Mauvaise organisation, gestion déficiente, approche réactive et des lacunes au niveau des structures. Autant de manquements dans le système d’approvisionnement de médicaments et d’équipements au ministère de la Santé révélés dans un rapport du ministère des Finances daté du 21 août 2017.
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Ce rapport du ministère des Finances d’août dernier lève un coin du voile sur les raisons du gaspillage des fonds publics au ministère de la Santé. Gaspillages dénoncés par le Bureau de l’audit pour 2016-2017. Ce rapport, intitulé « Review of process & power assessment » axé sur le fonctionnement du système d’approvisionnement de la Santé en relève une cinquantaine. Pire, plusieurs de ces manquements avaient été mentionnés dans divers rapports (voir hors-texte), sans qu’aucune mesure n’ait été prise. Le Défi Plus propose les principaux manquements :
Manque d’accountability
Chaque unité au niveau régional, soit pour chacun des 5 hôpitaux, fonctionne de manière fragmentée et réactive. Nul n’a la responsabilité de veiller à ce que tout le processus soit correctement planifié et géré et que les problèmes soient identifiés afin que des mesures correctives soient prises.
Duplication des procédures.
L’approvisionnement au niveau régional pour les items pas disponibles à la Central Supply Division (CSD) est une pratique courante. Cela n’apporte guère un bon rapport qualité-prix lors des exercices d’approvisionnement et pour l’utilisation optimale des ressources. Cela cause, par la même occasion, une duplication des procédures au niveau des diverses unités régionales pour l’acquisition des produits.
Mauvaise planification
Le processus de planification au niveau régional est « time consuming » et ne fournit pas des informations précises sur la quantité de produits nécessaire. Ce qui explique que les unités régionales recourent souvent à l’approvisionnement « piece meal » de certains produits. Des approvisionnements autorisés sous le seuil de Rs 100 000.
Organisation inefficiente
Le manque d’efficience est montré du doigt. Ainsi, la soumission des demandes des différentes unités à la Central Procurement Unit se fait toujours par écrit (hard copy), ce qui nécessite souvent des amendements, alors qu’il aurait été plus facile et judicieux de les faire parvenir en soft copy.
Manque de compétences
De nombreux manquements ont été décelés sur un échantillon de bidding documents choisis au hasard. Des lacunes attribuées au manque de compétences des officiers qui, pour certains, comptent plusieurs années d’expérience. Les changements apportés aux critères dans certains bid documents sont qualifiés de « questionnable ». Cela augmente le risque que des contrats soient alloués aux soumissionnaires qui pourraient ne pas répondre aux critères financiers et techniques.
Mauvaise gestion des contrats
Un manque de suivi est déploré dans la gestion des contrats, ce qui aurait permis au ministère de réclamer de dommages (liquidated damages) lorsqu’un fournisseur bénéficiaire d’un contrat ne respecte pas les critères spécifiés.
Non-révision des documents d’appel d’offres
Des retards dans l’approvisionnement, rupture de stock et achats d’urgence à des prix plus élevés. Autant d’inconvénients liés à la non-révision des bidding documents. Une prérogative du Departmental Bid Committee (DBC), présidé par le Secrétaire permanent, mais qui ne se fait pas systématiquement. Résultat : le ministère paie plus cher ou bien d’autres appels d’offres doivent être lancés car celles reçues ne répondent pas aux nouveaux critères.
Mise en pratique des nouveaux critères
La mise en pratique des nouveaux critères souffre d’un manque de cohérence. « Par moment, la non-conformité est considérée comme une déviation mineure alors que dans d’autres cas, cette déviation est considérée majeure. Sans compter que ces nouveaux critères ne sont pas considérés lors des acquisitions faites d’urgence sur le marché local, tout comme ils sont ignorés par le Pharmacy Board lors de l’octroi des permis pour l’importation de médicaments ».
Service de fret exorbitant
Les coûts opérationnels de l’unité « clearing and forwarding », responsable du dédouanement de produits importés et le transfert vers Rodrigues reviennent jusqu’à trois fois plus cher que si le service était sous-traité à un opérateur privé. Il faut compter entre Rs 2 600 et Rs 3 500 pour le service d’un opérateur privé contre Rs 9 700 pour le service in-house.
Stockage des médicaments
Le stockage des médicaments ne se fait pas toujours dans des conditions adéquates. Bien que le ministère dispose d’un système informatisé, celui-ci n’est pas complètement automatisé. En l’absence de code-barre, les entrées se font manuellement, ce qui nécessite plus de temps et de ressources. Sans compter les nombreux bugs dans le système et les informations imprécises sur la quantité de médicaments disponibles.
Distribution
L’efficacité du système de distribution du ministère est remise en question, à se demander si les opérations ne seraient pas plus rentables si celles-ci étaient allouées à des sous-traitants.
Contrôle du stock
Au lieu de comparer régulièrement le stock disponible à celui mentionnant les ravitaillements nécessaires, les officiers assignés à cette tâche se contentent de préparer une liste de produits nécessaires qu’ils soumettent à la Procurement Unit. Ce qui explique que l’acquisition des médicaments ne se fait pas selon la quantité consommée, mais selon leurs exigences.
Pièces de rechange pour les équipements
Concernant l’acquisition des équipements par le ministère, la maintenance et les coûts opérationnels n’étaient pas inclus dans les critères de sélection lors du choix des fournisseurs. Ce qui fait que le ministère est appelé à débourser de ses propres fonds pour la maintenance et l’acquisition des pièces de rechange de ses équipements.
Nombre inquiétant de représentants locaux
Le ministère des Finances s’interroge sur le nombre de représentants locaux des Original Equipment Manufacturers et se demande comment un si petit pays comme Maurice peut compter autant de représentants. « Il se pourrait que les fournisseurs s’approvisionnent indépendamment depuis des revendeurs à travers le monde, avant de fournir l’équipement au ministère. Il se pourrait aussi que ceux se trouvant dans une position privilégiée puissent obtenir des informations privilégiées (advance informations) ».
L’inaction du ministère de la Santé déplorée
Le ministère des Finances révèle que ces deux dernières années, deux études ont été menées sur l’approvisionnement des produits pharmaceutiques. L’une réalisée par un certain M. Dhoorundhur et l’autre par un consultant de l’Union européenne. Les rapports qui contiendraient des valuable recommendations attendent d’être implémentés. « Bien que le directeur (Procurement & Supply) ait offert son assistance pour la mise en place des recommandations depuis une année, certaines mesures apportées par la Santé indiquent que ces recommandations ont tout bonnement été ignorées », déplore les Finances. Ainsi au lieu d’améliorer le processus de planification en changeant la composition du Committee of Needs, le comité a été tout simplement dissous.
Un projet pilote qui dure depuis 10 ans !
L’insertion des données dans les livres de comptes se fait manuellement. Sauf à l’hôpital Jawaharlal Nehru. Un programme a été mis sur pied sur une base pilote depuis… 10 ans. Mal conçue, l’introduction des données dans le programme prend plus de temps que si elle est faite manuellement.
Situation insolite de certains officiers
Le cas d’un officier basé au Central Laboratory fait sourciller. Ce dernier serait « almost permanently absent ». L’officier a été examiné par le Medical Board à deux reprises où il a été trouvé fit. Cela ne l’empêche pas de multiplier ces absences et le ministère n’a jamais cru bon de le rapporter au Financial Secretary. Un autre cas interpelle : celui d’un officier de l’unité Clearing & Forwarding, dont les compétences seraient « very much underutilized » car sa tâche consiste uniquement à maintenir un registre.
Recommandations : une réorganisation complète du système d’approvisionnement
Le ministère des Finances recommande une réorganisation complète du système d’approvisionnement, basé sur les tâches à accomplir (planification, préparation et vérification des documents d’appel d’offres, allocation et gestion de contrat, etc). Actuellement, le système est basé sur le type de produits à se procurer (pharmaceutique, labo central, équipement médical, etc). Ci-dessous des recommandations additionnelles :
- Implémenter les rapports du directeur du Procurement Policy Office et celui du consultant de l’Union européenne.
- Adopter l’E-Procurement System afin de réduire les retards et augmenter l’efficience, la transparence et la sécurité.
- Externaliser des services de la Clearing & Forwarding Unit.
- Améliorer les entrepôts afin qu’ils soient conformes aux normes de sécurité à travers l’installation de caméras CCTV, améliorer les facilités existantes, regrouper les produits en des lieux spécifiques.
- Considérer la possibilité d’externaliser le service de distribution afin d’apporter plus d’efficience.
- S’assurer que les règlements des contrats soient scrupuleusement respectés.
- Réviser régulièrement la liste des « General, maintenance and repaired items » afin de s’assurer que les produits non utilisés soient retirés de la liste et inclure les nouveaux produits demandés.
- Lors de l’acquisition d’un équipement, celui-ci doit inclure un contrat d’entretien et la fourniture de pièces de rechange pendant toute la durée de vie de l’équipement.
- Pour les équipements existants qui ont été acquis sans aucun contrat de maintenance, le ministère doit conclure un accord avec les fabricants afin que ceux-ci puissent leur fournir les pièces de rechange et la maintenance à un prix raisonnable.
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