Le vendredi 3 décembre, le Conseil des ministres a avalisé les arrangements à être faits pour la promulgation de la Children’s Act 2020, de la Child Sex Offender Register Act 2020 et de la Children’s Court Act 2020 le mardi 14 décembre. Qu’est-ce que cela va changer quant à la protection du droit de l’enfant ? Le point avec nos intervenants.
Rattan Jhoree, Child Welfare Officer : « Rs 1 M d’amende et un maximum de 10 ans de prison à une personne qui force un mineur au mariage »
La promulgation de la Children’s Act 2020, de la Child Sex Offender Register Act 2020 et de la Children’s Court Act 2020 le mardi 14 décembre est dans le respect de la Convention on the Right of the Child (CRC) dont Maurice est le signataire. Ces lois permettront au gouvernement de mieux protéger les droits des enfants au pays. Ainsi affirme, Rattan Jhoree, Child Welfare Officer au ministère de l’Égalité des Genres et Bien-être de la Famille. « Bien avant la promulgation de ces lois, nous avons déjà entamé la sensibilisation de la population dessus. Il y a eu aussi plusieurs consultations avec des enfants. Malgré la Covid-19, la campagne de sensibilisation lancée par le ministère a continué », dit-il. Ci-dessous, voici les cinq exemples des changements par rapport à la promulgation de la Children’s Act 2020, de la Child Sex Offender Register Act 2020 et de la Children’s Court Act 2020 prévue pour le mardi 14 décembre prochain.
Un enfant est défini comme toute personne qui a moins de 18 ans
Soulignant que l’objectif de ces lois est de mieux protéger les droits des enfants mauriciens, il évoque ce qui va changer après la promulgation le 14 septembre prochain. « Nous nous alignons avec la Convention sur le droit de l’enfant qui définit un enfant comme étant toute personne qui a moins de 18 ans », fait -il ressortir. Et de dire que les pénalités et termes d’emprisonnements ont été augmentés sur tous les types d’abus sur un enfant.
L’âge du mariage désormais fixé à 18 ans
« L’âge du mariage est désormais fixé à 18 ans et aucun mineur n’a le droit de vivre en concubinage », renchérit le Child Welfare Officer. Et de préciser que si une personne force un mineur à se marier ou à vivre en concubinage, elle risque une amende de pas moins de Rs 1 million et un maximum de 10 ans de prison.
Non rapport d’un cas d’abus sur un enfant : Rs 200 000 d’amende et pas moins de cinq ans de prison
Autre changement avec ces nouvelles lois est le fait que toute personne aura l’obligation de dénoncer des cas d’abus sur les enfants. « Si quelqu’un est au courant d’un cas et ne le rapporte pas, il risque une amende allant jusqu’à Rs 200 000 et une peine d’emprisonnement de cinq ans au maximum. »
Sans voir les accusés, les enfants victimes pourront témoigner par visio-conférences
Rattan Jhoree souligne aussi l’instauration d’une cour de justice « Child Friendly » pour les enfants. « À titre d’exemple, les enfants victimes pourront témoigner à travers des visio-conférences sans être vus des accusés », énonce-t-il. Est-elle prête ? À cela, l’officier du ministère de l’Égalité des Genres et du Bien-être de la Famille répond que « le Children’s Tribunal à Port-Louis sera prêt après la nouvelle loi ».
Un registre des noms et adresses des agresseurs d’enfants disponible au bureau du Commissaire de Police
Rattan Jhoree indique qu’il y aura aussi un registre où tous les noms et les adresses des agresseurs d’enfants à l’étranger sera accessible au bureau du Commissaire de Police. En ce qu’il s’agit de ces nouvelles lois, il dira qu’elles étaient nécessaires pour mieux protéger le droit des enfants à Maurice contre tous les types d’abus dont ils sont victimes. À l’exemple des abus physiques, sexuels, émotionnels, psychologiques et négligences entre autres.
Rappelons que le rôle et la mission des officiers de la Child Development Unit (CDU) est avant tout de s’assurer de protéger chaque enfant de toutes formes d’abus. Il indique que la sensibilisation de tout un chacun sur ces nouvelles lois est aussi importante afin de les rendre plus efficaces et d’atteindre l’objectif-clé qui est une meilleure protection des enfants au pays.
Période | Délits | Nombre de cas |
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Janvier à décembre 2018 | Abus de diverses formes sur les enfants | 5565 |
Janvier à décembre 2019 | Abus de diverses formes sur les enfants | 6225 |
Janvier à décembre 2019 | Abus de diverses formes sur les enfants | 5917 |
Rien que pour le mois d’octobre 2021 | Abus sur les enfants | 382 |
Prisheela Mottee, la présidente de l'association Raise Brave Girls : «Il est grand temps de mettre en place un tribunal adapté aux enfants à Maurice»
Raise Brave Girls a beaucoup milité pour le projet de loi sur les enfants concernant l'abrogation de l'article 145 du code civil mauricien concernant le mariage des mineurs à partir de 16 ans avec autorisation parentale ou ordonnance du juge. Ainsi affirme Prisheela Mottee, la présidente de cette association qui s’aligne au Sustainable Development Goal 6 - Achieve Gender Equality and Empower all women and girls. Mais encore, Raise Brave Girls se conforme à l’Agenda 2063 : The Africa We Want, Aspiration 6, notamment une Afrique dont le développement est axé sur les personnes tout en s'appuyant sur le potentiel des Africains, en particulier ses femmes et ses jeunes, et prenant soin des enfants.
« Nous maintenons que la place d'un enfant est à l'école et non pour s'occuper d'un ménage. Il est grand temps que la République de Maurice s'aligne sur les Conventions internationales et les Droits des enfants », dit-elle. Et d’ajouter que le projet de loi sur les enfants est très bien accueilli par l'association. Pour elle, c’est un pas de l'avant qui a été fait par la ministre de l'Égalité des genres pour la Protection des enfants.
Toutefois, le concubinage des mineurs avec des mineurs ou avec des adultes reste un problème, juge-t-elle. Cette dernière ajoute que Raise Brave Girls milite encore pour que cela devienne un délit pénal. Surtout pour les majeurs qui deviennent partenaires et toutes parties ayant apporté leur soutien ou ayant eu connaissance de la situation sans en informer les autorités. « Nous pensons que dans la Children’s Act qui sera bientôt promulguée, il aurait fallu mettre l'accent sur cet aspect particulier qui peut devenir une alternative aux mariages d'enfants à Maurice. Car, en fin de compte, la sécurité de nos enfants et leur épanouissement sont primordiaux », renchérit Prisheela Mottee.
Et de souligner que dans l'intérêt supérieur de l'enfant, Raise Brave Girls a fait des propositions pour que la publication des photos d'enfants séjournant dans des abris ou des orphelinats sur les réseaux sociaux devienne une infraction. « Il est de notre devoir de veiller à la sécurité de chaque enfant de la République de Maurice », énonce-t-elle. De plus, Prisheela Mottee précise que Raise Brave Girls est d'avis que pour une mise en œuvre réussie de la loi sur les enfants qui sera promulguée, les autorités et toutes les parties prenantes doivent mener une campagne d'information massive. Et ce, afin de toucher tous les segments de la population en utilisant un mode hybride de communication.
Quant au tribunal avec un environnement « Child Friendly » pour les enfants victimes, Prisheela Mottee indique qu’il était grand temps de mettre en place un tribunal adapté aux enfants à Maurice. Et ce, avec une norme internationale et un environnement adapté aux enfants, régie par les droits de l'enfant. « L'enfant en tant que témoin doit se sentir dans un environnement sûr et sécurisé. Dans le système judiciaire actuel, un enfant doit traverser un traumatisme psychologique et un stress lui est imposé au cours des procédures dans les infrastructures judiciaires. De ce fait, nous devons nous assurer que les officiers des tribunaux reçoivent une formation adéquate et sont pédagogiquement bien équipés pour encadrer les enfants victimes. Nous pouvons également envisager la réalité virtuelle pour mieux préparer un enfant à comprendre la procédure judiciaire et l'environnement avant un procès. Dans l'ensemble, la mise en place d'un tribunal pour enfants est dans l'intérêt de nos enfants pour une justice équitable », conclut la Présidente de Raise Brave Girls.
Rita Venkatsamy, Ombudsperson for Children : «La responsabilité pénale passe à 14 ans»
Le Bureau de l’Ombudsperson est directement concerné par cette loi qui sera bientôt promulguée. « Le remplacement de la Child Protection Act par la Children’s Act 2020 est important. Car, cette loi donne un meilleur effet à la Convention sur le droit de l’enfant et l’African Charter on the Rights and Welfare of the Child », indique l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasamy, mandatée pour la protection du droit de l’enfant à Maurice.
En ce qu’il s’agit du changement que cette loi apportera une fois promulguée au parlement, elle indique que la définition du terme « Child Beyond Control » de la Juvenile Offender’s Act a été modifié et n’importe quel parent ne pourra plus demander à ce que son enfant soit placé dans des institutions réformatrices comme cela se faisait auparavant. En référence à un cas reçu récemment à son bureau, elle indique qu’une fille de 16 ans, bien avertie sur ses droits, a manifesté son souhait de se marier et ce avec le consentement de ses parents. Alors que sa place devrait être à l’école.
« L’âge du mariage fixé à 18 ans aura désormais un grand impact sur la vie des enfants. Même avec le consentement des parents, les enfants moins de 18 ans ne pourront pas se marier. Car la place d’un enfant doit être avant tout à l’école. Cela diminuera les mariages précoces », dit-elle. Autre changement qui est noté est l’âge de la responsabilité pénale qui passe à 14 ans. « Il faut éduquer les enfants à leurs droits, mais aussi par rapport à leurs responsabilités dans la vie », énonce l’Ombudsperson for Children.
En ce qu’il s’agit de la Children’s Court Act 2020, Rita Venkatasamy indique que c’est une première d’offrir un environnement « Child Friendly » aux enfants victimes. « C’est une belle avancée et je suis contente que cette décision a été prise », souligne-t-elle. Ceci dit, l’Ombudsperson for Children ne cache pas qu’avec la promulgation de cette loi, il faut aussi veiller à la formation des personnes qui y travailleront surtout par rapport à l’encadrement des enfants victimes et donner des formations et encadrements spécialisés aux Probation Officers pour une meilleure maîtrise des auteurs(es) des délits entre autres. Rita Venkatasamy souligne également l’assistance légale aux jeunes délinquants dont fait provision cette loi.
Toutefois, elle maintient son point de vue qu’un avocat commis d’office est encore nécessaire à ce propos. Et d’ajouter que son Bureau animera sur une base fréquente des discussions pour une connaissance plus profonde sur ces lois avec toutes les parties prenantes travaillant avec les enfants. « Nous sommes aussi mandatés pour la sensibilisation du droit de l’enfant. De ce fait, nous animerons des séances avec des juristes et des Ongs entre autres », dit-elle.
Et de conclure que ces lois étant très profondes responsabiliseront aussi les parents par rapport à leur rôle dans la vie de leur enfant, surtout de les protéger contre la violence.
Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue : «Interdiction des châtiments corporels sur un enfant et condamnation du bullying»
Attendue depuis plus de 15 ans, la Children’s Act est devenue un projet de loi en décembre 2020 et sa promulgation est espérée depuis un an, indique la psychosociologue Mélanie Vigier de Latour-Bérenger. Superviseure certifiée de psychologues, counsellors et thérapeutes, elle est aussi Facilitatrice certifiée de Discipline Positive pour les Parents. Elle est aussi la vice-présidente de la Société des Professionnels en Psychologie à Maurice et membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM) et du Kolektif Drwa Imin (KDI).
Que changera la Children’s Act 2020 à partir de ce 14 décembre ?
De multiples changements positifs y figurent et après plusieurs recommandations de la Convention of the Right of the Child (CRC), l’âge de l’enfant est défini comme toute personne de moins de 18 ans. Aussi plusieurs mesures pour la protection des enfants ont été prises. L’interdiction du mariage de tout enfant, soit de toute personne âgée de moins de 18 ans et que soit mentionnée l’abrogation des sections 145 à 148 du code civil, c’est une avancée précieuse.
D’autres changements positifs y figurent ?
Oui. Comme la reconnaissance et la condamnation du Bullying (Section 8), l’interdiction des châtiments corporels sur tout enfant, ailleurs qu’en milieu scolaire (Section 14), la reconnaissance et la condamnation de la Child Pornography (Section 21), l’incrimination du Child Grooming (Section 22), interdiction de la vente, de faire consommer ou permettre à un enfant de consommer de l’alcool ou tout autre alcool composé (Section 23), le droit à la vie privée de l’enfant victime/ témoin/délinquant (Section 27), l’interdiction de la garde des enfants si un parent est condamné pour un délit ou un crime sexuel (Section 30) entre autres.
La Section 32 de la Children’s Act 2020 sur “Reporting procedures in case of child in need of care and protection where a person has reasonable grounds to believe that a child has been, or is likely to be, exposed to harm, he shall forthwith report the matter to the Police for immediate support and assistance to the child in distress” est aussi important. Car, la possibilité est plus étendue pour signaler des suspicions ou violences sur tout enfant à la police. Ça permettra une plus grande protection des enfants et des personnes qui signalent les cas. Et la Section 34 sur le maintien de la confidentialité sur l’identité de la personne qui signale est essentielle pour mieux protéger les personnes et ceux et celles qui ne le font parfois pas, par peur. Et de manière générale, l’augmentation des sentences pour ceux ou celles qui ne respectent pas ces lois est aussi très positive.
Quid de la Child Sex Offender Register Act 2020?
Il est primordial que l’accompagnement psychologique des auteurs(es) de violence sexuelle soit obligatoire et de s’assurer que ce registre reste confidentiel.
Ces lois vont être des freins à quels problématiques ?
Elles sont des guidelines essentielles pour qu’un cadre soit posé. La prévention et la sensibilisation ainsi que le fait d’outiller les parents et de les aider dans leur parentalité est primordiale. Les recherches montrent que le « secure attachement » entre les parents et les enfants est fondamental pour sa construction. Comme un attachement, fragile et insécure, se retrouve chez les auteurs(es) de violence et de pédocriminalité, c’est dedans qu’il faut investir. Les parents font de leur mieux, mais ce mieux peut souvent être amélioré.
Quelle importance d’un environnement « Child Friendly » dans une cour de justice pour les enfants victimes ?
De multiples études mettent en évidence l’impact de l’environnement sur l’être humain. Un environnement « Child Friendly » dans une cour de justice permettra aux enfants victimes de se sentir plus en confiance pour parler des situations qui sont difficiles et douloureuses.
Implémenter les lois c’est bien, mais faut-il encore plus de formation et de sensibilisation ?
Tout à fait. Il est fondamental que ceux et celles qui y travaillent avec les enfants bénéficient de formation spécifique et appropriée pour le meilleur intérêt de l’enfant, tels que les magistrats(es), avocats(es) du bureau du DPP, des officiers de divers ministères et tout personnel travaillant avec les enfants entre autres.
Mot de la fin ?
Plusieurs éléments positifs émanant de la Children’s Act 2020 bien que tous les articles de la Convention des Droits de l’Enfant n’y figurent pas, tel que cela a été demandé dans les Concluding Observations du CRC de 2006 et de 2015. Il y a plus de mesures de protection incluant l’interdiction du mariage de tout enfant.
Global Rainbow Foundation
Armoogum Parsuramen : « Il y a des lacunes par rapport aux enfants vivant en situation de handicap »
L’entrée en vigueur de la Children’s Act 2020 est une bonne nouvelle pour une meilleure protection du droit de l’enfant au pays. C’est une belle avancée même si elle ne fait pas mention de toutes les obligations, dont fait la Convention sur le droit de l’enfant, et qui font pression pour que les pays signataires, dont fait partie Maurice, les adoptent le plus vite possible. Ainsi, affirme Armoogum Parsuramen, Président de la Global Rainbow Foundation. Cependant, il trouve dommage que trois sections de la Convention sur le droit de l’enfant par rapport aux enfants vivant en situation de handicap n’aient pas été prises en considération dans le Children’s Bill. « Elles n’ont pas été analysées et des provisions n’ont pas été faites dans ce projet de loi. C’est pour moi un manquement par rapport à cette loi. Mais j’espère que le Disability Bill qui sera présenté prochainement à l’Assemblée nationale y fait mention », conclut Armoogum Parsuramen.
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