Le renouveau politique est un concept complexe et multidimensionnel qui soulève de nombreuses questions. Qu’est-ce que cela signifie réellement ? Est-ce simplement l’apparition de nouveaux visages dans le paysage politique ou s’agit-il d’un changement systémique plus profond ?
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Jocelyn Chan Low : « Le système rend le changement difficile »
L’historien et observateur explique que le problème que nous rencontrons dans un système de type « First past the post » est sa tendance à cristalliser les partis existants. « Notre système politique, basé sur ce mode de scrutin, a effectivement permis à plusieurs partis de se former depuis l’Indépendance. Cependant, ces partis finissent souvent par s'arranger en alliances lors des élections », indique Jocelyn Chan Low.
Il poursuit que quatre leaders ont pu émerger mais on est toujours dans un jeu de chaises musicales. « Chaque élection voit deux alliances se former et s'affronter. Ces leaders contrôlent les partis et prennent les décisions majeures. Les programmes politiques se ressemblent de plus en plus, avec des alliances qui se cassent et se reforment sans cesse entre eux », souligne Jocelyn Chan Low.
Selon l’intervenant, l'électorat vote pour une alliance. puis pour une autre, dans un cycle qui semble tourner en rond entre quatre partis politiques. « On change les candidats, mais les leaders demeurent. Avec le temps, les programmes deviennent similaires et les pratiques politiques se figent, comme c’est le cas en France et en Angleterre. Le changement est rare. On change de personnes et c’est ce qu’on appelle le renouveau, mais la manière de gouverner reste la même », ajoute l’observateur politique.
Jocelyn Chan Low avance que c'est un système bloqué, sans réel changement. Toutefois, aussi longtemps que le système n’offre pas de troisième force possible, les partis traditionnels ne changeront pas. « Les sondages montrent que le public n'est pas satisfait de l'offre politique actuelle. Le système rend le changement difficile. Si jamais deux ou trois candidats non traditionnels étaient élus, cela va créer un grand bouleversement qui obligera les partis traditionnels à réévaluer leur façon de faire. Le renouveau ne peut pas se limiter à de nouveaux visages ; il faut aussi repenser le fonctionnement des partis ».
Il cite comme exemple, en France où la gauche et la droite étaient ancrées. En Angleterre, la situation était similaire avec le Labour et les Conservateurs. « En Angleterre, 42 % des électeurs ont voté contre les partis traditionnels, et en France, le système s'est déjà effondré. Il suffit que quelques candidats non traditionnels soient élus pour provoquer un choc majeur. Les partis traditionnels devront alors réagir, ou le prochain parti sera encore plus fort », estime l’intervenant.
Au-delà des nouveaux visages
L’observateur, Faizal Jeeroburkhan, indique, lui, que le renouveau ne doit pas se limiter à un simple changement de visages. « Ce n'est pas seulement remplacer des acteurs politiques vieillissants par des jeunes. Il ne s'agit pas non plus d'un changement au niveau des partis politiques. Le renouveau implique une nouvelle philosophie et des idéologies politiques, ainsi qu'un changement de mentalités », fait-il ressortir.
Il insiste qu’il s'agit également « de réorganiser notre système de gestion et de réévaluer la manière dont nous gérons les affaires publiques et celles du pays. Nous avons besoin d'un changement au niveau de la démocratie. Actuellement, nous vivons dans une démocratie représentative, mais pour véritablement avancer, nous devons évoluer vers une démocratie participative, où les citoyens jouent un rôle actif dans les affaires du pays ».
Faizal Jeeroburkhan soutient que dans une démocratie, le gouvernement est « du peuple, par le peuple, pour le peuple », mais ici, « nous avons un gouvernement d'un petit groupe pour un petit groupe ». Si nous voulons « un véritable renouveau », des changements doivent être faits, dit-il.
Gouvernance
Il pense qu’il est crucial de revoir notre gouvernance. « À l'heure actuelle, le pouvoir est trop centralisé. Nous devons décentraliser et établir un système qui favorise la consultation et la participation des citoyens. Actuellement, toutes les décisions semblent dépendre du Premier ministre, ce qui témoigne d'une centralisation excessive ».
Faizal Jeeroburkhan ajoute qu’il est essentiel de changer le style de gouvernance : le pouvoir doit être partagé entre les institutions et la population. « Chaque institution, comme la police, devrait être indépendante et capable de prendre des décisions sans avoir à consulter systématiquement le pouvoir exécutif », évoque-t-il.
L’observateur plaide aussi pour le besoin de plus de transparence et d'une transformation dans la relation entre les citoyens et le pouvoir. Pour lui, « il faut garantir davantage de liberté d'expression, d'opinion et de mouvement, des libertés qui, malheureusement, se réduisent de plus en plus ».
Faizal Jeeroburkhan croit par ailleurs que le renouveau politique doit aussi se débarrasser de l'influence de l'argent. « Celui-ci ne devrait pas jouer le rôle qu'il joue actuellement, ni influencer les élections. Il est impératif que le communalisme et le castéisme, qui ont une grande influence sur la gestion du pays, ne dictent plus les décisions », met-il en avant.
Pour conclure, il dira que « le renouveau politique exige une refonte en profondeur de notre système, un engagement sincère pour une démocratie véritablement participative et inclusive ».
Krish Valaydon, observateur: « Vouloir changer le système est un slogan à la mode »
C’est quoi le renouveau politique ? Se manifeste-t-il surtout par de nouveaux visages politiques ?
Le renouveau politique ne peut être réduit à l'apparition de nouveaux visages sur la scène politique. Il s'agit plutôt de l'apport d'une nouvelle vision sur le système, de l'installation d'une nouvelle culture politique et d'une nouvelle pratique politique. Cela implique un changement de mentalité chez le politicien, où la politique est perçue comme une vocation et non comme une activité commerciale liée à des gains personnels. Il est nécessaire de revoir les modes de gestion du pouvoir et de conscientiser le peuple, tout en manifestant une volonté de sortir de la déchéance politique. Il est crucial de défier la concentration du pouvoir et de travailler vers une plus grande séparation des pouvoirs, en conceptualisant les moyens de renforcer cette séparation.
Vouloir changer le système est un slogan à la mode, surtout quand on cherche à impressionner avec un vocabulaire ronflant, souvent vague même pour ceux qui le formulent. La plupart de ceux qui parlent de changement ne vont pas plus loin dans leur démarche pour expliquer au peuple ce que ce slogan implique. On a l'impression que c'est un terme fourre-tout, faisant partie d'une rhétorique qui plaît aux électeurs.
Pourquoi est-il important de laisser une chance aux jeunes leaders face aux leaders en place depuis longtemps ?
Je ne pense pas que ce soit une question de laisser une chance… Je crois que c'est aux jeunes eux-mêmes de créer leur opportunité, de se frayer un chemin dans le labyrinthe de l'écosystème politique mauricien et de s'imposer grâce à leurs talents, à leurs compétences et à leur intelligence. Ce n'est pas aux anciens de se retirer pour laisser la route libre. La politique est une lutte, un engagement ; ce n'est pas une sinécure, ni un héritage pour lequel on n'a pas travaillé. C’est donc aux jeunes de créer leurs chances. Le leadership d'un mouvement ne tombe pas du ciel. Les jeunes leaders doivent se construire, prendre exemple sur des politiciens comme Bérenger, Ram Seegobin, Bizlall, Collen, Subron, Virahsawmy, et d'autres. Ces figures ont dû travailler dur pour être reconnues grâce à leur engagement dans la lutte. Ils n'ont pas attendu que les anciens partent pour prendre leur place ; ils doivent mériter cette position et non essayer de surfer sur une mentalité de privilèges.
Comment les mouvements citoyens peuvent-ils contribuer au renouveau politique ?
Les mouvements citoyens peuvent contribuer en faisant leur « homework ». Ils doivent réfléchir en profondeur sur l'ensemble de l'univers politique et sur leurs objectifs, qu'il s'agisse de perpétuer, remplacer, corriger ou simplement gérer le système. Ils doivent savoir s'ils souhaitent reproduire les classes sociales existantes et les habitudes de l'écosystème politique mauricien. Un travail intellectuel conséquent est nécessaire avant même de se lancer dans des discours sur les estrades ou de participer à des émissions radio pour proposer des solutions aux problèmes de notre pays. Ils doivent analyser et comprendre les variables qui contribuent à la déchéance politique actuelle. Il ne suffit pas de maîtriser l'art de la rhétorique ; il est essentiel de saisir la substance des choses et d'avoir un sens d'analyse aigu, ou de s'en construire un, tout en cultivant l'objectivité.
Quels sont les défis majeurs que doit surmonter le renouveau politique aujourd'hui ?
Le principal défi réside dans l'intelligence, c'est-à-dire dans quelle mesure ceux qui prônent le renouveau sont conscients de leur responsabilité, maîtrisent les enjeux auxquels fait face le pays et comprennent les racines des maux qui frappent notre société. Le renouveau politique implique une compréhension du fonctionnement du système actuel et de l'étendue de son pourrissement. Il est crucial de savoir ce qu'il faut faire pour rectifier la trajectoire décadente et la spirale totalitaire dans laquelle le pays est plongé. Dans leur discours, le peuple doit sentir un niveau de réflexion et une prise de conscience de leur responsabilité à apporter quelque chose de nouveau et à provoquer un changement dans l'écosystème politique mauricien. Il est essentiel de définir les changements nécessaires, les solutions à apporter et les étapes à franchir pour réussir un changement réel et effectif du système politique mauricien, entraînant un nouvel essor pour le pays.
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