L’affaire Dip et la décision du DPP ; le dossier Franklin et la chute de Maurice au classement de la perception de la corruption : ce sont les thèmes abordés dans l’émission Au cœur de l’info sur Radio Plus, le vendredi 3 février 2023. Les avocats Roshi Bhadain et Samad Golamaully étaient les invités de Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul.
La démarche du Directeur des poursuites publiques (DPP) de demander une révision judiciaire de la décision de la Commission de pourvoi en grâce de commuer la sentence de 12 mois de prison - infligée à Chandra Prakashsing Dip - en une amende de Rs 100 000 est qualifiée d’inédite par Roshi Bhadain et Samad Golamaully. Ce dernier se demande toutefois si le bureau du DPP a le ‘locus standi’, soit la capacité de faire une telle demande. « La cour devra venir statuer dessus », dit l’avocat. Aussi, il est d’avis que si Chandra Prakashsing Dip se retrouve sous les feux des projecteurs, c’est parce qu’il est le fils du Commissaire de police. « Il ne faut pas non plus faire comme si c’est la première fois qu’une grâce a été accordée à quelqu’un. Dans le passé, des trafiquants de drogue, voire des violeurs, en ont bénéficié ou alors ont bénéficié d’une réduction de peine », dit Me Golamaully.
Roshi Bhadain souligne, pour sa part, que le bureau du DPP demande une révision judiciaire et non un appel de la décision de la Commission de pourvoi en grâce. « Cette décision était-elle rationnelle et en conformité avec la loi ? C’est dessus que le DPP demande à la Cour suprême de trancher », dit-il. Cette affaire, selon le leader du Reform Party, est « plus qu’embarrassante ».
Si Chandra Prakashsing Dip a bénéficié de la grâce présidentielle, il fait désormais l’objet d’une charge formelle de la Commission anticorruption (Icac) devant la Financial Crimes Division pour blanchiment d’argent. « La question qu’on se pose aujourd'hui : est-ce qu’un individu peut être gracié s’il fait l’objet de poursuites et s’il peut potentiellement être reconnu coupable ? Si c’est le cas, ce serait [un coup] pour la Commission », a soutenu l’avocat.
Par ailleurs, la perte de 4 points pour Maurice sur l’indice de la perception de la corruption de Transparency International, chutant ainsi à la 57e place, a aussi été commentée. Roshi Bhadain parle d’une « dégradation » des institutions. « Nous sommes passés de la 40e place en 2002 à la 57e place en 2022. Clairement, des choses ne tournent pas rond. Nous devenons de plus en plus corrompus », déclare Roshi Bhadain.
Me Golamaully a abondé dans le même sens. « Ce n’est pas bien que nous soyons mal vus sur le plan global et que nous soyons mis dans le même bateau que certains pays africains où la corruption et le népotisme règnent. Kan ena rating koumsa, li pa zoli », dit-il. Il fait ressortir que dans les cas cités par Transparency International pour justifier le classement accordé à Maurice (ndlr. l’affaire Kistnen, notamment), aucun jugement n’a encore été rendu.
Dans le cas de Jean Hubert Célérine, alias Franklin, condamné par la cour correctionnelle de St-Denis (La Réunion) en juillet 2021, Roshi Bhadain a fustigé « le manque de collaboration des autorités mauriciennes », comme souligné par cette instance réunionnaise dans son jugement. « Il y a un problème grave avec les institutions mauriciennes (…) Il faut savoir pourquoi ces autorités n’ont-elles pas réagi malgré ce jugement », dit-il.
Sur ce sujet, l’avocat Samad Golamaully rejoint son confrère, en estimant que cette affaire se révèle « embarrassante » pour le pays. « Il ne faut pas que notre pays devienne une plaque tournante pour le trafic de drogue », dit-il. Et d’ajouter : « Il semble que cette affaire ait été mise dans un tiroir ».
Selon l’avocat, les autorités mauriciennes auraient dû être au courant. « Pena dout ki lotorite morisienn ti bizin o kouran », dit-il. Pour Me Golamaully, s’il y a une demande d’extradition de Franklin des autorités réunionnaises, Maurice devrait la respecter. « Lerla bizin gete ki pann marse. Il ne faut pas faire un procès [de cette affaire] dès maintenant et venir dire que le Premier ministre est à blâmer », considère-t-il.
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