- D’autres biens et prête-noms dans le collimateur des enquêteurs
Après la somptueuse villa de La Gaulette, des voitures et des entreprises mardi, c’est un yacht que l’Independent Commission against Corruption (Icac) a placé sous scellés ce jeudi. Estimé à plus de Rs 2,5 millions et baptisé « White Bird », ce bateau de plaisance était ancré à La Gaulette, sur le littoral ouest. Les enquêteurs pensent que Jean Hubert Celerine, alias Franklin, inculpé de blanchiment d’argent depuis mardi, a eu recours à un prête-nom pour en faire l’acquisition.
Le propriétaire officiel du navire, dont le nom est inscrit sur le registre des immatriculations nautiques de la Tourism Authority, devrait être convoqué ou interpellé dans les prochains jours. Il devra s’expliquer sur la source de financement de ce bien et la nature de ses relations avec Franklin. L’Icac, avec la collaboration des garde-côtes, a pris possession du yacht. Le bateau a été amené au Landing Step, dans le port de la capitale.
Des opérations similaires, portant sur d’autres biens mobiliers et immobiliers soupçonnés d’appartenir à Jean Hubert Celerine par l’intermédiaire de prête-noms, pourraient être menées dans les prochains jours. Les enquêteurs disposent déjà des aveux de Rikesh Sumboo, également inculpé de blanchiment d’argent mardi, concernant la maison de La Gaulette enregistrée à son nom. Il a reconnu qu’elle appartient en réalité à Franklin. Ce dernier sera confronté prochainement aux déclarations de son complice présumé.
L’Icac passe également à la loupe les comptes de deux sociétés dirigées par le « boss » de Rivière-Noire. La compagnie Top Fleet Car Rental Ltd suscite principalement l’intérêt. L’examen des transactions financières de ces entreprises vise à établir si celles-ci ont été utilisées pour blanchir de l’argent qui pourrait provenir du trafic de drogue. Jean Hubert Celerine a, en effet, été condamné par contumace à sept ans de prison à la Réunion, en juillet 2021, à la suite du démantèlement d’une filière d’exportation de cannabis vers Maurice. Il était impliqué dans ce trafic entre janvier 2017 et avril 2018 en tant que commanditaire, selon la justice française.
Au Réduit Triangle, on compare l’enquête en cours à une « tour infernale ». À mesure qu’une piste est explorée, de nouveaux aspects apparaissent. Les enquêteurs ne seraient pas étonnés, disent-ils, de découvrir d’autres maisons ou biens luxueux. Selon eux, l’organisation du blanchiment d’argent au profit de Franklin serait une combine « très bien huilée ».
Par ailleurs, Jean Hubert Celerine, en détention depuis mardi soir, a été transporté à l’hôpital de Candos dans la soirée de mercredi. L’homme de 33 ans s’était plaint d’un problème de santé. Après avoir reçu des soins, il a été reconduit en cellule.
Le White Bird évalué à un tiers de sa valeur initiale
L’évaluation du yatch White Bird fait sourciller les enquêteurs de la commission anticorruption. Sa valeur est estimée à Rs 7,5 millions. Mais l’acte de vente, au nom d’un couple, fait état qu’il a été acquis pour Rs 2,5 millions.
Le jeudi 9 février, le couple, propriétaire du yacht, a été longuement auditionné par les hommes de Navin Beekary. Après son interrogatoire, il a été autorisé à rentrer chez lui. Toutefois, il doit demeurer à la disposition des limiers de la commission anticorruption pour les besoins de l’enquête.
Traité d’extradition avec la France : «Je pense qu’il a un effet rétroactif», dit le DPP
Le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) a répondu à une question de la presse sur le traité d’extradition entre la France et Maurice signé en novembre 2022. C’était à l’issue du lancement d’un système informatisé pour faire les demandes de certificats de caractère en ligne ce jeudi au Sir Harilal Vaghjee Hall à Port-Louis.
À la question suivante : «Est-ce qu’il y a une prévision dans le traité (ndlr : Traité d’extradition avec la France en 2022) pour les cas antérieurs à 2022 ?
« Je crois que oui... Possiblement oui ! Je pense qu’il a un effet rétroactif », a répondu Me Rashid Ahmine.
Ce traité d’extradition est très commenté ces jours-ci dans le sillage de l’affaire Franklin.
Il faut savoir que la justice réunionnaise, par le biais d’une commission rogatoire internationale, avait recommandé l’arrestation de Jean Hubert Celerine, alias Franklin. Cela suivant un jugement correctionnel émis le 2 juillet 2021, par la cour d’appel de Saint-Denis. Un mandat d’arrêt avait été émis contre lui le 13 juin 2019. Le 27 septembre 2019, le tribunal de Saint-Denis avait condamné Franklin et un skipper mauricien, Jérémy Désiré Décidé (alias Nono), à sept ans de prison dans un jugement prononcé en leur absence.
Cependant, Franklin a déposé, jeudi 2 février, en Cour suprême une injonction pour réclamer un ordre interdisant aux autorités mauriciennes de l’extrader ou encore de le retirer du territoire mauricien pour le remettre aux autorités réunionnaises. La juge des référés, Aruna Narain, n’a pas accédé à sa requête.
Le dénommé Franklin, un habitant de Rivière-Noire, est provisoirement accusé de blanchiment d’argent. Arrêté par la brigade anticorruption de Maurice mardi, il est détention.
Possession illégale d’arme à feu
Le proche de Franklin avait obtenu la liberté conditionnelle en 2021
Le nom de Jean Désiré Décidé, alias Nono, est mentionné, aux côtés de celui de Jean Hubert Celerine (Franklin) dans un jugement de la justice réunionnaise, les condamnant, tous deux, à sept ans de prison pour trafic de zamal dans l’axe Réunion/Maurice. Au pays, Nono n’est pas inconnu de la brigade antidrogue (Adsu). Quelques années de cela, lors d’une opération crackdown dans l’Ouest, il avait été arrêté avec une certaine quantité de cannabis.
Mais l’ombre de Nono plane aussi sur la saisie d’une cargaison de cannabis chiffrée à Rs 15 M en avril 2021. Lors d’une fouille dans deux villas à Plantation Marguery, zone résidentielle huppée de Rivière-Noire, du gandia et des plants de cannabis, soupçonnés de provenir de La Réunion, avaient été saisis.
Dans le sillage de cette enquête, les occupants des appartements perquisitionnés, nommément Leena Deceuninck Seeloll, son époux Peter Hans Irma Deceuninck, et Abas Dara Abdalla, un militaire des forces spéciales kurdes, avaient été arrêtés.
Trois mois plus tard, en juin 2021, cette enquête, menée par l’inspecteur Doobaree, avait permis de remonter jusqu’à Jean Désiré Décidé. Ce dernier avait été arrêté pour possession illégale d’arme à feu. Pour sa défense, la dénommée Lena Deceuninck avait déclaré que Nono lui aurait remis cette arme.
Après sa comparution devant le tribunal de Rivière-Noire, en juin 2021, Jean Désiré Décidé avait obtenu la liberté conditionnelle. La cour avait émis un ordre d’interdiction de voyager contre Nono.
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