Depuis des années, des projets ambitieux engloutissent des budgets faramineux afin de réinsérer les jeunes recalés.La Fondation Espoir Développement Beachcomber réussit, elle, à accomplir un petit miracle grâce à son programme de formation. Fréderic Augustin et Carole Thomas, les formateurs à la Fondation, expliquent leur travail.
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Leur bureau austère, situé dans les anciens locaux de Beachcomber, à la route du Jardin, Curepipe, ne laisse guère deviner leur travail de terrain, celui de la formation. « Nous sommes rarement au bureau. La majeure partie de notre travail, c’est la pratique », expliquent en chœur Fréderic et Carole, qui sont investis de la mission de représenter l’action sociale du groupe hôtelier Beachcomner.
La fondation, créée en 2001 à la suite d’une étude menée par le groupe, s’est engagée dans la réinsertion des jeunes déscolarisés, avec, à la clé, un emploi dans un des hôtels du groupe. Le profil durant les inscriptions doit répondre à deux principaux critères : l’endroit où réside le demandeur et les facteurs qui ont occasionné sa déscolarisation.
Certes, durant les entretiens, nous arrivons à cerner à peu près le caractère des candidats et nous évaluons leurs motivations, afin de mieux les connaître»
Au départ, ce sont les localités de Barkly et Tamarin qui sont identifiées, en raison du nombre élevé de jeunes en déscolarisation secondaire qui s’y trouve. Une fois leurs inscriptions faites, ils sont pris en charge par la Beachcomber Academy, à Tamarin. Là, ils bénéficient d’un stage rémunéré de six mois en hôtellerie, avec la possibilité d’être embauchés comme cuisiniers ou valets de chambre. « Un suivi de leur stage est organisé afin d’évaluer leur degré d’engagement, leur comportement. On a noté que le plus souvent les filles étaient les plus assidues », fait observer Carole Thomas, qui s’est par la même occasion rendue compte du niveau de certains de jeunes : « En Form V, certains ne savaient pas lire une phrase. »
Les facteurs de la déscolarisation
Les facteurs de la déscolarisation sont souvent liés aux conditions sociales des familles et leur lieu de résidence. « Il arrive que les parents eux-mêmes n’aient pas été à l’école, ce qui réduit considérablement leurs chances d’obtenir des emplois rémunérateurs », note Frédéric Augustin. Ce facteur donne lieu à d’autres facteurs qui, à leur tour, enferme les enfants dans un cercle vicieux, dont la domiciliation dans des localités à problèmes, où il y a les fléaux sociaux, l’incapacité de bien se nourrir, l’absence de moyens d’être à égalité avec d’autres enfants à l’école. Mais tous les enfants ne subissent pas ces fléaux. Certains sont issus de familles aisées. » En termes clairs, il n’y a pas d’égalité devant l’école.
Pour bien cerner cette problématique, la formation en études sociales à l’université de Maurice (MBA en Human Resources pour Frédéric Augustin et maîtrise en Business Administration pour Carole Thomas) a été d’un apport important. Mais la seule formation académique, admettent-ils, ne suffit pas pour comprendre une situation nécessitant des données empiriques et leur validation théorique.
Nous sommes rarement au bureau. La majeure partie de notre travail, c’est la pratique»
Dans un article paru en 2005 dans la revue Déviance et Société, Maryse Esterle-Hedibel posait déjà la question suivante et tellement universelle : « Les élèves déscolarisés sont-ils des ''exceptions malheureuses'' dans un système qui contrôlerait la scolarité de tous, ou leur situation est-elle significative d’une sélection qui refoule à la marge ceux qui sont en inadéquation avec ses normes ? »
S’ils ne répondent pas directement à cette question, Frédéric et Carole comprennent néanmoins la dimension sociale de la problématique, pour avoir respectivement travaillé au Centre de Solidarité et comme responsable du CSR du collège Saint-Patrick pour le Trust Fund.
Appel aux inscriptions
Depuis 2006, la fondation a étendu son champ d’intervention à cinq régions, toutes dans la proximité des huit hôtels qui appartiennent à Beachcomber. L’appel aux inscriptions se fait à travers l’affichage, par les ONG, les centres sociaux et l’emailing. La réactualisation, si besoin, et leur mise à niveau se décident durant les cours précédents.
Grâce au service régulier d’un psychologue, les cours sont aussi axés sur l’aspect comportemental des stagiaires, car il s’agit de développer chez eux les qualités indispensables au service dans un établissement hôtelier. « Certes, durant les entretiens, nous arrivons à cerner à peu près le caractère des candidats et nous évaluons leurs motivations, afin de mieux les connaître. Mais c’est au psychologue d’affiner nos impressions », nuance Carole. Durant les cours, un accent particulier est mis sur la notion de l’épargne, mais la question, reconnaît Frédéric, est « compliquée » à l’heure où la pub incite sans répit à la surconsommation. « Cet accent sur l’épargne participe à la formation holistique des stagiaires, au développement de leur personnalité et de leurs attitudes, afin qu’ils deviennent des citoyens qui imposent le respect », renchérit Caroline.
Séances de ‘counselling’
À l’enseignement des langues s’ajoutent des séances de counselling, où des intervenants extérieurs abordent des sujets comme le Sida, la drogue et la sexualité. Il y a aussi un expert en communications qui aide à nouer le dialogue avec leurs parents. La présence des professionnels extrascolaires comme un psychologue, un sociologue ou des counsellors a pour objectif de favoriser l’insertion inclusive de ces jeunes et de répondre aux attentes d’une clientèle touristique toujours plus exigeante. « Dans ce sens, la formation se doit d’être pointue, ciblée et rigoureuse », concèdent Fréderic et Carole, qui font valoir que la passion et les résultats positifs obtenus les motivent davantage.
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