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Réforme éducative : peut mieux faire

Les défis sont légion pour les collégiens en cette nouvelle année scolaire.

Ils prendront le chemin de l’école ce lundi. Certains feront leur entrée en Grade 1, d’autres en Grade 7. Une nouvelle expérience du système éducatif et notamment de la réforme entrée en vigueur en 2016. Six ans après, quel constat ? Alors que le Nine-Year Schooling devait apporter plus d’équité et d’égalité, on n’en est pas encore là. 

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Les collèges ne font pas jeu égal 

J-1 pour ces enfants qui passeront le cap du primaire au secondaire. Une étape décisive dans leur parcours scolaire. Mais force est de constater que celle-ci ne s’est pas faite sans hic. Car depuis la proclamation des résultats du Primary School Achievement Certificate (PSAC), plusieurs parents ont affiché leur insatisfaction devant le collège attribué à leurs enfants. 

À la veille de la grande rentrée scolaire et notamment l’admission en Grade 7, les demandes de transfert continuent de fuser. Les parents sont nombreux à prendre leur mal en patience, à remuer ciel et terre pour offrir la meilleure éducation possible à leur enfant. La question se pose dès lors : pourquoi cette disparité dans la demande pour les collèges d’État régionaux, les collèges catholiques et les collèges privés ?

On constate notamment que les collèges catholiques sont très prisés. Clive Anseline, responsable de communication du Service diocésain de l’Éducation catholique (SeDEC), avance plusieurs raisons à cela. Notamment un intérêt des parents pour la culture de l’école catholique, selon les demandes d’inscription. 

« La philosophie de l’éducation catholique mise sur le développement intégral de chaque enfant. C’est un programme qui est établi dans nos collèges ainsi que les écoles », dit-il. 

Il parle aussi d’un travail pastoral, appelé la pastorale scolaire, « qui encadre les élèves spirituellement et dans leur personnalité, afin de pouvoir grandir dans la société ». Sans parler des parents qui ont eux-mêmes fréquenté un établissement scolaire catholique et qui souhaitent que leurs enfants en fassent aujourd’hui l’expérience à leur tour. 

De son côté, Arvind Bhojun, président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), attribue cet écart grandissant à la hausse du niveau de compétition dans les collèges depuis l’entrée en vigueur de la réforme éducative. Ce nouveau système a engendré plus de concurrence, avance-t-il. 

« Selon nos observations, il y a des disparités à plusieurs niveaux. Premièrement, entre les collèges d’État, puis entre ceux d’État et du privé, incluant les collèges catholiques. Et dans ce vivier de compétitivité, les collèges entièrement privés font leur entrée, car de plus en plus de parents les privilégient. La demande est grandissante », souligne Arvind Bhojun.   

college

Le programme scolaire 

Au niveau des collèges catholiques, Clive Anseline estime que le cursus scolaire, par rapport aux académies, est presque le même. Il précise néanmoins que les collèges catholiques ont une particularité, par l’accent placé sur l’encadrement et les activités en sus de l’académique. 

« Nous misons beaucoup sur la croissance humaine, le développement de l’humain. Pour ce faire, c’est tout un encadrement spirituel, mais également la dispensation de l’éducation à l’affectivité, à la sexualité ainsi qu’à l’interculturalité qui fait son entrée cette année », fait-il savoir. 
Il estime que ces matières contribuent « énormément à la croissance et l’épanouissement intégral des élèves ». Cela, tant au niveau de la personnalité que de la capacité, de la créativité, du côté sportif et de la communication, entre autres.

Arvind Bhojun abonde dans le même sens que son collègue Clive Anseline quant à la similarité du cursus scolaire, dit universel, établi par le ministère de l’Éducation. La différence, précise-t-il, se trouve dans la manière d’enseigner, mais surtout dans le niveau de compétition. 

« Le niveau de compétition entre les élèves dans différents établissements du secondaire n’est pas identique. Et avec le nouveau système, après chaque examen à enjeu élevé, les parents veulent faire admettre leurs enfants dans un collège où il y a plus de compétition, en fondant leurs espoirs de les voir devenir lauréat(e)s », explique-t-il.   

L’intégration de l’élève 

La question est posée : les parents sont-ils conscients que le programme proposé dans un collège en particulier n’est peut-être pas adapté à leurs enfants ? Le président de l’UPSEE estime que c’est le cas pour certains d’entre eux.

« Tant et si bien que ceux qui en ont les moyens préfèrent inscrire leurs enfants dans des collèges privés entièrement payants au lieu de se contenter des collèges d’État régionaux ou des collèges privés sponsorisés par l’État, avec un programme d’études qui promeut une éducation et une formation holistiques de l’élève. »

De ce fait, poursuit Arvind Bhojun, l’enfant bénéficie d’un développement intégral, que ce soit dans son comportement, sa façon de penser, son physique, sa formation technique, son esprit intellectuel. En bref, « le développement de sa personnalité ».   

Kamini Dowlut, quant à elle, assure que les collèges d’État régionaux s’adaptent de plus en plus aux besoins spécifiques des apprenants afin de mieux les intégrer. « Cette année, nous avons le plaisir d’accueillir 68 élèves du Special Education Needs (SEN) au secondaire. Un accent spécial sera mis sur le développement holistique afin de mieux les intégrer dans ce nouvel environnement, pour cette nouvelle étape de leur scolarité. C’est une première pour nos établissements secondaires d’État et on s’adapte », déclare-t-elle. 

Rectrice d’un collège d’État, elle confie s’être préparée avec ses Grade leaders à soutenir les élèves du SEN, que ce soit au niveau académique ou de l’assistance psychologique. « Toutes ces facilités sont mises à notre disposition au sein des collèges. En parallèle, nous visons à créer un environnement d’acceptation afin que les élèves soient respectueux l’un envers l’autre, et sensibles au contexte et aux besoins de leurs camarades de classe », ajoute-t-elle.

Les facteurs motivant 
le choix des parents
Le programme scolaire, les infrastructures et la réputation du collège motivent le choix des parents, mais aussi des élèves, qui sont de plus en plus informés grâce aux différents médias de communication comme la radio. C’est du moins l’avis de Clive Anseline. 
« En tant que responsables de communication, nous mettons en avant nos programmes et les événements de notre secteur sur plusieurs plateformes médiatiques ainsi que sur notre site web. De facto, chacun est informé de ce qu’il se passe dans nos collèges. Et, par rapport à ces événements, l’intérêt est créé. C’est la relation publique qui fait que les parents ont plus confiance en nos établissements scolaires », fait-il ressortir. 

La performance du collège

Le président de l’UPSEE ajoute des facteurs supplémentaires à la liste de critères. Selon lui, en sus du programme scolaire, de la réputation du collège et l’infrastructure, la direction de l’établissement, la performance et le comportement des élèves fréquentant le collège jouent un rôle décisif dans le choix du parent. 

« Les parents ont tendance à décortiquer les antécédents du collège avant de faire leur choix. Les collèges connus pour avoir produit les meilleurs éléments sont de facto privilégiés, avec l’espoir d’admettre son enfant dans un établissement où évolue la crème de la crème en vue de la préparation pour les épreuves du National Certificate of Education (NCE) et finalement, du School Certificate et du Higher School Certificate (HSC) », fait-il observer. 

À ce propos, Arvind Bhojun regrette le phénomène du népotisme au niveau de certains collèges privés. « Dû au népotisme qui gangrène les collèges privés, le manque de personnes qualifiées à la tête de la direction de ces établissements se fait ressentir. Nous échouons ainsi lamentablement à hisser le collège vers le haut ou à l’amener à bon port. Nous peinons à créer le niveau de compétition requis pour être à la hauteur. Finalement, les élèves sont pénalisés et les parents sont découragés d’envoyer leurs enfants dans certains collèges privés », explique-t-il.

Les infrastructures

Il concède néanmoins que certains parents ont tendance à choisir des collèges d’État régionaux pour leurs infrastructures. « L’investissement des collèges d’État régionaux dans les infrastructures et la logistique est beaucoup plus colossal comparé aux écoles privées, même si le gouvernement y injecte de l’argent. »

Il déplore, dans la foulée, qu’« une poignée de managers des écoles privées ne voient pas l’amélioration des infrastructures comme une priorité ». Résultat : « Certains collèges privés peinent à garder leur ‘standing’ en comparaison aux collèges d’État régionaux. »

La discipline

Certains collèges privés et catholiques sont très en demande, notamment en raison de la discipline qui y est appliquée. « Lorsqu’un collège du privé ou catholique s’est construit une réputation basée sur le maintien de la discipline, la direction veille à ce qu’elle ne soit pas ternie. Ce, en assurant le soutien nécessaire au corps enseignant pour faire de sorte à ce que l’éducation soit en ligne avec la discipline, afin de susciter la confiance des futurs parents d’élèves et les rassurer que leurs enfants seront entre de bonnes mains », fait valoir Arvind Bhojun. 

Au dire du président de l’UPSEE, « ces derniers temps, nous remarquons plus de demandes pour les collèges privés et catholiques, car les parents ont perdu confiance dans certains collèges d’État en matière de discipline ».

La réputation et l’accessibilité

Kamini Dowlut, membre exécutif de l’association des recteurs et assistants recteurs des collèges d’État, estime que la réputation des collèges est primordiale lors de la sélection. L’accessibilité de l’établissement est également un aspect pris en compte par les parents, ajoute-t-elle. « Les collèges les mieux situés, facilement accessibles, même par le transport en commun, reçoivent beaucoup de demandes. »

Réduire l’écart entre les collèges 

Comment réduire la disparité entre les différents collèges de l’île ? Nous avons posé la question au responsable de communication du SeDEC. Clive Anseline met l’accent sur l’importance pour tous les partenaires du secteur éducatif – enseignants, chefs d’établissement, parents et acteurs stratégiques de l’éducation catholique – de travailler de concert. 

« Il ne faut pas se décourager. Il faut croire dans le potentiel de chacun et chacune de nos élèves. Et surtout voir quels sont les facteurs qui déclenchent la motivation en chaque apprenant, car chacun d’entre eux a un talent. il faut les pousser à réussir dans ce qui les comble. C’est la clé de la réussite », insiste-t-il. Ainsi, pour lui, « la recette, c’est de croire en eux et de faire confiance à chaque élève. C’est sans doute ce qui augmentera notre succès à l’avenir ».

Et d’ajouter que la contribution des parents est primordiale afin d’atteindre cet objectif. « Ces dernières années, nous avons constaté une cassure au niveau des familles. les enfants sont perturbés, il n’y a pas suffisamment d’encadrement. De ce fait, il doit y avoir un travail en partenariat avec la famille pour qu’ils réussissent », sensibilise-t-il. 

De son côté, Arvind Bhojun plaide pour une volonté politique en cohérence avec une synchronisation de l’éducation et de la vision pour le pays. « Sur le court terme, nous pouvons dire que nous sommes l’un des pays qui facilitent l’accès à l’éducation. Mais où est la qualité de l’éducation ? Quelle est notre vision du progrès dans deux décennies ? Ce n’est que quand cet objectif sera établi qu’on pourra travailler vers un système éducatif dont nous serons fiers et avoir le résultat voulu dans nos établissements scolaires », martèle-t-il. 

Lorsqu’on investit dans l’éducation, fait comprendre le président de l’UPSEE, « il faut s’armer de patience et attendre des années avant de récolter le fruit de nos efforts ». Il déplore un flou total actuellement. « D’où les déséquilibres, notre incapacité à nous adapter et le fort taux de décrochage scolaire. Nous sommes dans une société où la jeunesse est malade. »   

Kamini Dowlut croit, elle, fermement que l’implication parentale dans l’encadrement de l’enfant pour donner suite au travail continuel abattu par la direction du collège peut faire des miracles. « Ayant travaillé dans des collèges considérés comme des centres d’excellence et ceux où il y a des slow learners, je peux témoigner du fait que quand les parents travaillent main dans la main avec la direction, c’est l’élève qui prospère. Même un enfant situé dans la moyenne peut réussir avec le soutien des parents », assure-t-elle.  

 

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