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Sans salaire depuis le mois de décembre ? Un compromis qui désavantage un groupe de travailleurs indiens

Ils ont les larmes aux yeux. Ces jeunes ont quitté leur pays pour gagner leur vie à Maurice, mais se retrouvent sans salaires depuis décembre. N’ont-ils pas respecté leurs conditions de travail ou ont-ils été mal informés ? Un compromis passé avec leur employeur serait à l’origine de cette situation. Ils se disent exploités.

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Décembre dernier. Un agent recruteur fait venir ces travailleurs indiens (machinistes) pour une usine textile. Elle devait se rendre compte que seuls trois des 33 travailleurs étaient des machinistes. La direction demande à l’agent recruteur de les renvoyer dans leur pays. Toutefois, pour ne pas briser le rêve de ces immigrés qui se sont endettés pour venir à Maurice, l’agent conclut un compromis avec la direction et lui demande d’embaucher les 30 autres travailleurs pour les former. La direction accepte et un accord est passé en présence d’un officier du ministère du Travail. Des conditions étaient attachées à cet accord, comme l’explique l’agent recruteur à notre rédaction.

Selon ces conditions, les personnes formées – durant trois mois - ne toucheraient qu’une allocation pour couvrir leurs dépenses, soit Rs 2 000. Ils ne recevraient donc pas de salaire contrairement aux trois machinistes qualifiés. Ces trois ouvriers toucheraient, eux, un salaire de base de Rs 5 250, plus leurs heures supplémentaires.

« C’est de là que vient le malentendu », précise l’agent. Quand vient l’heure de la paye, les 30 Indiens en formation refusent de prendre les Rs 2 000 et exigent un salaire comme les trois ouvriers qualifiés. La direction refuse et les ouvriers se sentant lésés entament une grève.

Solidarité

Qu’en est-il des trois machinistes qualifiés ? Pourquoi n’ont-ils pas touché leur salaire ? « Je crois savoir qu’ils ont débarqué à Maurice après le 21 décembre, après la fermeture des comptes… », explique l’agent. Soit. Mais quid du mois de janvier ? « Cela concerne la direction de l’usine », nous répond-il.

La rédaction d’Xplik ou K a appelé le patron de l’usine. Il confirme les propos de l’agent et ajoute qu’il était disposé à verser leur dû aux machinistes (le 10 février). Pourquoi attendre si longtemps pour les rémunérer ? Réponse : « Les machinistes exigeaient une fiche de paie. Ils ne voulaient pas toucher leur argent sans » rétorque le patron.

L’employeur devait nous déclarer qu’il ne formerait plus les 30 ouvriers indiens. « Je vais demander à leur agent de les renvoyer dans leur pays. Il y a un document signé entre nous, selon lequel c’est à lui de prendre la responsabilité de régler les billets d’avion de ces travailleurs. » Va-t-il renvoyer les trois machinistes qualifiés ? « Probablement, parce qu’ils sont solidaires de leurs 30 camarades », répond le patron.

«On nous insulte, on veut nous frapper»

Ram Awadh Yadav, 27 ans, est originaire de Lucknow. Il souhaite être transféré, avec ses camarades, dans une autre usine. « Nous ne voulons plus travailler pour cette usine, où l’on nous injurie, où l’on menace de nous frapper », déclare-t-il.

Hélas, les lois mauriciennes n’autorisent pas ce transfert. Si les ouvriers ne veulent pas travailler pour l’usine qui les  a fait venir pour les employer, ils doivent rentrer chez eux, précise leur agent.

Ram Yadav allègue que ses camarades et lui sont honteusement exploités depuis leur arrivée. « Nous sommes arrivés en quatre groupes, entre le 5 et 25 décembre 2016. Moi, j’ai débarqué le 13. J’ai pris le travail le lendemain. D’abord, nous avons travaillé de 7 h 30 à 23 h, et même jusqu’à minuit. Cela, sept jours sur sept. Les dimanches, nous travaillions jusqu’à 17 heures », s’insurge-t-il. « De quelle formation parle-t-on ? Mes camarades transportent de lourds cartons à longueur de journée, d’un étage à l’autre. C’est très pénible », ajoute-t-il.


« Pas de cuisine au contrat »

Les 33 Indiens sont logés à Saint-Pierre, Moka. Ils dénoncent l’insalubrité des lieux. « Il faut voir l’état de la cuisine, infestée de rats. Quand nous avons réclamé une cuisine digne de ce nom, la direction réplique que la cuisine ne figurait pas dans notre contrat », relate Anil Kumar Jaiswal, 28 ans, machiniste.
Interrogé par notre rédaction sur ses responsabilités, l’agent réplique que son rôle consiste à faire venir les travailleurs. « Une fois qu’ils sont placés dans leur usine, ma tâche s’arrête. Toutefois, sur un plan humanitaire, je reste en contact avec eux. Ils peuvent m’appeler s’ils ont des problèmes. La fois passée, ils se plaignaient de ne manger que du riz et du bouillon trois jours de suite. Je suis intervenu en leur faveur », nous assure-t-il.

Les travailleurs sont-ils prêts à rentrer en Inde ? « Oui, à condition qu’on nous rembourse les frais (dettes contractées) investis pour venir ici », répondent Ram Yadav et Anil Jaiswal.

Contacté par la rédaction, le ministère du Travail se dit au courant de ce dossier. Il précise que des inspecteurs seront dépêchés sur les lieux cette semaine.

 

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