
Le Premier ministre indien Narendra Modi sera en visite officielle à Maurice, marquant une étape importante dans les relations bilatérales entre les deux pays. Ce déplacement intervient 10 ans après sa première visite en 2015, lors de laquelle il avait annoncé une ligne de crédit de 500 millions de dollars pour financer divers projets. Cette fois encore, plusieurs protocoles d’accord seront signés. Quels seront les enjeux et les bénéfices de cette visite pour Maurice ?
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«Une opportunité stratégique et politique. » C’est ainsi que le docteur en géopolitique et spécialiste des relations indo-mauriciennes, Shafick Osman, résume les enjeux de cette seconde visite de Narendra Modi à Maurice.
Pourquoi ? Selon lui, le Premier ministre indien doit absolument tisser des liens avec le nouveau chef du gouvernement mauricien, Navin Ramgoolam, car « Maurice est une pièce bien trop importante pour l’Inde ».
Le docteur en géopolitique souligne que le Premier ministre Ramgoolam avait décliné une invitation officielle en Inde en décembre dernier – une première dans l’histoire. Cette visite de Narendra Modi représente donc une occasion pour les deux Premiers ministres de se rencontrer et d’échanger.
« Il est utile de rappeler que l’ancien gouvernement, en particulier le MSM, était largement perçu comme pro-Modi et surtout pro-BJP. Même Arvin Boolell s’était opposé au BJP et au gouvernement indien. Les deux Premiers ministres s’engagent donc dans une vaste opération de relations publiques dans les jours à venir », souligne-t-il.
Shafick Osman ajoute que Maurice constitue le pion le plus stratégique de l’Inde dans le sud-ouest de l’océan Indien. Il estime donc logique que la Grande péninsule cherche à consolider ses relations avec le nouveau gouvernement mauricien.
« Sur le plan géopolitique interne, Navin Ramgoolam capitalisera sur la présence de Modi pour tenter de rallier l’électorat hindou rural, qui, malgré tout, est resté fidèle au MSM aux dernières élections, représentant, selon moi, environ 25 % des votes obtenus par l’alliance Lepep », analyse-t-il.
Pion clé dans la stratégie indopacifique
« On peut affirmer que Maurice est ‘acquise’ à l’Inde, et tous les gouvernements mauriciens ont suivi cette orientation. L’Inde joue un rôle clé dans l’architecture sécuritaire du pays, qu’il s’agisse de la National Coast Guard, du conseiller en sécurité du Premier ministre, des stations d’écoute et de surveillance, ou encore des accords de défense et de sécurité maritime. La liste est longue. Il est même impensable que Maurice ne soit pas intégrée dans la stratégie indopacifique indienne, soutenue par la France, l’Australie et le Japon, entre autres. Et Agaléga est venu renforcer cette dynamique », souligne Shafick Osman.
Interrogé sur les bénéfices économiques et stratégiques que Maurice pourrait tirer de cette visite, le docteur en géopolitique dira ne pas le savoir : « Mais les acteurs et protagonistes mauriciens trouveront toujours des raisons de vanter les retombées économiques et stratégiques. »
Selon lui, « l’Inde est la grande gagnante, pas Maurice. Toutefois, les politiciens des grands partis ne le diront jamais. Seul Arvin Boolell a eu le courage d’affirmer publiquement que c’est l’Inde qui a la main haute », ajoute-t-il.
Shafick Osman indique avoir lu que plusieurs protocoles d’accord, principalement d’ordre commercial et économique, seront signés lors de cette visite. Cependant, il estime que « l’accord le plus important de l’histoire entre l’Inde et Maurice a déjà été conclu en mars 2015, avec la cession d’une partie d’Agaléga à l’Inde pour des raisons militaires et de surveillance ».
Selon Shafick Osman, cette visite se distingue de la première par les objectifs politiques qu’elle sert. Il explique que le Premier ministre Navin Ramgoolam l’utilisera pour « redorer son image auprès de l’électorat hindou rural, bastion du MSM, et plus particulièrement auprès des sympathisants nationalistes hindous proches du BJP-RSS et de leur idéologie ».
Shafick Osman estime également que « Paul Bérenger profitera de cette visite pour se positionner favorablement, lui qui, au début des années 2000, avait multiplié les éloges du défunt Premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee ». Selon lui, ce pourrait être l’occasion pour Paul Bérenger de montrer à Narendra Modi que le MMM est également « avec lui ».
Pour Narendra Modi, l’enjeu, selon Shafick Osman, sera de s’assurer qu’avec le gouvernement du Changement, « les liens privilégiés ne seront pas seulement maintenus, mais qu’ils seront peut-être même renforcés et étendus ».

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