Une sortie entre collègues policiers et proches a viré au drame, mercredi, à Grande-Rivière-Sud-Est. Bilan : quatre morts. Si le skipper soutient que ses passagers ont refusé de porter leur gilet de sauvetage, deux policiers ont, pour leur part, affirmé qu’il n’y en avait pas à bord. Mais 17 gilets ont été retrouvés. La MCIT veut y voir plus clair...
[blockquote]Le skipper Marie: « Bann-la ti pe danse lor bato »[/blockquote]
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«Il n’y avait pas de gilets de sauvetage sur le bateau », soutient un policier au Défi Plus. Il se trouvait sur le bateau quand le drame s’est produit mercredi en fin d’après-midi. Mais le skipper, Louis Hayward Marie, arrêté mercredi soir, a expliqué aux hommes du chef inspecteur Thakoor qu’il y avait bien des gilets de sauvetage à bord de son bateau. Cet habitant de GRSE de 57 ans dit avoir demandé aux passagers de porter leurs gilets, mais ces derniers auraient refusé. Le skipper a passé deux nuits en cellule policière. Une charge provisoire d’homicide involontaire pèse sur lui. Il a dû fournir une caution de Rs 10 000 pour obtenir la liberté conditionnelle vendredi.
Lors de l’exercice de reconstitution des faits, vendredi, les enquêteurs de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) ont retrouvé 10 gilets de sauvetage sur le bateau alors que sept autres ont été repêchés par la National Coast Guard et des volontaires.
« Mo ti dir zot met zot zile, me zot pa’nn mete, zot inn gard li. Zot inn dir zot pa pou mete », a expliqué le Louis Hayward Marie au Défi Plus. On apprend également que le port du gilet de sauvetage n’est pas obligatoire dans le lagon.
Comment ce bateau qui peut transporter jusqu’à 18 personnes a pu chavirer ? C’est un autre volet principal que la police veut éclaircir. Dans sa version, Louis Hayward Marie a expliqué que les passagers étaient debout et ils dansaient. Le bateau tanguait. À un moment donné, quelques personnes ont changé de côté et le bateau, déséquilibré, a chaviré. Les 15 passagers se sont retrouvés à l’eau à une centaine de mètres de l’embarcadère de Deux-Frères, à GRSE. Des bateaux de la NCG sont venus en renfort pour les recherches. Mais il était trop tard pour Urmila Mewa, une policière de 25 ans, Navish Mungur, un nourrisson de 7 mois, Vagnish Shamloll, un garçonnet de 4 ans, et pour le constable Chetallsing Mungur, 30 ans. Ils sont tous morts noyés.
Vagnish: un enfant discipliné
Le petit Vagnish Shamloll avait soufflé sa 4e bougie le 25 avril. Il était le fils unique du couple de policiers, Vishwajeet et Pooja Shamloll. Le petit est décrit par son père comme un enfant « obéissant et discipliné ». « À son âge, il savait faire la différence entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Il avait toujours une récompense quand il se montrait obéissant », dit-il. Ses parents étant séparés, Vagnish vivait avec sa mère, à Laventure. Mercredi, il était avec elle quand le drame s’est produit.
Urmilla Mewa: la policière de la famille
À 24 ans, elle est la cadette de la famille. Originaire de St-Julien, Urmilla (Upashnah) Mewa avait rejoint la force policière il y a cinq ans. « Une fois ses résultats du HSC en poche, ma fille a fait une demande pour intégrer les forces de l’ordre. C’était la policière de la famille », raconte Iswarlall, son père. Au cours de ses cinq années de service, Upashnah a travaillé aux postes de Quartier-Militaire, de Flacq et de Brisée-Verdiere. Le jour du drame, elle était on casual leave.
Lovish: parti trop tôt
Il est le plus jeune des victimes de ce tragique accident en mer. Lovish Priyansingh Mungur avait seulement sept mois. Son père, Chetalsing, 30 ans, est policier. Mercredi, il était avec ses parents et sa sœur Nishika, âgée de trois ans, pour une sortie à Grande-Rivière-Sud-Est. Mais le malheur a frappé. Le petit Lovish a disparu sous les flots. Son corps sans vie a été repêché par la garde-côte nationale de Deux-Frères.
Chetalsing Mungur: mort en voulant sauver son fils
Chetalsing Mungur, 30 ans, était également policier. Il était posté à la Divisional Supporting Unit de Flacq. Cet habitant de Lallmatie était père deux enfants. Bosseur et dévoué à sa famille, il était avec ses amis et collègues lorsque la pirogue a chaviré. Il a essayé de sauver son fils Lovish, mais a disparu sous les eaux. Ce n’est qu’après d’intenses recherches que son corps sans vie a été repêché jeudi.
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Qui dit vrai ?
Par ailleurs, une policière, présente sur le bateau, a expliqué à ses collègues que le skipper ne leur a pas dit où se trouvaient les gilets de sauvetage. Et qu’aucune explication ne leur a été fournie sur le mode d’emploi. « À un certain moment, il y a eu une grosse vague et le bateau a chaviré », explique-t-elle. La MCIT compte vérifier ces informations auprès des autres passagers et des éléments de la NCG qui patrouillaient cette région. Qui dit vrai ? La MCIT compte aussi convoquer les policiers et une passagère qui se trouvaient sur cette embarcation. Ils devront expliquer comment, en tant que policiers, ils ont pu accepter de monter dans cette pirogue, sachant qu’il n’y avait pas de gilets de sauvetage. Des skippers et d’autres personnes seront aussi interrogés. L’enquête est menée par le chef inspecteur Goolaup, sous la supervision de l’assistant-surintendant de police Gérard et l’assistant-commissaire de police Jangi.Reconstitution des faits
Louis Hayward Marie, 57 ans, le skipper, est retourné sur les lieux du drame, vendredi. C’est vers 10 h 45 qu’il est arrivé sous forte escorte policière. Ses proches l’attendaient. En sortant du véhicule de la police, Louis Hayward Marie a embrassé sa mère avant d’être conduit dans les locaux de la National Coast Guard (NCG) de Deux-Frères. Les recherches des éléments de la garde-côte nationale, sous la supervision des ASP Gérard et Bancharam, ont permis de retrouver 17 gilets de sauvetage (10 dans l’embarcation et 7 en mer), une bouée, des tabourets, des savates et un blouson, entre autres. Le bateau et les gilets ont été ramenés à terre. Peu après, Louis Hayward Marie a participé à un exercice de reconstitution des faits en mer. Le skipper a indiqué aux enquêteurs le lieu où la pirogue a chaviré. Il a aussi montré aux limiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) où il a retrouvé les corps des noyés.Le skipper en liberté conditionnelle
Après deux jours en cellule policière, Louis Hayward Marie a retrouvé la liberté sous caution vendredi. Le skipper avoue qu’il n’a pu fermer l’œil deux jours durant. « Les images de l’accident me hantent. En l’espace d’une seconde, le bateau a chaviré. Je me suis aussi retrouvé à l’eau », raconte cet habitant de Grande-Rivière-Sud-Est. « J’ai pu remonter dans le bateau. J’ai vu deux personnes, dont un enfant, en difficulté. Je leur ai porté secours. Je leur ai dit de rester sur le bateau en attendant les secours. Je tremblais comme une feuille… » poursuit Louis Hayward Marie. Il dit avoir demandé aux passagers de porter leur gilet de sauvetage, ils ne l’ont pas écouté. « Ils étaient debout et rigolaient. Zot ti pe sote danse. Tou ti ale enn kote. Je leur ai demandé de s’asseoir. Ils se sont assis un moment, puis ils se sont remis à danser. C’est alors que le bateau a chaviré. S’ils avaient respecté mes consignes, ce drame n’aurait pas eu lieu. Je suis skipper depuis assez longtemps et je n’ai jamais eu de problème. Je suis choqué et triste. »Chantal Marie: « La vérité triomphera »
Chantal Marie, 76 ans, la mère du skipper, était présente lors de l’exercice. Elle croit que la responsabilité de son fils n’est pas engagée. « La vérité triomphera. Mon fils fait ce métier depuis plus de 10 ans et il n’a jamais eu de problème. Il ne consomme jamais de boissons alcoolisées lorsqu’il est en service. Mo garson konn lamer depi tipti. Mo espere ena enn lazistis pou li. Il travaille dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Je suis bouleversée depuis son arrestation. Maintenant qu’il a retrouvé la liberté conditionnelle, je souhaite que la lumière soit faite au plus vite », dit Chantal Marie.Le skipper Jimmy raconte
Il était chez lui, mercredi après-midi, quand un officier des Pêcheries l’a informé qu’une pirogue avait chaviré à GRSE. « Je me suis précipité sur les lieux de l’accident. J’ai vu une dame qui flottait, avec un bébé dans les bras. J’ai repêché le bébé et je l’ai remis à une de ses proches. Il était toujours vivant et on a essayé de le ranimer. Mais après une quinzaine de minutes, on a constaté qu’il ne respirait plus. On a ensuite sorti le cadavre de la dame. Après d’autres recherches, on a repêché le corps d’un enfant de 4 ans. Plusieurs skippers sont venus à la rescousse et ont ramené d’autres victimes à terre. Nou finn sov zot la vi. Zordi zot pe dir pa ti ena zile. Li bien malere seki finn arive », explique Jimmy. Jeudi matin, le skipper et une équipe de la police ont repêché le corps sans vie du policier Chetallsing Mungur.Portrait des victimes
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Funérailles du Constable Mungur et de son bébé - La veuve: « Mon cœur est déchiré »
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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"18916","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-32417","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Selon les skippers, la navigation \u00e0 G.R.S.E. ne pr\u00e9sente pratiquement aucun danger."}}]] Selon les skippers, la navigation à G.R.S.E. ne présente pratiquement aucun danger.
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Elle est connue pour son paysage magnifique et son cadre d’exception. La région de Grande-Rivière-Sud-Est (G.R.S.E.) est à la Une de l’actualité. En lune de miel à Maurice, l’actrice américaine Eva Longoria y a effectué une visite. Rien ne présageait un tel drame, en ce même lieu, deux semaines plus tard. Il faut savoir que la pirogue, dans laquelle voyageaient les policiers et leurs proches, revenait d’une excursion sur l’île-aux-Cerfs. C’est à Deux-Frères, plus au sud, qu’ils devaient accoster. Un trajet réputé et connu de tous les skippers du coin. Existe-t-il un danger réel ? « Non », répondent unanimement les skippers. Sanjay Mungroo, skipper, connaît bien cet endroit. « Kot kaskad ena enn lapas ki inpe danzere me tou bann skiper konn travers li. Pour ce qui est du trajet entre l’île-aux-Cerfs et Deux-Frères, il n’existe aucun danger. »
Il est rejoint, dans ses propos, par Jonathan Dardenne, propriétaire de bateaux de plaisance. Ce dernier avance qu’il existe une passe juste à l’entrée de Deux-Frères. « C’est là où la Grande-Rivière-Sud-Est se jette dans la mer. Par moments, cela tangue un peu à cet endroit. Là encore, ce n’est pas bien grave. Tous les skippers savent gérer la situation », fait-il ressortir.
Pour vérifier les propos des skippers, nous avons tenté l’expérience, ce vendredi 10 juin. Selon tous ceux présents, le temps de mercredi était semblable ou légèrement venteux.
Il nous a fallu quelques minutes pour arriver à l’endroit où la pirogue a chaviré, c’est-à-dire à quelques centaines de mètres du quai. Rien de dangereux, si ce n’est que le bateau tangue un peu plus par moments. Comment donc la pirogue s’est-elle retrouvée sens dessus dessous ? Selon certains skippers, c’est l’équilibre entre les deux bords du bateau qui n’a pas été respecté. « Si à un moment donné, tout le monde se retrouve du même côté du bateau, celui chavirera immanquablement. »
Des bateaux-taxis pour la traversée
Le quai de Deux-Frères accueille également les navettes qui font la traversée entre G.R.S.E. et Deux-Frères. Il faut savoir qu’environ 125 mètres de rivière séparent les deux quais qui se trouvent face à face. D’où l’utilité des bateaux-navettes. Le trajet par la route dure une vingtaine de minutes. « Cette pratique existe depuis des années », avance Marie-Claire Clarisse, une sexagénaire de Deux-Frères. « Cela fait au moins 40 ans que les navettes font le va-et-vient entre G.R.S.E. et Deux-Frères. Nous n’avons jamais eu de problème. » Selon les habitants de la région, les bateaux-taxis font partie de leur quotidien. La première traversée commence à 6 heures du matin. La dernière prend fin à 18 heures. Les navettes véhiculent majoritairement ceux qui vont travailler et des enfants du préscolaire, du primaire et du secondaire. « Aujourd’hui, il existe des bus scolaires, il y a donc moins d’enfants qui font la traversée. Ceux qui vont au préscolaire prennent toujours le bateau-taxi. Quand j’étais enfant, j’empruntais moi-même les bateaux-taxis pour me rendre à l’école », ajoute Vanessa Dardenne.Le policier Ramkhalawon, rescapé: « J’ai vu mourir mon collègue et les enfants »
Le policier Ramkhalawon, un rescapé, relate le drame. Sur son lit d’hôpital, l’agent affecté au poste de Brisée-Verdière, raconte au Défi-Plus, que mercredi, ses collègues et lui-même avaient organisé une sortie en mer. « Nou finn al Île-aux-Cerfs. Nou finn rant laba ver 13.00. Nous avons passé un moment agréable. Au retour, une grosse vague a renversé la pirogue. Mo’nn trouv mo koleg ek bann zanfan mor devan mwa. Li pa fasil… » « J’ai été traumatisé en voyant repêcher les corps. Je ne dors plus, je ne mange plus. Ces images horribles défilent en boucle devant mes yeux. Cela me hante. Je regrette de n’avoir pu sauver mes collègues. Nous étions comme une famille… » Ce dernier affirmait qu’il n’y avait pas de gilet de sauvetage à bord. Or, à la reconstitution des faits, vendredi, 13 gilets de sauvetage, des paires de savates, des tabourets ont été retrouvés à bord. Le policier Ramkhalawon devra consigner une déposition dès qu’il ira mieux. Son épouse se réjouit qu’il soit sorti indemne de ce drame. « Depuis cette tragédie, il a perdu la joie de vivre. On évite de lui en parler. Nous sommes tous bouleversés. Dieu est grand, il l’a sauvé. Mon mari a frôlé la mort. Je prie pour les familles endeuillées. »Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !