérives autoritaires. « Transparency Mauritius espère que le nouveau gouvernement réalise qu’ il y a de lourdes responsabilités sur ses épaules et qu’ il y a un grand chantier. Il faut que les décisions soient prises dans l’intérêt de la société mauricienne et non pas dans l’intérêt de certains », espère-t-elle.
Un Parlement sans
Michael Atchia, de Democracy Watch, reconnaît des avantages à une telle majorité. Il explique qu’avec 60 députés, le Premier ministre a une latitude importante pour choisir entre 20 et 25 ministres, favorisant ainsi la nomination des plus compétents. De plus, ce large effectif permettrait de constituer plusieurs comités parlementaires pour superviser des projets spécifiques. « Quand il y a une majorité absolue, le Premier ministre a plus de choix quant à la sélection de ses 25 ministres. Par exemple, le dernier gouvernement avait 32 députés. Il n’ y avait donc pas un grand choix pour la nomination des ministres. Ce qui n’ est pas le cas maintenant. Le Premier ministre peut choisir les meilleurs pour son cabinet ministériel », explique l’intervenant.
Toutefois, il affirme que cela n’est pas sans conséquences.
« Une majorité de 60-0 signifie qu’il n’y aura pas de voix pour contester les décisions. Cela pose un problème de contre-pouvoir essentiel en démocratie », met-il l’ accent.
Michael Atchia évoque l’idée d’un ‘Shadow Cabinet’, où chaque député de l’opposition est désigné pour suivre un ministère, proposant des critiques et des alternatives. « Malheureusement, sans opposition, cette responsabilité pourrait incomber aux backbenchers du gouvernement. Certes, ce n’ est pas idéal, mais cela pourra aider à ce qu’ il y ait un suivi » préconise ce dernier.
Des opportunités à saisir
Michael Atchia souligne également l’importance des priorités nationales. « Le gouvernement doit se concentrer sur des projets cruciaux comme l’autosuffisance énergétique et alimentaire. La dépendance excessive aux importations, qui dépasse 70 % pour les denrées alimentaires, est une vulnérabilité que nous ne pouvons plus nous permettre », plaide-t-il.
Les attentes de la population
Avec un mandat aussi fort, les attentes sont immenses. Transparency Mauritius espère que le gouvernement réalisera l’ampleur de ses responsabilités. « La population attend des réformes institutionnelles, des projets durables, et des décisions transparentes et justes, » conclut Laura Jaymangal.
Pour sa part, Michael Atchia rappelle que bâtir un pays résilient face aux défis climatiques et économiques mondiaux sera un travail de longue haleine. « Ce gouvernement doit préparer le pays à affronter un avenir difficile. La confiance placée en lui est un appel à l’action », rappelle notre intervenant.
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