Questions à…Ibrahim Malleck, économiste : «Nous risquons de nous engager dans une spirale prix-salaires»

Avec l’ajustement salarial, doit-on s’attendre à une augmentation des prix des produits locaux dans un avenir proche ? 
Une augmentation significative de la masse monétaire en circulation aura généralement des répercussions sur les prix des biens, y compris les produits locaux. À Maurice, nous observons déjà des taux d’inflation alimentaire élevés, les prix des denrées alimentaires augmentant à un rythme plus rapide que l’inflation générale. Comme l’augmentation salariale bénéficiera principalement à ceux qui dépensent une part importante de leur salaire pour des produits de première nécessité, nous pouvons nous attendre à une pression accrue sur les prix dans les mois à venir.

Quelles en seront les conséquences pour les consommateurs à long terme ?
À long terme, nous risquons de voir une hausse du taux d’inflation moyen, impactant particulièrement les classes inférieures et moyennes, qui ressentiront plus intensément l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Même si les taux d’inflation actuels peuvent diminuer, cela signifie simplement que les prix continueront d’augmenter, mais à un rythme plus lent. 
Sans ajustements salariaux réguliers, le pouvoir d’achat des consommateurs moyens continuera de se réduire. Pour pallier cette érosion, il serait nécessaire de revoir la redistribution des revenus et d’envisager des réductions de la TVA pour les ménages à faibles revenus. Les consommateurs les moins bien rémunérés devront probablement adapter leurs habitudes de consommation pour faire face à leur pouvoir d’achat en déclin.

Qu’en est-il de l’impact sur l’inflation ?
À court terme, nous devrions observer une pression accrue sur les prix des produits de base et d’autres biens et services, avec une pression sur le taux d’inflation actuel de 4,5 % au cours du second semestre de 2024. La consommation étant un moteur clé de notre économie, l’inflation salariale pourrait entraîner une hausse des prix en raison d’une demande accrue pour les biens et services. 

Cependant, pour stabiliser l’inflation autour de 3,5 % à 4 %, il sera crucial de résoudre les problèmes structurels tels que les gains de productivité, la stabilité de notre roupie et la réduction de la facture d’importation des denrées de base. Bien que les augmentations salariales visent à compenser la baisse des revenus réels des travailleurs, sans résoudre le problème fondamental de l’inflation des prix, ces augmentations n’apporteront qu’un soulagement temporaire. Nous risquons ainsi de nous engager dans une spirale prix-salaires, avec l’inflation salariale exacerbant le problème à mesure que les marchés s’adaptent.