Concepteur du projet artistique « Bytiddraw » sur TikTok, Thierry Blanchard a su mobiliser une communauté bienveillante. Ce Mauricien qui vit en France sera bientôt au pays pour rencontrer ses abonnés. Ce dimanche, à quelques jours de son arrivée, il nous livre son histoire singulière.
Rêveur, artiste, altruiste… Thierry Blanchard, 37 ans, est le concepteur du projet artistique « Bytiddraw » qui compte 82 500 « likes » sur TikTok. Chaque soir, ses 41 200 abonnés profitent de ses cours de dessin gratuits sur cette plateforme. En attendant son arrivée à Maurice le 26 octobre pour rencontrer ses « followers », ce Mauricien qui vit en France nous dévoile son histoire singulière.
Artiste autodidacte, Thierry Blanchard révèle que son plus vieux dessin date de ses six ans. Il dit avoir toujours été artiste dans l’âme. D’ailleurs, comme il le dit régulièrement sur TikTok : « On voit avec les yeux ou avec le cœur et il faut trouver le juste équilibre. »
Créatif, il s’essaie aussi à la musique. « J’ai eu ma première guitare à 13-14 ans et j’ai appris en autodidacte. J’ai fait mon premier concert vers 15-16 ans. Cela a été un moment important pour moi. J’ai compris que l’art était la voie dans laquelle je serais le plus heureux. »
Cependant, la naissance de son fils et la séparation qui s’ensuit viendront chambouler le chemin qu’il s’était tracé. « Je me suis dit, à ce moment de ma vie, que je devais arrêter de vouloir être un artiste et rentrer dans le moule. »
Depuis huit ou neuf ans, Thierry Blanchard exerce comme électricien dans une centrale nucléaire. Ce métier lui permet de subvenir aux attentes de son foyer. Aujourd’hui heureux papa de deux enfants, il explique qu’il a suivi un BEP en maintenance automatisé et il est également détenteur d’un BAC en communication RH. Il a aussi un L+2 en art du spectacle. Il a exercé plusieurs emplois totalement différents tels que gendarme adjoint, conseiller téléphonique et responsable adjoint d’un service de maintenance nucléaire entre autres. « Ça fait beaucoup de choses différentes », dit-il dans un éclat de rire. Un parcours atypique qu’il assume.
C’est en août 2022 qu’il met en ligne son projet artistique « Bytiddraw » sur TikTok. Au départ, c’étaient des ébauches de bandes dessinées faites pour les amis au collège. Ensuite, des designs pour les affiches de concerts dans lesquels jouait son groupe de rock.
« Bytiddraw, c’est presque 30 ans de recherche autodidacte sur comment exprimer ce que j’ai dans la tête et dans le cœur. Les gens, au départ, aimaient les ‘Fan Arts’ que je postais, puis j’ai commencé à faire leurs portraits et de fil en aiguille, on a commencé à m’inviter sur des salons et événements. Les demandes ont commencé à affluer », relate-t-il. C’est ainsi qu’il commence le graphisme, les créations personnalisées. Il a même eu une période tatouage !
Plutôt que de décrire ses techniques, Thierry Blanchard affirme que le mieux est de venir voir un tutoriel en direct sur TikTok. « Beaucoup d’étudiants en arts, de tous niveaux confondus, viennent chaque soir sur ma page TikTok pour améliorer leurs compétences. Mais aussi pour découvrir d’autres voies et techniques. C’est super gratifiant. »
Et donc, il marche avec un carnet de dessin tout le temps ? « Oui. Souvent, lorsque je me balade en ville, j’ai toujours dans mon sac une planche, des feuilles et mon kit de survie de dessin. Comme j’aime organiser des sessions, je m’arrête souvent sur une terrasse de café et je commence à dessiner les gens de manière aléatoire. Je n’ai que des remerciements et des sourires, ce qui est extrêmement réjouissant pour moi. »
Le concepteur de Bytiddraw affirme avoir deux sources d’inspiration, directe et indirecte. Dans la seconde catégorie, on retrouve Hergé, Peyo, Midam, Quiles, Malnati, Toriyama, Toyotaro ou encore Salvador Dali. Et dans la première, les éléments autour de lui, en particulier les gens qu’il croise et observe. « Le monde est la plus grosse source d’inspiration qui soit », affirme-t-il.
À travers ses cours de dessin en ligne, quel message cherche-t-il à transmettre à ses abonnés ? « Que l’artiste c’est vous ! Que l’art n’est pas un graal élitiste. Que chaque personne peut accomplir des miracles si elle le souhaite et j’essaie de donner aux gens l’envie d’avoir confiance en eux », répond Thierry Blanchard.
N’empêche, concilier son métier, la musique et le projet Bytiddraw n’est pas toujours facile, en particulier au niveau de la gestion du temps. Il se lève à 6 heures et travaille jusqu’à 16 heures, est de retour chez lui à 17 heures et jusqu’à 21 heures, s’adonne aux tâches quotidiennes et passe du temps avec ses enfants.
« J’ai dû prendre sur moi pour accepter finalement de tenter un projet artistique sérieux. » Indirectement, concède-t-il, la pression influe sur son art, aussi bien dans la musique que le graphisme. « Certaines propositions me sont faites pour réaliser des œuvres sur site, mais rien n’a encore abouti. Je me retrouve actuellement à réfléchir à changer de direction pour pouvoir dégager plus de temps à Bytiddraw tout en continuant mon devoir alimentaire », confie-t-il. Après tout, comme aime le dire son ami qui est présent dans son projet : « La vie est un marathon, pas un sprint. »
Son passage à Maurice
L’artiste sera à Maurice du 26 octobre au 4 novembre pour rencontrer ses « Followers ». Comment envisage-t-il de partager son projet Bytiddraw avec la communauté mauricienne ? « Je vais rencontrer les personnes qui suivent mes ‘lives’ à Maurice, discuter avec elles, partager mes connaissances et faire leur portrait. Je constate aussi que le projet Bytiddraw apporte plus que du visionnage créatif et c’est ce petit plus que j’espère apporter à Maurice pour mélanger mon moi français et mon moi mauricien », répond Thierry Blanchard.
En tant qu’artiste, il dit aimer le partage avec les gens. « J’ai eu plusieurs fois l’occasion de redonner le sourire et l’envie de se relever à plusieurs abonnés. Sans jamais les avoir rencontrés de visu, en comprenant à travers leurs messages la mauvaise passe qu’ils traversaient, j’ai pu leur donner envie de prendre une feuille, un crayon et de se libérer, de s’accepter et de s’apprécier », souligne-t-il. Cet impact est significatif pour Thierry Blanchard. Il veut pouvoir transmettre la notion d’espoir aux autres, telle qu’il l’a reçue.
Sa perception de l’art dans la société moderne
Comment perçoit-il le rôle de l’art dans la société moderne et comment espère-t-il y contribuer ? « L’art est la chose la plus intangible. C’est la vision d’une personne que l’on scelle dans l’éternité, quelle que soit sa notoriété », répond l’artiste. Selon lui, l’art prend de plus en plus de place dans la société et c’est tant mieux. Cela permet de contrebalancer la vision terne de l’industrialisation, estime-t-il. « J’espère que les gens continueront à découvrir que le dessin, forme d’art la plus primitive, peut-être une thérapie, un soulagement, une échappatoire aux problèmes quotidiens. »
Adopté à l’âge de neuf mois
Et sinon, qui est Thierry Blanchard ? Pour nous répondre, le Mauricien qui vit en France remonte le temps pour partager son enfance et son parcours. « Je suis né à Maurice. J’ai été adopté lorsque j’avais neuf mois. Mes parents, par l’intermédiaire de l’association franco-mauricienne Les Enfants du Dodo, ont pu être mis en relation et effectuer les démarches nécessaires pour mon adoption », raconte Thierry Blanchard.
Il a grandi en France, notamment dans la ville de Châlons-en-Champagne, puis dans le village de Revigny-sur-Ornain. « Ce village rural m’a permis de me développer dans un environnement sain et quasi utopique. Une bulle dans laquelle les méchants ne l’étaient pas et les gentils étaient encore plus gentils. J’ai ensuite rejoint la ville de Metz pour terminer ma scolarité », indique-t-il.
Ne s’est-il jamais interrogé sur ses origines ? « Non. En revanche, lors de mon arrivée à Metz, j’ai fait un rêve bizarre dont je me souviens encore. » Thierry Blanchard déclare qu’une de ses amies, qui avait elle aussi été adoptée, lui disait qu’elle avait retrouvé sa famille biologique. « Je l’ai recontactée sur MSN et elle me l’a confirmé. Et depuis cet instant, une autre partie de moi venait de surgir, mon moi mauricien », soutient le jeune homme.
Par la suite, il fait la connaissance d’une personne qui deviendra pour lui une sorte d’ange gardien : « Tata Christel ». Nom que ces enfants ont attribué à Christel qui effectue moult enquêtes, recherches et investigations pour reconstituer le puzzle du début de vie de Thierry Blanchard. Entre réussite totale, fausses pistes, joies et désillusions, elle lui offre de voir et comprendre chaque élément qui compose sa vie.
« Christel m’a permis de faire énormément de rencontres fantastiques et, surtout, de me découvrir moi-même. Les contacts que j’ai pu avoir avec ma mère biologique étaient étranges. Mais je la remercie de m’avoir permis d’avoir la chance de grandir en France », dit-il.
Est-il toujours en contact avec sa mère biologique ? « Il m’a été impossible de la considérer comme ma mère », souligne Thierry Blanchard. Il estime que le mot mère ou maman ne s’accorde pas au droit du sang mais au droit de l’amour et de la patience.
A-t-il de la famille à Maurice ? « Oui. Il y a énormément de personnes de cœur ou de sang qui ont pris une place importante dans ma vie. Et j’essaie de venir de manière régulière à Maurice, chaque année, voire tous les deux ans. »
Sa famille d’accueil, poursuit Thierry Blanchard, lui a tout donné. « Ce que je suis aujourd’hui est le fruit de l’amour de mes parents adoptifs, de leur patience et du temps qu’ils m’ont donné. Pour moi, ils sont ma famille tout court. » Il est catégorique : « Mes parents ont toujours fait le nécessaire et pour rien au monde je ne changerais quoi que ce soit. »
S’il n’avait pas été adopté, à quoi, selon lui, sa vie aurait-elle ressemblé ? « Je serais mort ou drogué. Je pense souvent à ce qu’aurait été ma vie, surtout lorsque le moral est bas. Cela permet de relativiser et de me dire de ne jamais gâcher ma chance », soutient Thierry Blanchard.
En tant qu’enfant qui a été adopté, quel message aimerait-il transmettre à ceux qui vivent une expérience similaire ou qui cherchent leur propre identité ? Thierry Blanchard est d’avis qu’il faut voir cela comme une chance. Il fait comprendre que « si on recherche son identité, celle-ci ne se trouvera pas dans le passé mais dans le présent ».
Ses expériences les plus marquantes
Quelles sont jusqu’ici les expériences les plus marquantes qu’il a vécues en France ? Thierry Blanchard parle en premier lieu de sa prise de poste en gendarmerie. « Ayant toujours grandi dans un environnement de bienveillance, j’ai voulu suivre la carrière de mon père. Il m’avait prévenu que cela ne me conviendrait pas, mais pour l’honorer et suivre ce que je pensais être une tradition familiale, j’ai décidé de m’engager. » Il confie que le choc a été très violent, passant de sa campagne douce et bienveillante à des environnements urbains ultra violents.
En second lieu, il cite encore le mot bienveillance. Celle de la communauté qui s’est mise en place autour de son projet artistique Bytiddraw sur TikTok. « C’est une expérience dont j’espère ne pas voir la fin. C’est un rassemblement de personnes qui, de leurs propres aveux, ne viennent même plus forcément pour du dessin, mais pour le feeling transmis », indique-t-il.
D’ailleurs, il trouve formidable de pouvoir épauler à distance des gens qui peuvent être confrontés à des problèmes importants et qui trouvent la sérénité grâce au contenu qu’il propose et aux « lives » qui étaient initialement sa propre thérapie bien-être.
En images : fusion artistique
De ses mangas imprégnés de vie et de dynamisme à ses portraits emblématiques où il saisit l’âme de ses sujets avec précision, en passant par ses graffitis en fusion… Artiste autodidacte et concepteur de Bytiddraw, Thierry Blanchard transcende les frontières de l’art. À travers une symbiose de techniques variées, il donne naissance à des œuvres captivantes. Plongée dans son univers artistique.
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