L’ancien ministre de l’Éducation et membre de la Plateforme Militante réclame l’introduction de la Recall of MPs Act. Steven Obeegadoo explique qu’il faut sanctionner les parlementaires trouvés coupables d’abus durant leur mandat. Cela, dit-il, pourra aider à combattre le taux d’abstention aux élections.
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Qu’est-ce qui explique cette campagne nationale sur l’idée de la révocabilité des élus ?
Le droit de révoquer son député est un élément central du programme de la Plateforme Militante pour Réinventer la Démocratie. Avec nos camarades du MP, nous avons animé une conférence de presse, placé des banderoles aux quatre coins du pays, organisé un débat contradictoire entre personnalités politiques. Nous continuons à animer des plateaux de radio pour recentrer le débat politique autour d’idées nouvelles au lieu des scandales et des insultes dont est faite la politique politicienne au quotidien.
Pourquoi réclamez-vous la révocabilité des élus ?
Parce que les gens réalisent de plus en plus que la démocratie ne dure que l’instant où ils déposent leur bulletin de vote dans l’urne une fois tous les cinq ans. Une fois élus, les politiciens traditionnels font le contraire de ce qu’ils avaient dit et jouissent d’une impunité quasi totale jusqu’aux prochaines élections. Ce qui aboutit à une dictature élective.
Ces parlementaires ont été élus démocratiquement et légalement. N’est-il pas une erreur de réclamer une telle sanction ?
Quand un employé manque à ses devoirs, l’employeur n’attend pas la fin de son contrat pour le sanctionner. Lorsque le député trahit le contrat de confiance qui le lie à ses électeurs, pourquoi ceux-ci devraient-ils attendre la fin de son mandat pour pouvoir le sanctionner ?
La demande est-elle fondamentale pour mettre fin à l’impunité des élus ?
Le fait de savoir qu’ils peuvent être appelés à répondre de leurs actes devant leurs électeurs à n’importe quel moment fera certainement réfléchir ces élus qui font honte à la démocratie. Le référendum révocatoire empêchera le député ki fane dès le début de son mandat de continuer à toucher son salaire et accumuler ses pension rights sur le dos du peuple pendant cinq ans.
Un député devrait-il être révoqué dès sa première faute ou faut-il le sanctionner par le biais d’avertissements ?
C’est aux électeurs d’en décider. Par exemple, depuis la Recall of MPs Act 2015 en Grande-Bretagne, deux députés, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition, ont été sanctionnés. Dans le premier cas, parce que la révocation n’a pas obtenu l’aval des 10 % de l’électorat de sa circonscription, cela aura été un avertissement qu’il n’oubliera de sitôt. Dans le deuxième, 28 % de l’électorat ont assuré la révocation immédiate de leur députée. Elle pourra néanmoins se représenter à l’élection de remplacement.
N’y a-t-il pas d’autres solutions ?
Évidemment. Le programme de la Plateforme inclut le contrôle du travail de chaque député par une Parliamentary Commission on Standards & Ethics; un Parlement à mandat fixe; l’instauration d’un droit de regard citoyen par le biais de référendums d’initiative populaire, un Public Protector, la Public Interest Litigation etc. Toutefois, la révocabilité est essentielle pour rendre le député responsable de ses actes et redevable envers ses mandants.
La démocratie ne peut exister sans participation populaire.»
Le fort taux d’abstention aux élections à Maurice pourra-t-il être résolu avec la révocabilité des élus ?
L’abstention est passée d’une moyenne de 11 à 12 % entre 1967 et 1987 à 19 % entre 1995 et 2005 avant d’atteindre 26 % en 2014 et 46 % à la partielle de 2017 ! La confiance du peuple en la politique et la démocratie s’éffrite. La révocabilité représente un moyen de diminuer la distance entre le peuple et ceux qui sont censés le représenter.
Ce mécanisme permettra-t-il de rendre le pouvoir au peuple ?
Pour les électeurs qui sentent que cela ne sert à rien de s’intéresser à la politique puisqu’ils n’ont aucun pouvoir entre deux élections, le référendum révocatoire vient leur redonner une forme de contrôle sur leurs représentants au Parlement.
Quels sont les différents aspects du dispositif d’une telle initiative ?
La démarche est initiée soit par l’opération de la loi comme en Grande-Bretagne ou par une pétition comme au Canada. Puis, il y a un référendum dans un délai prescrit et exigeant qu’un certain pourcentage de l’électorat vote la révocation du député. Ensuite, la révocation, si approuvée, donne lieu à une élection de remplacement. Tout se fait selon la loi et sous le contrôle de la commission électorale.
La révocabilité pourra être utilisée par des groupes d’intérêts particuliers pour révoquer un député ? Comment contrôler les abus ?
C’est bien pour cela que la loi britannique prévoit la réglementation de la campagne pour la révocation et le contrôle strict des dépenses, dans la transparence.
La révocabilité d’un élu n’est-elle pas une idée extrémiste ?
C’est un gouvernement conservateur-libéral qui l’a introduit en Angleterre alors que le recall fonctionne dans 80 % des États aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en Suisse et, sous différentes formes, dans une trentaine de pays à travers le monde. La démocratie est-elle extrémiste ?
Le prochain gouvernement acceptera-t-il d’amender les lois pour adopter ce principe ?
Nous demandons que tous les partis politiques incluent le principe de révocabilité dans leur manifeste électoral aux prochaines élections. Après un Select Committee pourra être chargé de définir les modalités de la révocabilité à la mauricienne. Il suffit d’une volonté politique pour avancer.
Le pays est-il prêt pour une réinvention de la démocratie mauricienne ?
Le comportement de certains élus, les « affaires » et le mépris pour le programme inspirent un sentiment de rejet des politiciens, confirmé par le taux d’abstention croissant. La démocratie ne peut exister sans participation populaire. Pourtant, la technologie permet aujourd’hui une démocratie pleinement participative, en tout lieu et en continu. Les Mauriciens rêvent d’une démocratie basée sur l’égalité, la transparence et la probité où ils auront leur mot à dire et leurs voix seront entendues, et pas seulement le temps d’une campagne électorale. Face à ces multiples défis, la démocratie à Maurice comme ailleurs a besoin de nouvelles idées et d’un nouveau souffle. À nous de réinventer nôtre démocratie.
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