Interview

Toolsiraj Benydin : «Une compensation salariale élevée stimule la productivité»

Toolsiraj Benydin Toolsiraj Benydin, Parliamentary Private Secretary

Il faut non seulement maintenir les réunions tripartites, mais les consolider. C’est ce que pense le Parliamentary Private Secretary, Toolsiraj Benydin. L’ancien syndicaliste prône aussi un  changement de mentalité parmi les employeurs.

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«Il n’y a pas de meilleure formule que les réunions tripartites. »

Le débat sur le mécanisme salarial est relancé. Faut-il maintenir la réunion tripartite pour décider du quantum de la compensation salariale ?
Bien sûr. Il y a eu, dans le passé, des tentatives de la part des gouvernements d’adopter d’autres formules, comme le National Pay Council. Or, ils se sont heurtés à des contestations de l’ensemble des mouvements syndicaux. Il a fallu faire marche arrière et revenir à l’ancien système, c’est-à-dire les réunions tripartites. 

De plus, lorsque l’actuel gouvernement a fait circuler le Draft Bill concernant le National Wage Consultative Council – dont l’une des attributions aurait été le calcul du taux de la compensation salariale –, les syndicats s’y sont opposés. Le gouvernement les a écoutés et cette attribution a été enlevée. Il n’y a pas de meilleure formule que les réunions tripartites.

Mais le secteur privé, à travers Business Mauritius, réclame sa refonte urgente…
Pour le secteur privé, aucune formule concernant le calcul de la compensation salariale n’est bonne. Cela les arrangerait de ne pas avoir à payer la compensation salariale. Je pense que c’est une erreur de leur part, car cela aura des répercussions sur la justice sociale. C’est une tradition bien établie dans les relations industrielles de compenser les employés sur la perte de leur pouvoir d’achat. Je suis d’avis qu’il faut continuer sur cette voie, voire consolider le tripartisme.

Que suggérez-vous pour consolider le tripartisme ?
Je pense qu’il faut une nouvelle culture. De par mon expérience, j’ai constaté que dans les pays industrialisés, les autorités croient beaucoup au dialogue social. Il faut lancer un nouveau concept de partenariat social où les parties prenantes se réunissent régulièrement pour aborder des sujets tels que les relations industrielles et pas uniquement pour la compensation salariale. Les syndicats pourraient ainsi influencer des décisions d’ordre national.

Partagez-vous l’opinion de Raj Makoond, qui estime que le mécanisme, dans sa forme actuelle, constitue une bombe à retardement pour le pays ?
(Rires) J’ai toujours entendu cette chanson de la part des employeurs. Le montant de la compensation salariale a parfois pu être contesté, mais jamais n’a-t-il mis en péril l’économie du pays.

Au contraire, une compensation salariale élevée ne fait qu’encourager les employés à travailler davantage, augmentant ainsi leur productivité. Et c’est le pays qui en profite. On demande souvent aux employés de changer leur mentalité, mais cela s’applique aussi aux employeurs. Le fruit du succès d’une entreprise doit aussi être partagé équitablement avec les salariés.

Des syndicalistes réclament une compensation de Rs 500 pour ceux au bas de l’échelle. Est-ce raisonnable ?
Je ne commenterai pas la proposition de mes amis syndicalistes. Toutefois, le faible taux de l’inflation, qui tourne autour de 1,2 %, ne joue pas en leur faveur. Les syndicalistes tiennent, toutefois, aussi compte de la baisse du pouvoir d’achat, surtout pour les denrées alimentaires, d’où ce chiffre. Je ne souhaite pas me prononcer à ce sujet pour ne pas contrarier mes amis syndicalistes, les membres du gouvernement ou encore le ministre du Travail et celui des Finances. Mais ce gouvernement est à l’écoute des syndicalistes et favorise les personnes au bas de l’échelle.

Donc vous ne souhaitez pas vous mouiller, car vous êtes maintenant de l’autre côté de la barrière ?
Même si c’est vrai, mo disan sindikalist touzour la ! En tant que Parliamentary Private Secretary (PPS), je n’ai pas le droit de poser de questions, mais si vous analysez les discours que je prononce lors des débats, vous noterez qu’ils sont pro-travailleurs.

Fort de votre expérience, quel serait, selon vous, le quantum raisonnable ?
(Rires) Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je ne souhaite froisser ni les membres du gouvernement, ni les syndicalistes. D’ailleurs, on me reproche parfois de porter toujours le chapeau de syndicaliste tout comme on me reproche d’être aujourd’hui davantage un politicien. Quoi qu’il en soit, je reste toujours pro-travailleur.

Le gouvernement peut-il se permettre de ne pas imposer de compensation salariale, cette année, comme le souhaite le secteur privé, vu le faible taux d’inflation ?
Ce n’est pas la première fois que le secteur privé formule une telle demande, mais aucun des gouvernements en place ne leur a accordé cette faveur.

Quels sont les plaintes et reproches que vous recevez de vos mandants ?
Outre les plaintes concernant les services essentiels, il y a aussi beaucoup de gens qui viennent nous voir pour trouver un emploi pour eux-mêmes ou pour leur enfant. La plupart souhaitent être recrutés dans la Fonction publique. Il faut alors leur faire comprendre qu’il y a des institutions, de même que des procédures pour le recrutement. Nous ne pouvons nous substituer à ces institutions.

La Fonction publique a, d’ailleurs, beaucoup recruté depuis que l’Alliance Lepep est au pouvoir. Il y a encore des postes vacants, la Public Service Commission doit simplement accélérer un peu les choses. Nous leur disons aussi qu’avec les développements à venir, cela favorisera la création d’emplois.

Justement, cela fait deux ans que l’Alliance Lepep est au pouvoir, mais les développements majeurs ne pointent toujours pas le bout de leur nez. C’est pour quand ?
Les développements sont en cours. Sans compter les formations dispensées par le Human Resource Development Council dans le domaine de la construction et des Tic, entre autres. Il y a aussi le Youth Employment Programme, à travers lequel quelque un millier de jeunes pourra prétendre à un poste dans la Fonction publique. Les choses bougent, mais comme l’a dit le gouvernement, les deux premières années seront difficiles en raison de l’héritage que nous a légué l’ancien gouvernement. Cela prend aussi du temps pour mettre de l’ordre dans le pays. Nous estimons que l’année 2017 sera placée sous le signe du développement.

Pensez-vous que Pravind Jugnauth doit accéder au poste de Premier ministre sans la tenue d’élections ?
Bien sûr, car au sein de l’alliance, tout le monde sait que le leader d’un parti est un potentiel Premier ministre. Puisque le plus grand parti au sein de l’Alliance Lepep est le Mouvement socialiste militant, c’est tout naturel que Pravind Jugnauth, leader du parti, soit appelé à devenir Premier ministre. Mais comme il l’a dit vendredi, il appartiendra à l’alliance de prendre cette décision.

Êtes-vous de l’avis de votre collègue Anil Gayan, qui estime que la présidente de la République voyage trop ?
Sans vouloir entrer en conflit avec lui (NdlR : Anil Gayan), j’ai une autre lecture de cette affaire. Dans les grands pays comme les États-Unis ou la Belgique, où j’ai vécu pendant une dizaine d’années, les chefs d’État ont un rôle spécial à jouer. Ils ne représentent pas uniquement leur pays lors des cérémonies. Ils ont l’occasion d’emmener des délégations à l’extérieur, notamment pour attirer l’investissement. Même les anciens présidents sont souvent sollicités pour diverses activités en raison de leur expérience.

La Présidente est over and above politics. Je suis d’avis que si elle est sollicitée, c’est parce qu’elle a un rôle important à jouer, pour offrir une meilleure visibilité au pays. Sans cela, très souvent, les étrangers ne savent pas où se situe Maurice.

 

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