Des personnes âgées qui reçoivent la visite de médecins de la Sécurité sociale à leur domicile chaque mois déplorent les tracasseries liées à l’absence d’un carnet de santé.
Ces tracasseries, selon des personnes âgées interrogées, peuvent survenir à plusieurs niveaux. D’abord, lorsqu’ils doivent se rendre à l’hôpital pour une urgence, par exemple. « À l’hôpital, nous sommes systématiquement appelés à répondre à une série de questions de la part du médecin qui nous prend en charge : de quoi nous souffrons, les traitements que nous suivons ou encore les médicaments que nous prenons. Autant d’informations que, nous en tant que vielles personnes, n’arrivons pas toujours à fournir au complet et avec précision sur le moment. Sa lexercis-la pran letan alor ki nou deza pe soufer », soutient Gerard B., membre exécutif d’une association regroupant des personnes du 3e âge.
Il dit craindre, à ce moment-là, que ces vieilles personnes n’obtiennent non seulement pas les soins adéquats, mais surtout, que des soins ou des médicaments inadaptés à leurs conditions ne leur soient prodigués à l’hôpital.
Ce qui a été d’ailleurs le cas pour Sookwantee G., 73 ans, et souffrant de multiples maladies chroniques. En raison de sa mobilité réduite, elle bénéficie d’une consultation mensuelle d’un médecin de la Sécurité sociale. Mais un soir, elle a dû se rendre en urgence à l’hôpital. Et selon ses dires, elle avait oublié de préciser qu’elle souffrait d’une maladie en particulier. « Dokter ti fini preskrir enn pikir. Zis kan infirmie ti pre pu pik mwa lerla monn rapel pu dir ki mo ena sa malad-la. Infirmie la dir moi si ti met sa pikir-la ek moi, mo ti kapav perdi lavi », soutient la septuagénaire.
Soograh E., 86 ans et souffrant d’un handicap, est parmi les bénéficiaires du service médical à domicile du ministère de la Sécurité sociale depuis plusieurs années. Selon ses dires, elle a reçu plusieurs médecins au fil des années. « À chaque fois qu’un nouveau médecin vient me voir, il recommence à zéro. Je dois à nouveau fournir des informations sur les maladies et les traitements dont je fais l’objet. Heureusement, mes proches ont le réflexe de garder quelques-unes de mes prescriptions. Ce qui facilite un peu la tâche du médecin. Me li pa evidan », soutient-elle.
Health Card
Le Défi Plus a interrogé quelques-uns des médecins de la Sécurité sociale à cet effet. Selon eux, il existe bien un carnet de santé. Il s’agit d’une Health Card sur laquelle sont inscrites des données essentielles : le nom, la date de naissance et l’adresse du patient. Des données additionnelles sur des allergies, les maladies et les médicaments du patient sont aussi inscrites. Le carnet de santé comporte aussi le nom du médecin traitant qui doit, à chaque visite, inscrire la date, le diagnostic et les médicaments prescrits, entre autres (voir photo).
Toutefois, selon notre enquête, tous les patients n’en disposent pas, le carnet de santé n’étant pas toujours disponible. La dernière fois que les médecins en ont obtenu remonte à 2021. « Nous n’en avons pas obtenu en 2022 et tout récemment, il nous a été dit que les carnets de santé étaient à nouveau disponibles, à récupérer à la Elderly Unit du ministère », indique un médecin.
Ce que nous a confirmé un haut fonctionnaire de ce ministère. « Nous avons demandé aux médecins d’assurer que chacun de leur patient dispose d’un carnet de santé et nous avons insisté sur le fait que le carnet soit dûment rempli à chaque visite. C’est important surtout pour ceux qui vont effectuer des examens médicaux à domicile, afin qu’ils puissent avoir un aperçu de l’évolution de l’état de santé du patient. Le carnet est aussi pratique lorsqu’un médecin doit se faire remplacer par un de ses collègues », déclare-t-il.
Dossier
En sus du carnet de santé, le haut fonctionnaire explique que chaque patient suivi par un médecin de la Sécurité sociale dispose d’un dossier. Ce qui n’était pas le cas dans le passé. Selon ses dires, auparavant, les médecins notaient les conditions de chaque patient qu’ils suivaient dans leur propre carnet.
Mais depuis quelque temps, des changements sont intervenus. Chaque médecin dispose d’un dossier avec des formulaires en duplicata à remplir lors de chaque visite chez un patient. Sur ce document, le médecin note, entre autres, l’état de santé général du patient après une évaluation, le traitement prodigué et les médicaments prescrits, entre autres. « À la fin de chaque mois, le médecin soumet le primat au ministère et garde le duplicata lui avec nous », dit-il.
Mais là encore, des inconvénients surviennent lorsqu’un médecin doit se faire remplacer. « Le médecin qui remplace doit alors tout recommencer à zéro. Setadir dimann pasian-la ki ban malad li ena, ki medsinn li pran, eski li swiv tretman, kotsa, avek ki… » soutient un médecin.
Soin dans le privé
Des patients qui se font suivre par un médecin de la Sécurité sociale soutiennent qu’ils se font aussi suivre dans le privé. Si certains estiment qu’un deuxième avis médical n’est jamais de trop, d’autres se montrent plus critiques. « Zot vini et vit vit zot fini ale. Kot ou krwar li pou kapav get mwa bien », soutient un bénéficiaire qui dénonce une attitude « expéditive » de son médecin traitant.
Une nonagénaire, elle, indique que c’est lors d’une consultation dans le privé qu’un médecin a attiré son attention sur une possible maladie cancéreuse, laquelle, dit-elle, a été confirmée par la suite par des tests plus poussés dans une clinique privée. « Malgre dokter vini tou lemwa, mo pa konpran kouma zot pan resi detekte sa », s’interroge-t-elle, innocemment.
Interrogés à cet effet, des médecins de la Sécurité sociale se défendent. « Nous nous occupons essentiellement de problèmes chroniques et des maladies non transmissibles. Nous vérifions alors le niveau de diabète, la tension artérielle et le cholestérol, etc. C’est-à-dire des conditions que nous pouvons évaluer assez facilement », soutient une doctoresse.
Un médecin comptant plusieurs années de service, quant à lui, relativise. Selon lui, parmi ceux âgés de 90 ans et plus, nombreux se portent plutôt bien. « Notre travail consiste alors à tout simplement faire un check-up de routine. En cas de douleurs mineures, nous leur proposons du paracétamol ou des vitamines s’ils en ont besoin », dit-il. Mais pour ceux qui sont malades, poursuit le médecin, ses collègues et lui prescrivent des médicaments qu’ils doivent aller récupérer dans un centre de santé publique le plus proche.
Pour ceux souffrant d’un handicap ou de maladies sévères, l’intervenant indique que parfois, ces patients se font suivre dans le privé et demandent ainsi à ne pas leur prescrire des médicaments additionnels. « Il y a aussi des patients, comme ceux souffrant de problèmes cardiaques, qui se font suivre à l’hôpital, c’est donc nos collègues de l’hôpital qui leur prescrivent les médicaments dont ils en ont besoin, en fonction de l’évolution de leurs problèmes de santé », dit-il.
Bilan sanguin
Interrogé pour savoir si les bénéficiaires feraient l’objet de bilan de sanguin, l’interlocuteur indique que cela s’avère parfois nécessaire afin d’aider les médecins dans l’évaluation de l’état de santé de la personne. « Ces prises de sang se font à intervalle de chaque 3 à 6 mois pour déterminer l’état général du patient ou pour évaluer son état par rapport à la prise des médicaments. Pour un patient dont le diabète doit être contrôlé, par exemple, un test sera fait chaque trois mois, au moins. Mais une fois le seuil acceptable du diabète est atteint, les prises de sang peuvent être faites de manière plus espacées, soit après quatre, cinq, voire six mois. Au cas contraire, si son état ne s’améliore pas, nous le référons à l’hôpital pour une évaluation par un médecin spécialiste », confie un médecin expérimenté.
D’après les explications du médecin, un formulaire doit être rempli, lequel est ensuite remis au patient afin qu’il se rende dans un centre de santé où la prise de sang est possible. « Mais pour ceux qui ont une mobilité réduite ou qui sont alités, le ministère dispose d’une caravane qui se rend chez les patients pour effectuer la prise de sang de même que des pansements lorsque c’est nécessaire », confie-t-il.
Les contraintes
Notre intervenant ne cache toutefois pas que la prise de sang ne se fait pas toujours de manière systématique. « Li vinn lor dimounn la, ena pa kontan pik zot. Nou pa donn zot papie lerla. Si nous constatons que son état se détériore, nous faisons une recommandation écrite pour qu’il consulte un médecin à l’hôpital. Mais une fois encore, ça reste volontaire. C'est-à-dire que le patient peut choisir de s’y rendre, ou pas », dit-il.
Un autre médecin déplore que le formulaire à remplir pour effectuer une prise de sang, par exemple, n’a pas évolué, contrairement au formulaire disponible dans les hôpitaux, jugé « beaucoup plus simple ». « Pour un bilan sanguin normal, il nous faut remplir au minimum deux formulaires, un regroupant le test pour le cholestérol et le cœur et un autre pour le diabète, par exemple. Sur chaque formulaire, il faut rédiger le nom du patient, le nom du médecin, le numéro de dossier et le test à effectuer, entre autres. Ce qui peut être un élément décourageant pour un médecin. Me, dan lopital, form la sinp, zis met ‘tick’ kot bizin, li fasil ek rapid pou ranpli lerla », dit-it.
Une doctoresse, pour sa part, met en avant les conditions difficiles dans lesquelles ses collègues et elle sont souvent amenés à travailler. « Nous sommes parfois appelés à nous rendre dans des régions connues pour être des ‘kartie so’. Qui plus est, nous n’arrivons pas à garer nos véhicules à proximité du domicile du patient. Parfwa nou bizin marse enn long distans pou al koz bann pasian. Ena bann kartie kit ena vander ladrog ou bann dimounn louss ki devisaz ou. Ou loto si kapav vandalize tou. Antan ki enn fam, ou fer pli vit ki ou kapav pou kapav sorti laba. Ou pa pou forseman anvi ranpli enn pake form », dit-elle.
Visite médicale à domicile
Offrir un service de proximité aux bénéficiaires
En plus des visites médicales à domicile, les médecins travaillant pour le compte du ministère de l’Intégration sociale ont diverses responsabilités, telles que siéger dans les boards médicaux pour ceux en quête d’une pension d’invalidité, entre autres.
Le Dr. H.P. effectue des visites médicales à domicile pour des patients dans diverses régions de l'île pour le compte du ministère de l'Intégration sociale depuis plus de 10 ans. Le service est principalement assuré par des médecins généralistes, bien que certains spécialistes en attente d'être embauchés dans le secteur public y participent, selon notre interlocuteur. Bien que ces visites ne semblent poser aucun problème au premier abord, certaines difficultés subsistent, telles que la recherche du domicile d'un patient lorsque le bénéficiaire n'a pas fourni d'adresse précise.
Notre interlocuteur déplore le défi auquel certains médecins sont parfois confrontés pour retrouver un patient. « Notre système postal est dépourvu de codes postaux ou ils ne sont pas utilisés, ce qui en fait un système archaïque avec des rues mal indiquées. Cela rend l'utilisation des applications de localisation inutiles », souligne-t-il. Dans certains cas, le numéro de contact fourni par les proches des bénéficiaires est incorrect ou personne ne répond aux appels.
Le Dr. H.P. explique que les visites médicales sont effectuées mensuellement chez les patients pour un suivi de leur santé physique, mentale, psychosociale, environnementale et spirituelle. Il précise qu'il n'y a pas de protocole défini par la Medical Unit, chaque médecin adoptant sa propre approche pour le bien-être du patient. L'accent est mis sur un suivi holistique.
Les médecins observent également l'environnement dans lequel les soins et autres besoins quotidiens des bénéficiaires sont dispensés afin de détecter toute forme de négligence ou d'abus, qui doivent être signalés au ministère de tutelle conformément à la loi.
Les médecins à domicile sont également chargés de traiter les problèmes de santé aigus lors des visites et de renouveler les prescriptions de médicaments pour les pathologies chroniques. Ils agissent également en tant que référents lorsque les bénéficiaires ont besoin d'examens plus approfondis à l'hôpital. Un ancien responsable de ce service, qui a préféré ne pas être cité, ajoute que les médecins ne disposent que d'équipements de base lors de ces visites.
En outre, les médecins à domicile sont responsables de la soumission de demandes d'assistance financière pour des produits tels que les couches ou les chaises roulantes, l'obtention de cannes ou de déambulateurs, le recours à des infirmiers à domicile pour le pansement des plaies, l'intervention de kinésithérapeutes pour les personnes de plus de 90 ans, ainsi que la réalisation de prises de sang en vue d'un suivi plus précis des conditions chroniques, entre autres.
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