La Prof (Dr) Romeela Mohee, Commissioner de la Higher Education Commission (HEC), fait un tour d’horizon de l’éducation supérieure. Selon les chiffres disponibles, on note une augmentation significative du nombre d’étudiants étrangers à Maurice entre 2014 et décembre 2022, passant de 1 546 à 3 020.
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Vous êtes la Commissioner du HEC, pouvez-vous nous parler des principaux défis auxquels est confrontée l’éducation supérieure à l’île Maurice actuellement ?
L’éducation supérieure à l’île Maurice est confrontée à plusieurs défis actuellement. Parmi les principaux, on peut citer :
1. L’adaptation aux besoins du marché du travail : Les établissements d’enseignement supérieur doivent pouvoir s’adapter rapidement aux évolutions du marché du travail et offrir une formation pertinente et actualisée afin de préparer les étudiants à leur future carrière. En 2022, la HEC a réalisé une enquête – Graduate Tracer Study. Ce document nous fournit des données concrètes sur le nombre de diplômés ayant trouvé un emploi dans les deux années suivant l’obtention de leur diplôme.
2. La recherche et l’innovation : La promotion de la recherche et de l’innovation constitue un défi majeur pour l’enseignement supérieur à l’île Maurice. Bien que le secteur de la recherche menant à des produits novateurs soit encore à ses débuts, il est très prometteur. Il est essentiel d’investir dans la recherche scientifique et technologique pour stimuler le développement économique et social du pays. À la HEC, nous disposons d’une quinzaine de programmes de recherche pour les universitaires. À ce jour, la HEC a validé un nombre significatif de projets dans le cadre de ces programmes de recherche, et dans plusieurs domaines. Certains de ces projets se font en collaboration avec le secteur privé, mais aussi avec d’autres institutions d’enseignement tertiaire. Il y a donc beaucoup d’opportunités de recherches à Maurice et on souhaite voir, dans un futur proche, plus d’accent sur l’impact des projets et des applications dans l’industrie, la société et encourager nos académiques à travailler en collaboration avec d’autres chercheurs.
3. Accès à l’éducation et équité : Malgré les progrès réalisés dans le domaine de l’éducation, l’accès à l’enseignement supérieur était un défi pour de nombreux étudiants mauriciens, en particulier ceux issus de milieux socio-économiques défavorisés. Les coûts associés aux frais de scolarité, aux fournitures scolaires et aux dépenses de subsistance peuvent constituer des obstacles majeurs pour ces étudiants. Le programme d’éducation tertiaire gratuit à Maurice, lancé en janvier 2019, démocratise l’accès à l’enseignement supérieur en offrant à tous les Mauriciens la possibilité de poursuivre des études tertiaires sans frais de scolarité. Ce programme vise à garantir une égalité des chances en permettant à chaque citoyen, indépendamment de son statut financier, de bénéficier d’une éducation supérieure de qualité.
4. Qualité de l’enseignement et de l’apprentissage : Assurer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur est un autre défi crucial. Il est important que les programmes académiques offerts par les institutions répondent aux normes internationales de qualité et préparent efficacement les étudiants à relever les défis du marché du travail. Cela nécessite non seulement des enseignants qualifiés et bien formés, mais aussi des infrastructures modernes, des ressources pédagogiques actualisées et des méthodes d’enseignement innovantes. La mise en place de mécanismes d’évaluation et d’assurance qualité robustes est également essentielle pour garantir la qualité et la pertinence des programmes d’études proposés. La HEC accrédite tous les programmes des universités publiques et privés. À ce jour, plus de 200 programmes ont été accrédités.
La promotion de la recherche et de l’innovation constitue un défi majeur pour l’enseignement supérieur à l’île Maurice"
Quels sont les objectifs stratégiques que vous visez pour améliorer le système éducatif supérieur dans le pays ?
En tant que régulateur, notre objectif principal est de rendre l’accès à l’enseignement supérieur plus démocratique, offrant ainsi des opportunités équitables à tous les citoyens désireux de poursuivre des études supérieures. Pour cela, nous nous engageons à mettre en place des programmes éducatifs flexibles qui répondent aux besoins individuels des étudiants, leur permettant de progresser à leur propre rythme et de choisir des micro-certifications adaptées à leurs objectifs professionnels. Nous nous efforçons également de diversifier les méthodes pédagogiques pour mieux répondre aux différentes préférences d’apprentissage.
Nous travaillons à mettre en place un cadre réglementaire transparent qui facilite la reconnaissance des crédits entre les différentes institutions éducatives, garantissant ainsi une plus grande fluidité dans les parcours académiques des étudiants et une mobilité entre universités. En outre, nous collaborons étroitement avec les acteurs du secteur pour élaborer des normes de qualité et des lignes directrices claires pour l’évaluation des programmes, en utilisant le Credit System.
Nous nous efforçons de développer des voies de progression transparentes pour les étudiants issus de diverses filières éducatives, notamment de la formation professionnelle et technique (TVET) vers l’enseignement supérieur (HE), afin de garantir une inclusivité accrue dans l’accès à l’enseignement supérieur. Cela implique la création de programmes de transition et de soutien pour faciliter la réussite des étudiants provenant de ces parcours alternatifs.
Nous encourageons l’intégration des technologies éducatives pour améliorer l’apprentissage des étudiants et favoriser l’interaction tant dans les salles de classe physiques que virtuelles. La HEC dirige ce projet en collaboration avec le Commonwealth of Learning, Canada. Nous investissons également dans la formation des enseignants pour les aider à tirer parti efficacement des outils technologiques et à les intégrer de manière optimale dans leurs pratiques pédagogiques. À ce jour, quatre universités publiques et deux institutions publiques ont développé leurs stratégies de « Online e-learning » et environ 40 cours suivant les paramètres de « Open Educational Resources ».
Comment l’île Maurice s’efforce-t-elle d’assurer l’accessibilité et l’équité dans l’éducation supérieure ?
L’île Maurice met en œuvre plusieurs initiatives pour assurer l’accessibilité et l’équité dans l’éducation supérieure. Voici quelques-unes de ces stratégies :
Depuis janvier 2019, le gouvernement mauricien a mis en place le Free Tertiary Education Scheme (FTES). Ce Scheme est ouvert à tous les Mauriciens qui veulent poursuivre leurs études tertiaires. Les bénéficiaires du FTES sont exonérés des frais de scolarité. Les 10 institutions publiques concernées sont : UoM, UTM, UdM, OUM, MIE, MGI (Tertiary), RTI (Tertiary), ADI, PML et MITD.
Le gouvernement mauricien propose des programmes de bourses pour aider les étudiants sous le Social Register of Mauritius à accéder à l’éducation supérieure.
Les banques offrent des prêts pour les étudiants qui ne sont pas éligibles aux bourses ou qui ont besoin d’un soutien financier supplémentaire pour poursuivre leurs études.
Les institutions d’enseignement supérieur proposent souvent des programmes d’études à temps partiel, et des formations en « blended mode » pour permettre aux étudiants de concilier leurs études avec d’autres responsabilités comme le travail ou la famille. Depuis 2022, la HEC, avec le soutien du Commonwealth of Learning (COL), travaille avec les institutions publiques pour développer des cours en lignes.
Quelles initiatives le gouvernement prend-il pour encourager la recherche et l’innovation au sein des institutions d’enseignement supérieur ?
On met en œuvre plusieurs initiatives pour encourager la recherche et l’innovation au sein des institutions d’enseignement supérieur :
Le gouvernement alloue Rs 50M à travers le Research Fund pour soutenir la recherche fondamentale et appliquée dans divers domaines, y compris les sciences, la technologie, l’ingénierie, les sciences sociales et les arts. À ce jour, nous avons financé 112 projets pour la somme totale de Rs 168 340 433,66.
La HEC octroie des bourses d’études, à plein temps ou temps partiel, à un nombre d’étudiants tous les ans. Pour la période 2023-2024, nous venons d’octroyer 36 bourses à ceux qui poursuivent leur doctorat dans les universités publiques.
Quelles sont les mesures prises pour garantir la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur mauriciens ?
En vertu de la Higher Education Act, 2017, la Commission est mandatée pour accréditer les programmes d’études des institutions tertiaires publiques et privées. La HEC met en place un nouveau Regulatory Framework. Les programmes académiques offerts par les établissements d’enseignement supérieur sont soumis à un processus d’accréditation rigoureux. Donc, cela inclut l’application des normes pour l’accréditation des cours et la vérification qu’ils sont à jour et pertinents, ainsi que la mise à jour régulière du programme. Cela garantit que les programmes répondent à des normes élevées en termes de qualité de l’enseignement, de contenu du programme.
La Commission organise des ateliers de travail pour les académiciens tels que la recherche et l’utilisation de la technologie pour l’enseignement.
La Commission prône l’intégration de la technologie éducative pour l’apprentissage des étudiants et favoriser l’interaction en classe physique comme virtuelle. La HEC, en collaboration avec le COL, forme depuis deux ans déjà nos académiciens sur l’usage du Moodle pour développer des cours en ligne et l’usage des ressources éducatives libre pour l’apprentissage des étudiants.
En tant que régulateur, il est essentiel de rencontrer régulièrement les responsables des établissements tertiaires publics et privés afin de prendre note des défis auxquels ils sont confrontés et de collaborer à la recherche de solutions pour résoudre les problèmes, ou pour échanger des idées en vue de faire progresser l’enseignement supérieur à Maurice.
À ce jour, plus de 200 programmes ont été accrédités"
Comment les programmes d’études sont-ils conçus pour répondre aux besoins spécifiques du marché du travail local ?
Les liens entre l’université et l’industrie à Maurice sont cruciaux pour favoriser le développement économique et technologique du pays. Ces relations se matérialisent par le biais de collaborations, de partenariats et d’échanges mutuellement bénéfiques entre les institutions académiques et les entreprises.
Les universités/institutions doivent effectuer régulièrement des études du marché et des consultations avec des entreprises locales pour comprendre les compétences et les connaissances requises par les employeurs. Cette analyse les aidera à identifier les secteurs de croissance, les compétences en demande et les tendances du marché du travail.
Par la suite, ils pourront développer les programmes académiques adaptés pour inclure des modules et des cours pertinents qui reflètent les besoins du marché du travail local. Les universités peuvent également introduire de nouveaux programmes ou spécialisations en fonction des tendances émergentes et utilisant les micro-credentials. La HEC et la MQA développent un National Framework pour reconnaître les micro-credentials au niveau du TVET et du Higher Education.
D’une part, les universités mauriciennes s’efforcent à répondre aux besoins du marché du travail en formant des étudiants dotés des compétences et des connaissances recherchées par les entreprises. Les programmes académiques doivent être élaborés en consultation avec des représentants de l’industrie pour garantir leur pertinence et leur actualité. Aussi, les universités offrent souvent des opportunités de stages, de projets de recherche et de formations professionnelles en collaboration avec des entreprises locales et internationales.
D’autre part, les entreprises bénéficient également de ces collaborations en ayant accès à un vivier de talents qualifiés, à la recherche et à l’expertise disponible au sein des universités. Elles peuvent ainsi recruter des diplômés formés selon leurs besoins spécifiques et collaborer avec des chercheurs universitaires pour innover, développer de nouveaux produits ou services, et résoudre des défis technologiques.
Dans la pratique, les programmes d’études intègrent souvent des stages obligatoires dans des entreprises locales. Ces expériences permettent aux étudiants d’acquérir une expérience professionnelle concrète, de développer des compétences pratiques et de se familiariser avec les exigences du marché du travail.
Bien sûr, il faut aussi que les programmes d’études soient régulièrement révisés et mis à jour pour refléter les évolutions du marché du travail, les avancées technologiques et les nouvelles exigences réglementaires.
En outre, l’introduction des « micro-certifications » ou « micro-diplômes » permet aux entreprises de collaborer avec les universités pour proposer des programmes d’apprentissage courts et ciblés. Ces programmes mettent l’accent sur l’acquisition de compétences spécifiques, répondant ainsi aux besoins du marché du travail en offrant une formation pratique et pertinente dans des domaines spécifiques.
Nous visons à mettre en place des programmes éducatifs flexibles qui répondent aux besoins individuels des étudiants…"
Comment les partenariats public-privé sont-ils encouragés pour soutenir le développement de l’éducation supérieure à l’île Maurice ?
Les Smart Cities, comme Beau Plan et Médine (UNICITI), créent un environnement favorable à la collaboration entre les entreprises privées et les institutions académiques. Le gouvernement met en place les mécanismes nécessaires pour encourager le secteur privé à collaborer.
Les partenariats public-privé sont cruciaux pour promouvoir l’internationalisation de l’éducation supérieure à Maurice. Le secteur privé investit dans ces projets et encourage l’implantation de grandes universités internationales renommées à Maurice. Les universités collaborent avec les entreprises pour élaborer des programmes académiques internationaux et faciliter les échanges d’étudiants. Ces partenariats favorisent la diversité culturelle et linguistique sur les campus et renforcent la réputation internationale des institutions mauriciennes.
La coopération entre le gouvernement, les institutions académiques et le secteur privé est également essentielle pour attirer et accueillir des étudiants internationaux à Maurice. Avec l’avènement des Smart Cities, le nombre d’étudiants étrangers sur le sol mauricien a presque doublé en dix ans. En 2014, nous avions environ 1 546 étudiants étrangers, et en décembre 2022, ce chiffre avait augmenté pour atteindre 3 020.
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