À l’ère de la technologie, le smartphone est le « must-have » et être inscrit aux réseaux sociaux, c’est la norme pour les jeunes. Au départ, tout est beau, puis les problèmes s'enchainent. L’addiction aux portables finit par devenir toxique, avec de nombreuses répercussions sur la santé mentale.
Un like ici, un commentaire par là…de quoi booster l’égo des jeunes qui dépendent des smartphones et qui sont accros aux réseaux sociaux. Un phénomène qui concerne également les enfants. En effet, ils sont nombreux, dès 10 ans, à être inscrits sur TikTok, Instagram, Facebook et autres. Si certains ont la permission de leurs parents, d’autres, en revanche, se cachent derrière de faux profils.
Au fil du temps, de nombreux jeunes finissent par s’enfermer dans une bulle virtuelle, inconscients des multiples dangers qui les guettent. En effet, ils deviennent des proies faciles de cyberharcèlement et pédopornographie, entre autres. Leur santé mentale est affectée et les conséquences sont graves, car les jeunes qui n’arrivent pas à se confier finissent par se suicider.
Anastasie : « C’était comme une relation toxique »
Chaque jour, Anastasie* (prénom modifié) âgée d’une vingtaine d’années, publiait des photos et des vidéos de ce qu’elle faisait et de ce qu’elle mangeait, entre autres. Bref, elle était accro aux plateformes sociales. Puis, à cause de la négativité, la jalousie et de la toxicité qui y règnent, elle a choisi de désactiver ses comptes sur les réseaux sociaux. Elle a décidé de témoigner sous le couvert de l’anonymat afin de ne pas raviver les sentiments négatifs qui ont impacté sur sa santé mentale, car cela lui a pris des mois pour se remettre sur pied.
« Je suis dans mon monde et loin des regards. Je ne veux plus être la cible des individus qui veulent me nuire. J’étais très active sur les réseaux sociaux jusqu’au jour où j’ai réalisé que cela devenait néfaste. C’était comme une relation toxique. Je me faisais du tort sans le savoir et c’est pourquoi j’ai fait le choix de m’en éloigner », confie-t-elle. Au début, dit-elle, on pense avoir des amis sur les réseaux sociaux, mais au final ce n’est qu’un leurre.
Aujourd’hui, avec beaucoup de recul, Anastasie fait ressortir que la vie ne s’arrête pas aux réseaux sociaux. « \Certes, tout me parait plus intéressant à cette époque. Mais à quoi bon si des personnes font des commentaires susceptibles d’impacter votre estime de soi et vous faire sombrer dans la déprime ? », se demande-t-elle.
« Les critiques n’allaient pas dicter ma vie », confie une tiktokeuse
Rushika Gheerawo est une étudiante en communication. Elle s’est inscrite sur Facebook depuis l’âge de 14 ans et elle a aussi un compte sur Instagram. En décembre 2019, elle a créé un profil sur TikTok. « Ce sont mes camarades qui étaient déjà sur ces plateformes qui m’ont encouragé à me connecter sur les différentes applications », explique notre interlocutrice. Elle a commencé comme « viewer » sur TikTok, puis a fait le choix de devenir « content creator ». « Je le fais surtout pour le plaisir. Je réalise des vidéos pour le divertissement et pour faire découvrir des endroits à visiter, des plats à manger ou encore des vêtements », indique la jeune femme.
Vu qu’elle est très active sur la plateforme, elle est sujette à des critiques. Toutefois, au lieu de se laisser tirer vers le bas, elle a décidé de réagir. « J’étais très fatiguée, mais j’ai décidé que les critiques n’allaient pas dicter ma vie. Je me suis demandé si je travaillais sur mes contenus pour l’appréciation des autres ou bien pour mon plaisir. C’est à partir de là que j’ai compris que c’est mon opinion qui compte le plus », souligne la tiktokeuse qui continue à tracer sa voie en toute sérénité.
La santé mentale d’Ameegah Paul impactée
Ameegah Paul, âgée de 24 ans, est happiness coach, health mentor et formatrice certifiée. De par son handicap, elle confie être souvent victime de cyberharcèlement à cause de son handicap. Elle a failli sombrer dans la dépression à cause des commentaires malveillants des utilisateurs qui pleuvaient à chaque fois qu’elle postait une photo ou une vidéo sur TikTok. Cependant, elle fait tout un travail sur elle pour remonter la pente.
« Je suis sur les réseaux sociaux depuis 2016, mais je suis harcelée fréquemment vu que je suis en situation de handicap. À chaque fois que je publie une photo ou une vidéo, je m’attire la foudre de certains utilisateurs qui postent des commentaires négatifs pour me casser. On me dit que je suis handicapée et que je ne peux pas faire ce genre de choses », raconte-t-elle.
Il y a quelques mois de cela, quelqu’un a piraté sa page Facebook. « La personne a commencé à publier des photos indécentes, ce qui m’a valu une centaine de messages déplacés, ainsi que des vidéos osées. Toute une journée, mon téléphone vibrait. Les internautes qui pensaient que j’étais à l’origine de ces posts sur ma page se croyaient permis de m’envoyer des contenus osés. Cela m’a beaucoup stressé et j’ai commencé à sombrer dans la dépression », poursuit notre interlocutrice.
Sa santé mentale a été impactée. « Souvent, je broyais du noir et j’avais des pensées négatives. Heureusement que j’ai eu le soutien nécessaire pour m’en sortir. J’ai une pensée pour les personnes qui passent par la même chose, mais qui n’ont pas de soutien », conclut-elle.
Marie* (prénom modifié) est la mère d’un garçon de 10 ans qui a un compte sur TikTok. Elle dit prendre toutes les précautions pour le protéger. « Je l'ai inscrit moi-même pendant le confinement pour qu’il puisse se divertir. Toutefois, je surveille de très près tout ce qu’il fait et publie. Je le contrôle pour qu’il ne soit pas accro comme moi qui passe beaucoup de temps sur cette application », raconte la quadragénaire.
N’a-t-elle pas peur d’exposer son enfant à tous types de contenus ? Elle avoue être consciente que son fils peut tomber sur de bonnes comme de mauvaises choses. « Je lui ai expliqué qu’il y a des contenus sur lesquels il ne faut pas s’attarder. D’ailleurs, je reste avec lui quand il va sur TikTok », déclare notre interlocutrice.
Ibrahim Koodoruth : « Les jeunes ne peuvent plus vivre dans le monde réel »
Selon le sociologue Ibrahim Koodoruth, nous vivons dans un monde qui fait la promotion pour une société et une économie digitale. « C’est cela la tendance. Les jeunes sont hyper connectés et se servent de la technologie. Dans toutes les sociétés qui souhaitent se moderniser, des jeunes créent une dépendance extraordinaire aux réseaux sociaux », indique-t-il. Toutefois, il y a aussi des choses positives.
« Les jeunes apprennent des choses, jouent et partagent et il y a une sensation de bien-être qui en ressort. On ne peut pas parler de négativité uniquement », pense le sociologue. Il fait remarquer que même l’éducation est digitalisée avec les cours en ligne.
Ibrahim Koodoruth est d’avis que les choses deviennent dangereuses quand les jeunes commencent à vivre en ligne. Ils se renferment dans une bulle et sont déconnectés de la réalité. « Ils perdent leur savoir-faire comme parler avec des gens et vivre en société et oublient les bonnes manières. Bref, ils perdent leurs repères et ne peuvent plus vivre dans le monde réel, préférant leur bulle. Le pire est quand cela devient une addiction », ajoute-t-il.
Selon lui, la situation peut s’empirer davantage quand il est question d’échange de photos et vidéos nues, entre autres. « Il y a de nombreux dangers qui guettent les jeunes sur les réseaux sociaux, notamment du trafic de drogue. C’est pourquoi il faut savoir comment s’en servir », conseille-t-il.
Pour un meilleur encadrement des parents
Rita Venkatasawmy, l’Ombudsperson for Children, est d’avis que l’éducation est importante pour une utilisation judicieuse des réseaux sociaux. « Les parents doivent éduquer les enfants, malheureusement, force est de constater que ces derniers se retrouvent livrés à eux-mêmes trop souvent. Les parents doivent réaliser qu’il ne suffit pas de nourrir ou habiller leurs enfants. Ils ont aussi besoin de stabilité au sein de la famille pour s’épanouir positivement », déclare-t-elle. Plaidant pour une éducation dans le sens large du terme et qui prend en compte l’aspect sexuel, elle souligne que la pression des pairs a un grand impact. « Dans certains cas, il y a le bon côté, mais dans d’autres cas, des pairs tirent leurs amis vers le bas. d’où l’importance d’un bon encadrement des parents », préconise-t-elle.
Didier Sam Fat : « Les réseaux sociaux deviennent quasiment une drogue »
Le consultant en cybersécurité, le Dr Didier Sam Fat confirme que les réseaux sociaux comportent des risques. « Ils ont été conçus de façon à générer la dopamine qui est l’hormone du plaisir afin de capter l’attention des adultes comme les mineurs. L’être humain, étant de nature curieuse, reste plus longtemps sur les réseaux sociaux. Le danger principal vient de là. Les réseaux sociaux deviennent quasiment une drogue, étant conçus pour que les personnes deviennent accros. Une fois pris au piège, on ne peut plus s’en sortir », fait-il remarquer.
Il recommande aux jeunes de ne pas rendre toutes leurs publications publiques et de poster le minimum d’informations. « Il faut faire attention aux demandes d’amis et aux followers et être sur ses gardes, car, parfois il peut s’agir de faux profils. S’il n’y a pas de contrôle, ces personnes peuvent avoir accès aux contenus et les utiliser à des fins négatives », affirme-t-il.
Le Dr Didier Sam Fat estime qu’il faut renforcer la Cybercrime Unit pour qu’il y ait des procédures express dans les cas où les mineurs sont victimes. Dans les cas de « bullying », il conseille de bloquer les personnes mal intentionnées et même fermer le compte des réseaux sociaux.
« Je suis de la génération où l’informatique était pour servir l’humanité. Aujourd’hui les réseaux sociaux viennent asservir l’humanité », conclut-il.
Les conseils du consultant en cybersécurité :
- Mettre une double vérification, car le « log in » et le mot de passe ne suffisent pas.
- Ne mettre aucune donnée personnelle et sensible, car les réseaux sociaux sont une fenêtre numérique sur la vie privée qu’il faut absolument protéger.
- Les parents doivent avoir un contrôle s’il s’agit de mineurs.
- Ne pas sous-estimer les publications. Quand les recruteurs vérifient les publications des postulants sur les réseaux sociaux, cela peut jouer en leur défaveur s’il y a quelque chose de compromettant.
Pour protéger sa santé mentale, il faut revoir les paramètres
Âgée de 22 ans, Chayanka Chand, une habitante de Floréal, est aussi une adepte des réseaux sociaux. « Depuis l’âge de 15 ans environ, je suis passionnée par la photographie. J’aime faire des photos de moi et de ce que je fais. Je les publie ensuite sur Instagram. J’ai poursuivi avec des montages vidéos. Je suis aussi sur Weverse, Snapchat et Facebook, entre autres, où je publie régulièrement des trucs. Parfois, j’ai des likes et des commentaires et parfois non. Toutefois, ce n’est pas cela qui me décourage », affirme-t-elle.
La jeune femme concède être quelque peu accro aux réseaux sociaux, mais pas « à l’extrême ». Elle confie : « Je dors avec mon portable. Je peux passer une heure sur les réseaux sociaux à défiler les différents contenus disponibles. J’aime bien regarder des vidéos coréennes sur la nourriture et les animaux ». Il lui arrive d’avoir peur de publier sur les réseaux sociaux, mais elle dit prendre diverses précautions pour protéger sa santé mentale. « Afin de ne pas essuyer des critiques qui puissent m’affecter moralement, je revois les paramètres et j’autorise seulement à mes amis de voir mes publications. C’est surtout pour me protéger, car il y a des personnes qui peuvent être très méchantes », lance-t-elle.
Les délits en hausse
Du côté de la Cybercrime Unit, on indique que les différents délits liés aux réseaux sociaux sont en hausse, avec en tête de liste la sextorsion et la pornodivulgation (« revenge porn »), indique le constable Sameer Khan Rosanally.
« Sur les plateformes comme Telegram, on retrouve surtout des contenus à caractère pornographique ou sexuel. Il y a aussi le phénomène du Revenge Porn qui gagne du terrain. Cela consiste à se venger d’une personne en rendant publics des contenus pornographiques où figure cette dernière, dans le but évident de l’humilier en dévoilant son intimité », explique-t-il.
Les délits sur les réseaux sociaux ne concernent pas forcément les adultes, mais aussi les étudiants, dont des adolescents. « On a eu des cas où les victimes ont 12 ans à monter, alors que les prédateurs ont la trentaine ou la quarantaine. Il est conseillé aux victimes de dénoncer tout acte malveillant. De plus, les jeunes doivent se montrer vigilants et ne pas partager des vidéos et photos intimes qui peuvent être enregistrées à leur insu, et ce, même quand il s’agit de son petit ami ou de sa copine », recommande l’officier de la cybercrime unit.
Il conseille aussi aux jeunes de ne pas être amis avec des inconnus sur des réseaux sociaux, car souvent derrière de faux profils, se cachent des personnes malintentionnées. Le constable ajoute qu’il est difficile de retirer des réseaux sociaux des contenus compromettants. « C’est avec beaucoup de difficulté qu’on peut faire une demande pour que TikTok ou Telegram enlève une vidéo. Ensuite, si celle-ci est enlevée, elle va continuer à circuler ayant été téléchargée par plusieurs personnes. Ainsi, le contenu restera toujours en ligne », fait-il ressortir.
Le constable recommande de ne pas ouvrir des liens suspects où on vous demande de mettre votre nom d’utilisateur et mot de passe, car il s’agit là d’un piège pour pirater votre compte et même vos données bancaires. Une fois la personne mal intentionnée a accès à votre compte, elle peut faire ce qu’elle veut.
Il existe des lois qui protègent les mineurs. Il s’agit du Cybersecurity and Cybercrime Act de 2021 et du Children’s Act de 2020 où plusieurs provisions ont été faites pour la protection des mineurs. « Avoir en sa possession une vidéo ou/et photos intimes d’un mineur est un délit », rappelle notre interlocuteur.
Questions à Kunal Naïk : « Il faut pouvoir passer 24 heures sans technologie une fois par mois »
L’utilisation des réseaux sociaux peut-elle devenir une addiction ?
Il est important de comprendre qu’il n’y a pas eu de consensus parmi les experts sur ce qui est une addiction. Dans le manuel de diagnostic par rapport à la santé mentale, on parle de Internet Gaming Disorder. On associe l’usage des réseaux sociaux aux jeux et l’accent est mis sur le comportement de la personne. L’enjeu réel, c’est que les personnes peuvent développer une dépendance à la technologie. L’internet est un espace social permettant aux personnes d’interagir. Or, elles sont exposées à toutes choses et à un moment donné, les internautes sont aptes à développer une dépendance à la technologie, mais surtout à ce qu’elle offre.
Comment la santé mentale est-elle affectée ?
C’est comme pour une personne qui consacre beaucoup de temps à parier. Les internautes qui passent beaucoup de temps en ligne ont tendance à négliger leur famille. Ainsi, les enfants, surtout les adolescents, développent un faible estime de soi ayant tendance à se comparer avec les autres. Il y a aussi le « body shaming », sans oublier les cyberharcèlements. C’est d’ailleurs un des dangers en ligne, car des personnes, sous le couvert de l’anonymat, peuvent dire ce qu’elles veulent, poster n’importe quoi et prendre pour cible d’autres jeunes en les stigmatisant par rapport à leurs habits, l’endroit où ils vivent, etc.
Le cyberharcèlement peut engendrer la dépression et amener à l’exclusion sociale où la personne perd ses repères. Dans ce cas, les conséquences peuvent devenir graves.
Quels sont les autres maux qui découlent d’une telle addiction ?
Il y a plusieurs problèmes qui peuvent surgir. Selon des experts, les personnes ont surtout un gros problème de gestion de temps. Elles passent des heures sur des applications comme TikTok, Instagram et Facebook qui envahissent leur vie et cela affecte le contrôle des impulsions. Ces individus deviennent impulsifs, veulent l’instant présent et la satisfaction immédiate. Celles qui n’ont pas la patience essayent de trouver des raccourcis et se retrouvent dans des situations difficiles.
Existe-t-il un portrait type des jeunes accros ?
Il n’y a pas de profile type. Une étude effectuée au Japon démontre que ceux qui sont accros ont tendance à se renfermer sur eux. Ils n’ont pas de compétences sociales et n’arrivent pas à interagir avec leur entourage. Ils sont discrets et se négligent physiquement. Bref, ils vivent dans un monde illusoire.
Quand est-ce que cette addiction devient toxique ?
Elle devient toxique quand les utilisateurs commencent à développer la peur d'une dysmorphie corporelle (« body dysmorphic disorder »). Ils ne sentent pas beaux et désirables. Comme je le disais plus haut, ces personnes, dont des jeunes, développent une mauvaise estime de soi. Ils finissent dans une relation toxique où les personnes finissent par les exploiter et cela devient encore plus nocif.
Comment les parents peuvent-ils s’assurer que leurs enfants ne deviennent pas dépendants ?
Les parents doivent faire de sorte d’avoir un contrôle sur le temps que passent leurs enfants en ligne. Il faut instaurer une certaine discipline comme les permettre d’utiliser leur portable selon des jours et heures définis. Bien sûr, il faut les expliquer les raisons derrière ces décisions afin qu’ils ne se sentent pas stigmatisés et mis de côté.
Si les parents veulent protéger leurs enfants, il faut adopter des mesures de réduction de risque, notamment mettre des règles spécifiques comme ne pas utiliser le portable une à deux heures avant l’heure de se coucher. À la place, il faut privilégier la lecture et se fixer l’objectif de passer au moins 24 heures sans technologie une fois par mois. Il est impératif de se déconnecter, sinon les personnes resteront dans le « mood » d’être hyperconnecté.
Ne faut-il pas inclure un âge minimum pour justement préserver la santé mentale ?
Il existe de nombreux « service providers », dont Google et autres plateformes qui ont mis un âge minimum de 13 ans. Les enfants n’ont pas le droit d’avoir un mail ou accéder aux réseaux sociaux avant cet âge.
De plus, les parents doivent avoir un droit de regard, superviser leurs enfants et les prévenir des dangers qui les guettent. Ils doivent accompagner les plus jeunes dans leur utilisation de la technologie. On ne peut pas interdire les jeunes de l’utiliser, mais on peut les entourer pour qu’ils soient protégés en ligne.
Quand la nomophobie prend le dessus
À chaque apparition d’un nouveau média, les interrogations sont nombreuses, comme cela a été le cas pour la radio, la télévision et le cinéma, entre autres. Tel est l’avis de Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer du département des médias et communications à l’Université de Maurice. « Toutes nouvelles formes de médias introduites ont été adoptées de manières rapides par les jeunes. Cela engendre une angoisse dans la société et les parents se posent des questions sur le phénomène d’addiction », dit-elle.
Selon elle, aujourd’hui, le portable est devenu presque un membre supplémentaire de notre anatomie. « Il est difficile de s’en détacher. Ainsi, le divertissement est partout, dans le bus, entre deux classes, etc. Cette addiction touche aussi les adultes, mais les jeunes sont plus vulnérables, pas tous évidemment, car il y en a qui sont équilibrés, épanouis et savent gérer leur vie. Ce sont surtout les jeunes sans notion de barrière et de priorités qui développent un comportement addictif. Certains dorment avec leur portable et souffrent de nomophobie. Ce terme désigne quelqu'un qui ne peut pas se passer de son téléphone portable et éprouve une peur excessive à l'idée d'en être séparé ou de ne pouvoir s'en servir », explique notre interlocutrice.
Avant tout, précise-t-elle, il s’agit de bien gérer son temps. Pour cela, il faut déterminer les priorités journalières et le temps à consacrer aux divertissements qui sont aussi importants. Elle plaide pour une société épanouie avec la responsabilisation des jeunes sans pour autant leur faire la morale, car cela risque de les braquer davantage. « Il faut leur faire comprendre qu’il faut mettre des frontières pour leur propre santé mentale. Ils ne se rendent pas compte qu’avoir les yeux rivés sur le portable peut être néfaste pour les yeux et ensuite le mental. Ils peuvent aussi tomber sur des contenus de mauvaise qualité, de la manipulation ou encore rechercher du plaisir à travers des vidéos pornographiques », soutient-elle.
Selon Christina Chan-Meetoo, certains jeunes sont devenus accros aux contenus pornographiques, ce qui peut causer des blocages par rapport à leur vie sociale et de couple. « Comme toute chose, il faut en consommer avec modération. Si les jeunes sont vulnérables, c’est parce que certains d’entre eux n’ont pas encore atteint la maturité en termes de raisonnement. Il y a aussi l’influence des pairs et la concurrence qui n’est pas basée sur une activité malsaine, entrainant un dérèglement et un comportement voyou », conclut notre interlocutrice.
Astrid Koenig : « Il faut limiter l’accès à des jeunes »
La psychologue, Astrid Koenig travaille pour l’Action for Integral Human Development (AIHD). Elle est aussi membre de Kolektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM). Elle concède que les réseaux sociaux peuvent effectivement devenir des addictions, tout en rappelant que les écrans en eux-mêmes sont déconseillés avant l'âge de trois ans, car ils nuisent au bon développement de l'enfant.
« Nous observons une génération de jeunes et d'adolescents de plus en plus connectés aux réseaux et déconnectés de leur environnement et des personnes qui les entourent. Aujourd'hui, avec l'éducation à distance, les jeunes sont amenés à passer parfois des heures quotidiennement sur leur portable et les réseaux sociaux. Ils ne peuvent plus s’en passer et souffrent d’une vraie sensation de manque lorsqu'ils en sont privés », soutient notre interlocutrice. Celle-ci fait remarquer que les adultes aussi peuvent être dépendants des réseaux sociaux, ce qui peut impacter sur plusieurs aspects de leur vie sociale, personnelle ou professionnelle.
Autant de raisons qui mettent à mal la santé mentale pour diverses raisons. Tout d’abord, selon la psychologue, les personnes cyberdépendantes sont plus à sujettes aux contenus inadaptés : pornographie et pédopornographie, violences, cyberintimidation, sextorsion, incitation à la maigreur ainsi que les filtres en tout genre qui modifient la perception qu'ont les personnes de la réalité. « Cela peut mener, dans de certains cas, à des états dépressifs, de la violence (commise et/ou subie), de la dysmorphophobie, troubles de l'alimentation et autres.»
Si les jeunes en particulier développent une addiction aux réseaux sociaux, c’est parce qu’ils sont en pleine construction de leur identité. La psychologue explique qu’ils sont en recherche d'appartenance. Ils sont souvent en opposition avec les adultes et leurs parents et ils pensent trouver ce sentiment d'appartenance au groupe au niveau des réseaux sociaux.
« Le cerveau humain n'est complètement développé que vers l'âge de 24 ans. Avant, le cortex préfrontal, zone responsable de la prise de décision et du jugement, n'est pas encore à maturation et les jeunes sont donc plus sujets aux addictions, sans réaliser pleinement l'aspect néfaste de ce qu'ils voient sur les réseaux sociaux et des conséquences que cela a sur leur santé », précise la psychologue.
Elle pense qu’il est donc primordial, à l'heure où les réseaux sociaux sont quasi-omniprésents, que les adultes responsables, parents et institutions, puissent protéger les jeunes de ces dérives en limitant leur accès ou en surveillant ce à quoi leurs enfants ont accès.
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