L’action citoyenne menée à Vallée-Pitot le vendredi 12 janvier semble avoir porté un coup aux dealers. Malheureusement, dans d’autres régions, et notamment à Karo Kalyptus, le trafic continue de se faire ouvertement.
Publicité
«Seringue ! Seringue ! » Il est 17 h 30 à Karo Kalyptus. En bordure de rue, un homme, les yeux collés, visiblement sous l’emprise de stupéfiants, interpelle sans aucune crainte les usagers de drogue. Si à Vallée-Pitot, la vente de stupéfiants semble connaître un ralentissement depuis l’action citoyenne menée par un groupe d’habitants mené par l’homme religieux et travailleur social Javed Meetoo (voir encadré), ce n’est pas le cas dans d’autres points de vente à travers l’île. Et notamment à Karo Kalyptus, considéré comme la plaque tournante du trafic de stupéfiants dans le pays.
En ce jeudi, dans ce faubourg de Roche-Bois, motocyclistes, automobilistes et autres piétons se ruent sur leurs différents points de vente de drogue habituels. Un peu plus loin, une longue file d’attente attire le regard. « Lake demi-kart sa », lâche un habitué des lieux. Le demi-quart d’héroïne se vend à Rs 400/Rs 500. La dose d’héroïne coûte Rs 200, tandis que le gramme est proposé à Rs 15 000.
Discrètement, nous interrogeons un client en quête de sa dose. « Je viens en acheter deux, trois fois par jour. Mo vinn pran, mo kas yen isi kouma mo gagn enn biye » confie ce Sudiste. « Ici, nous sommes mieux servis. Dan nou landrwa kot vande, doz-la res mins net, apre ena kou zot pas zong », ajoute-t-il. Dans le jargon des usagers de drogue, « pas zong » signifie que le marchand a diminué de façon volontaire la quantité de drogue servie.
Selon le Sudiste, bon nombre de petits consommateurs achètent des quantités de drogue à Karo Kalyptus pour ensuite les revendre dans leurs régions respectives. « Zot kav aste 2 gram, zot detay li fer li vinn 4 gram », explique ce consommateur de drogue.
Les années passent et cette situation perdure, au grand dam des habitants. « Nou ti pe abit Batterie-Cassée, nounn bizin kite akoz fami pa rod vinn kot nou, landrwa tro gate ar ladrog », se désole un habitant de ce quartier de Roche-Bois.
Chaque région du pays est couverte par des unités de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (Adsu). Mais cela ne semble guère freiner ce trafic qui fait rage. D’autres unités comme la Special Striking Team et la Special Intelligence Cell sont aussi engagées pour contrer les trafiquants de drogue. Mais dans certaines régions de l’île, une absence d’intervention est déplorée. « La corruption reste le plus grand obstacle dans le combat, ena tro bokou vander konsians », martèle Ally Lazer, président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice. Il compte 43 années d’engagement dans sa croisade contre le narcotrafic dans le pays. « Mo dispoze re-amenn bann polisie bann plas kot ena lafwar ladrog, vann ladrog 24/7 », tonne-t-il.
Un officier de l’Adsu est d’avis que la police est en train de perdre du terrain :
« Bann sef pe met lanfaz lor sezi e gro sezi. Wi, pe sezi, me eski sa anpes ladrog vande ? » Pour lui, la prévention et la répression doivent aller de pair. « Il faut des patrouilles permanentes dans les endroits où la drogue se vend. Bizin fatig bann dealer toulezour. S’il y a une présence policière permanente, les gens ne viendront pas acheter. C’est la loi de l’offre et de la demande », précise cet officier sous couvert d’anonymat.
Il n’empêche qu’une fois qu’un vendeur de drogue est embarqué, d’autres dealers prennent le relais, regrette Ally Lazer. « Sispe-la dan veikil lapolis, van-la pankor mem rant Kasern, lezot inn rekoumans vande dan mem plas ki lapolis fek fer desant », déplore-t-il.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !