Maurice fait face à une menace de sécheresse prolongée due aux cycles climatiques globaux, prévient Vassen Kauppaymuthoo. L’océanographe appelle à une meilleure gestion des ressources en eau pour éviter une crise environnementale, économique et sociale dans les années à venir.
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Le changement climatique est souvent perçu à travers un prisme local, mais les recherches océanographiques récentes ont permis de comprendre l’ampleur des cycles climatiques globaux, explique Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement. Des phénomènes comme El Niño et La Niña, dans le Pacifique, ainsi que le dipôle de l’océan Indien, influencent significativement les régimes de précipitations à l’échelle mondiale, ajoute-t-il.
« Là où l’eau est froide, il y a moins d’évaporation, ce qui engendre des périodes de sécheresse. Ce phénomène est également présent dans l’océan Indien, avec une partie chaude qui entraîne plus de pluies, et une partie froide qui favorise la sécheresse », précise-t-il.
Nous sommes actuellement dans une phase de La Niña, accompagnée d’un inversement du dipôle de l’océan Indien, selon Vassen Kauppaymuthoo. Cette situation favorise les inondations en Australie et en Indonésie, tout en augmentant le risque de sécheresse prolongée dans notre région. « Si ce cycle persiste, nous pourrions connaître une sécheresse plus sévère que celles de 2022 et 2023 », prévient-il.
Il estime que Maurice n’est pas suffisamment préparé pour faire face à ce défi. « Nous réagissons toujours dans l’urgence, en mode ‘fire fighting’. Dès qu’il pleut, le problème est mis de côté, au lieu de mettre en place des solutions durables », déplore l’océanographe. Il regrette également le manque de planification à long terme dans la gestion de l’eau, malgré quelques initiatives comme le remplacement des vieux tuyaux de distribution.
Une grande quantité d’eau est perdue en mer lors des fortes pluies, faute de réservoirs suffisants pour la stocker. « Nous devons anticiper les effets du changement climatique, notamment les sécheresses qui pourraient durer jusqu’à quatre ans », insiste-t-il.
Le développement immobilier est un autre sujet de préoccupation pour l’expert. « Même dans les régions où l’approvisionnement en eau est insuffisant, les permis de développement continuent d’être délivrés. Cela aggrave la rareté de l’eau », constate-t-il, en citant la région de l’ouest comme exemple. Il ajoute que certaines familles se sont retrouvées sans eau du robinet pendant deux semaines, une situation « inacceptable en 2024 ». Elles ont dû faire appel à des camion citernes pour les approvisionner en eau.
Pour Vassen Kauppaymuthoo, la gestion de l’eau est un enjeu majeur pour Maurice, non seulement sur le plan environnemental, mais aussi économique et social. « La pénurie d’eau peut entraîner des tensions sociales importantes », avertit-il, tout en soulignant que les grands cycles océaniques, comme ceux liés au dipôle de l’océan Indien, doivent être pris en compte dans les prévisions climatiques.
Les solutions possibles face au changement climatique
La pluviométrie a diminué de 8 % ces dernières décennies, bien que Maurice reçoive en moyenne près de deux mètres de pluie chaque année, selon Vassen Kauppaymuthoo. Pourtant, une grande partie de cette eau finit dans la mer, s’infiltre dans les nappes phréatiques, ou s’évapore.
L’océanographe déplore la surexploitation des nappes phréatiques, qui représentent 70 % de l’approvisionnement en eau potable à Maurice. « En période de sécheresse, le niveau des nappes phréatiques baisse inévitablement, créant une instabilité géologique », explique-t-il.
S’il est difficile de limiter l’évaporation des réserves d’eau, des mesures doivent être prises pour retenir l’eau de pluie. L’océanographe propose la construction de barrages et de bassins de rétention, ainsi que l’installation de systèmes de récupération des eaux de pluie sur les maisons. « Il est temps de casser le monopole de la Central Water Authority (CWA) et de promouvoir le stockage décentralisé avec de petits réservoirs dans certaines régions », préconise-t-il. Cela permettrait de mieux gérer l’eau en période de sécheresse et de réduire les pertes en eau.
Vassen Kauppaymuthoo évoque également le dessalement de l’eau de mer comme solution d’urgence, bien qu’il reconnaisse les impacts environnementaux négatifs de cette technique en raison des rejets salins. Toutefois, en temps de crise, des unités mobiles de dessalement pourraient être utiles, selon lui.
Il regrette qu’en dépit du développement du pays, de nouveaux réservoirs n’aient pas été construits en nombre suffisant et que le réseau de distribution continue de souffrir de fuites. « Nous ne pouvons pas, chaque année, compter uniquement sur les pluies pour pallier les sécheresses », prévient-il.
Afin d’essayer d’atténuer le problème récurrent du manque d’eau en période de sécheresse, Vassen Kauppaymuthoo recommande une vaste campagne de sensibilisation pour encourager une utilisation rationnelle de l’eau et réduire le gaspillage.
Pluviométrie inférieure à la moyenne pour les prochains mois
Août 2024 s’est ajouté à la liste des mois les plus secs de ces 20 dernières années, confirmant ainsi une tendance inquiétante. Avec seulement 61 mm de pluie enregistrés, soit 56 % en dessous de la moyenne habituelle, l’île fait face à un déficit hydrique significatif, selon les Mauritius Meteorological Services (MMS).
La première quinzaine de septembre n’a pas apporté d’amélioration notable, avec un déficit de précipitations encore plus marqué. La région ouest a même connu une période totalement sèche, tandis que la région nord n’a enregistré que quelques millimètres de pluie, d’après les MMS.
Bien que les conditions de La Niña devraient s’installer d’ici octobre, les autres indices climatiques ne devraient pas apporter de répit, ajoutent les MMS. Les températures de surface de la mer devraient rester supérieures à la normale, tandis que les anomalies de pression devraient être proches de la normale.
Malgré des prévisions statistiques suggérant une tendance normale pour les précipitations, les prévisions cumulées pour la période de septembre à novembre 2024 ont été révisées à la baisse comme suit :
- Septembre : précipitations inférieures à la normale (environ 60 mm)
- Octobre : précipitations inférieures à la normale (environ 55 mm)
- Novembre : précipitations inférieures à la normale (environ 60 mm)
Source : Mauritius Meteorological Services
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