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Sanita Juddoo, présidente d’En Avant Moris : «Il faut briser le syndrome du plafond de verre»

Sanita Juddoo est la présidente d’En Avant Moris.

Ancienne membre du MMM ayant brigué la partielle au n°18, Sanita Juddoo est aujourd’hui la présidente d’En Avant Moris. Elle regrette que la femme ne joue qu’un rôle à la périphérie de la politique active. Pour elle, on ne peut plus attendre que les leaders des partis politiques, des hommes pour la plupart, choisissent d’adopter la parité.

Son baptême du feu, elle le fait lors de la partielle au n°18, Belle-Rose/Quatre-Bornes. Bardée de diplômes (voir plus loin), Sanita Juddoo est candidate pour le MMM. « Cette expérience a été très enrichissante et je serais toujours reconnaissante au parti de m’avoir offert cette opportunité », confie Sanita Juddoo.

Toutefois, sa défaite précipite son départ des mauves, surtout face aux agissements de ceux qui étaient contre son investiture. Elle confie avoir eu le sentiment d’être un bouc émissaire. Pourtant, précise-t-elle, c’était la prérogative du parti de lui donner ou non une investiture. « À l’opposé de ceux qui aiment se pavaner avec une lettre de démission en poche ou faire des conférences de presse fracassantes, j’ai préféré me retirer tranquillement après une rencontre franche et cordiale avec le leader du parti, sans rancune ni amertume », se souvient-elle. 

Il faut changer la mentalité des politiciens, mais aussi et surtout des votants»

Les années suivantes, Sanita Juddoo complète un Executive Master en gestion. Parallèlement, elle rejoint En Avant Moris mené par Patrick Belcourt, et en devient la présidente. Elle estime qu’il est possible, dans un jeune parti, de faire avancer les choses sans les contraintes structurelles notamment des partis traditionnels. « Il était également impératif d’élargir ce paysage politique en offrant d’autres perspectives et des alternatives », souligne-t-elle. 

« Lil Moris Pou Nou Tou » et « Arrêter avec Fanatisme Politique » ne sont pas des slogans creux, affirme Sanita Juddoo : « Avec une superbe équipe de professionnels et d’activistes dévoués, nous avons une belle vision pour notre pays, tout en prônant une politique d’inclusion et de proximité. »

Que pense-t-elle d’un quota pour la représentation des femmes à l’Assemblée nationale ? « Il faut briser le syndrome du plafond de verre », répond-elle. Elle rappelle que la population féminine à Maurice comptait pour 50,7 % en 2020, selon les chiffres les plus récents de la Banque mondiale. Donc, pour elle, la femme a son mot à dire et doit à tout prix être représentée. « Les femmes courent le plus grand risque de pauvreté et de violence. Qui peut mieux les représenter qu’elles-mêmes. Sinon, le point de vue de plus de la moitié de la population mauricienne est bafoué. »

S’appesantissant sur la sous-représentation des femmes en politique, elle explique que c’est un univers masculin où la femme ne joue qu’un rôle à la périphérie de la politique active. « Il faut changer la mentalité des politiciens, mais aussi et surtout des votants. Les uns n’incluent pas les femmes sur la liste électorale et les autres ne font pas confiance aux femmes pour occuper des fonctions décisionnelles », constate la politicienne. 
Si on attend que les partis politiques, actuellement dirigés pour la plupart par des hommes, décident par eux-mêmes d’adopter la parité, cela pourrait prendre très longtemps. « Beaucoup parlent de donner plus d’investitures aux femmes, mais très peu sont enclins à joindre le geste à la parole, surtout à la veille des élections où la pression monte, ainsi que les enchères. D’où l’argument pour un quota », fait comprendre Sanita Juddoo.

Beaucoup parlent de donner plus d’investitures aux femmes, mais très peu sont enclins à joindre le geste à la parole, surtout à la veille des élections»

Concrètement, quels sont les changements qu’apporterait l’imposition d’un quota ? Elle souligne la perception féminine dans plusieurs domaines : l’égalité salariale, la conciliation famille-travail, la fertilité, la parité homme-femme, le chômage et le temps partiel ainsi que la pauvreté. « Comment un pays peut-il exploiter pleinement son potentiel s’il fait abstraction de la moitié de sa population, la marginalise ou n’investit pas dans son capital humain ? » s’interroge Sanita Juddoo.

Quelles sont, selon elle, les compétences requises des femmes candidates aux législatives ? Pour Sanita Juddoo, il faut dépasser les bornes partisanes. « A-t-on déjà vu les femmes parlementaires de tout bord se rencontrer pour discuter de thèmes transversaux ? Il faut dépasser les clivages politiques pour faire pression sur les chefs de parti », insiste-t-elle. 

Parlant des femmes qui ont marqué l’histoire politique de Maurice, Sanita Juddoo salue le courage et la ténacité de Radha Poonoosamy en tant que pionnière et première femme ministre. Elle cite aussi Vidula Nababsing qui, selon elle, était une oratrice qui n’avait pas froid aux yeux et qui militait avec une simplicité et une efficacité déconcertantes. « Shirin Aumeeruddy-Cziffra a été remarquable pour sa contribution dans les combats promouvant la protection de la femme et des enfants », ajoute-t-elle. 

Elle regrette cependant que beaucoup trop de femmes parlementaires maîtrisent peu leurs dossiers. « Faire écho à son leader ou renchérir sur un thème maintes fois débattu ne fera pas avancer les débats », martèle-t-elle. Elle insiste : « La politicienne doit travailler son dossier minutieusement. Ce n’est qu’ainsi qu’elle se fera respecter, accepter et écouter. »

Face au manque de maîtrise d’une candidate, Sanita Juddoo prévient que l’électorat n’est pas dupe. 

Les femmes courent le plus grand risque de pauvreté et de violence. Qui peut mieux les représenter qu’elles-mêmes»

« S’il se contente de juger la performance de certaines femmes et de généraliser, il risque de fermer la porte entrebâillée qui donnait l’occasion aux femmes de faire leur percée dans le monde politique et décisionnel. »

De ce fait, Sanita Juddoo pense que les femmes candidates doivent être des battantes qui se préoccupent plus de la situation dans le pays que de leur éventuelle élection dans leurs circonscriptions respectives. C’est un mal dont souffrent également les hommes politiciens. « Nous avons donc besoin de femmes intègres qui campent sur leurs positions et qui ne vont pas céder à la flatterie ni à la corruption. » 

Et quelles devraient être les priorités des candidates aux législatives ? L’encadrement des jeunes pour qu’ils ne sombrent pas dans l’enfer de la drogue, le soutien aux mères célibataires et aux victimes de la violence domestique… répond Sanita Juddoo. « Le congé parental, le droit des femmes à disposer de leur corps, entre autres. Il faut défendre les sans-voix sur une multitude de sujets qui interpellent », ajoute-t-elle.

L’heure du changement est-elle arrivée ? « Oui, l’heure est au changement pour un meilleur avenir au pays. » Mais ce combat pour un quota n’est-il pas un énième coup d’épée dans l’eau ? « Quand on veut, on peut ! Prenons par exemple le droit de vote qui a été un long combat ayant finalement abouti. Donc, pourquoi pas le combat pour un quota ? » 

Pourtant, les freins à une participation active des femmes en politique sont nombreux. « L’attaque désobligeante contre la personne et non un combat d’idées est une chose qui a empiré depuis l’ampleur des réseaux sociaux où c’est très facile de se cacher derrière un écran pour proférer des insultes et des attaques bêtes et lâches », concède-t-elle. 

C’est pourquoi elle conseille aux femmes qui souhaitent faire de la politique de refuser les attaques personnelles et de se concentrer sur leurs idées pour une meilleure île Maurice. « Documentez-vous intensivement sur les thèmes qui vous tiennent à cœur. Et ne vous laissez pas déstabilisées par les injures, les critiques acerbes, etc. » 

L’objectif, insiste-t-elle, est de faire changer la société sans attendre quoi que ce soit en retour. De se donner à fond pendant le mandat, sans se préoccuper de l’après-mandat. Sanita Juddoo cite Gloria Steinem, écrivaine, conférencière, militante politique et organisatrice féministe : « L’histoire de la lutte des femmes pour l’égalité n’appartient pas qu’à une seule féministe ou une seule organisation, mais s’inscrit dans l’effort collectif de tous ceux qui se soucient des droits humains. »

 

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