Les contributions à l’avancée du kreol démontrent l’intérêt que portent les simples citoyens et linguistes à l’aboutissement d’une graphie cohérente. Sheshcoomar « Joe » Seetohul, linguiste et auteur d’un recueil de poèmes intitulé ‘Musorni Ray’, est le dernier à souligner certains travers de la graphie officielle.
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Le 11 novembre 2019, après réception d’une lettre du ministère de l’Éducation, qui lui demande de se mettre en contact avec l’Akademi Kreol Repiblik Moris (AKRM), Sheshcoomar Seetohul, adresse un courrier à celle-ci pour attirer son attention sur l’usage abusif des traits d’union et autres homonymes dans la graphie créole. ''There is no necessity to write hyphen after a noun, among others ('Dimunn la, latab la, informasyon la'). AKRM should be very careful in dealing with compounds words. 'Katrer' should be written without hyphen (not Ka-t-rer)'' écrit-il.
Pour le linguiste formé en Union soviétique (il y est resté durant presque dix ans et y est retourné en plusieurs occasions), l’usage des traits d’union et homonymes (il préconise la même graphie pour les mots « non » et
« nom »), relève de l’influence du français dans l’écriture en kreol. « La graphie kreol doit se déterminer uniquement par la phonétique, afin de se structurer comme une langue indépendante de toute influence, mais certains linguistes sont peut-être trop aliénés par la culture française pour aboutir à cette définition. La graphie kreol doit se libérer de l’influence française », soutient-il.
Déjà auteur de livrets en Kreol dans les années 80 et proche du parti d’extrême-gauche maoïsant MMM-SP, Sheshcoomar Seetohul est parti en Union soviétique (Urss) pour des études en linguistique à l’Université de langues étrangères Maurice Thorez. C’est là où il fit sa dissertation sur le kreol mauricien pour son doctorat. Dix ans plus tard, après avoir été témoin du démantèlement de l’Urss, il rentre à Maurice et part enseigner les langues dans plusieurs collèges. Parallèlement, il publie des ouvrages en kreol, la plupart dédiés au poète russe Alexandre Pouchkine, dont l’arrière-grand-père Abraham Hannibal était africain.
« Repli identitaire »
Resté profondément attaché à l’ex-Urss – il est marié à une Russe - et très critique à l’égard des antivaleurs matérialistes du capitalisme et l’aliénation qu’elle crée chez l’individu, il fait valoir que la Russie d’aujourd’hui a créé plus d’inégalités que celle dirigée, autrefois, par l’Union soviétique. « L’éclatement de l’Urss a vu naître une poignée d’oligarques, qui étaient des dirigeants du KGB et qui ont régné sur la Russie, comme une véritable mafia. Vladimir Poutine, l’un des axes de la politique de l’ex-Urss, a mis un peu d’ordre dans ce chaos et il a fini par faire prévaloir le nationalisme au détriment de l’internationalisme. Mais il n’est pas le seul à promouvoir le nationalisme, depuis ces dernières années, partout en Europe, on assiste à un repli identitaire, qui s’est décuplé face à la crise des migrants », fait-il observer.
Son engagement en faveur d’une graphie cohérente du kreol, dit-il, est destiné à produire une identité linguistique vivante, d’autant que le kreol, telle qu’elle s’est développée depuis les recherches, permet encore d’y apporter des modifications. « Mais à force d’avoir été conditionné par le français, on fait des concessions à cette langue ou à des forces occultes qui ne souhaitent pas voir émerger une véritable langue nationale qui pourrait être utilisée au Parlement ou dans nos Cours de justice », dit-il.
« Musorni Ray »,
de Joe Seetohul, dessins d’Ismet Ghanty
Publié et imprimé par
In Sign Digital Press Ltd,
La Tour Koenig,
Pointe-aux-Sables.
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