La privatisation de la Central Water Authority revient dans l’actualité. Le conseil des ministres a agréé à la mise en pratique des recommandations de la Banque mondiale (BM) sur les réformes. Cette institution préconise le recours à un opérateur privé pour la distribution d’eau à Maurice.
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Le conseil des ministres a agréé, vendredi dernier, à la mise en œuvre des recommandations de la BM concernant les réformes à la Central Water Authority (CWA). Pour rappel, cette instance internationale avait été appelée à réaliser une étude en 2015 sur le secteur de l’eau potable à Maurice.
L’objectif était de voir comment améliorer le service, garantir une distribution d’eau efficace, utiliser judicieusement le financement et assurer la stabilité financière du secteur.
La BM a recommandé que la CWA fasse appel au soutien d’un opérateur expérimenté pour améliorer la distribution d’eau tout au long de l’année. La CWA devra aussi avoir recours à un opérateur privé pour gérer et entretenir le réseau de distribution d’eau potable. De son coté, la CWA, propriétaire des infrastructures, sera responsable des investissements, de la planification et de la détermination des tarifs.
En février 2016, le gouvernement a signé un accord intitulé ‘Reimbursable Advisory Services (RAS)’, avec la BM portant sur les réformes dans le secteur eau.
Les craintes d’une privatisation
- Processus mené trop rapidement, ne permettant pas d’obtenir le meilleur arrangement
- Pas d’appel d’offres concurrentiels
- Recherche du tarif le plus bas, même si le plan d’affaires est irréalisable
- Surévaluation ou mauvaise évaluation de l’état du réseau
- La disparition des subventions de l’État
- Licenciement des travailleurs en surplus
- Gestion d’un secteur vital par le privé
Selon la BM, Maurice souffre d’une pénurie d’eau et est déjà classifié comme un ‘water-stressed country’ et la situation s’empirera d’ici 2020. Les changements climatiques affectent également la situation..
Questions des employés
- Qui sera l’employeur ?
- Qui se chargera du paiement des salaires ?
- Les privilèges acquis, comme le PRB, seront-ils maintenus ?
- Y aura-t-il perte d’emploi ?
La privatisation de la CWA, ou plutôt le programme de réformes, a toujours suscité un vif débat, que ce soit parmi les employés, les syndicats ou la société civile. Une des craintes principales est qu’avec la privatisation, le tarif d’eau pourra être plus élevé. Aussi, la CWA étant une entité publique, elle a également pour vocation de fournir de l’eau potable même à perte.
Ceux qui sont contre la privatisation arguent qu’un opérateur privé ne sera motivé que par les bénéfices et n’aura aucun intérêt à fournir de l’eau là où il n’y a pas de profits. La résistance s’organise avec la ‘Plate-forme Anti-Privatisation’ déjà en action. Cette plate-forme comprend des représentants syndicaux et ceux de la société civile.
Par contre, ceux qui sont pour la privatisation expliquent que le problème n’est pas que les tarifs d’eau seront trop élevés, mais plutôt qu’ils ne le sont pas assez lorsque l’organisation est un service public, ce qui incite au gaspillage et au sous-investissement. Ce qui importe n’est pas d’avoir un tarif excessivement bas, mais plutôt d’investir après des années de sous-investissement par l’État.
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5 niveaux d’implication
Selon Fredrik Segerfeldt, chercheur suédois qui collabore avec plusieurs « think-tanks » libéraux et auteur de l’ouvrage “Water-For-Sale: How Business and the Market Can Resolve the Worlds Water Crisis”, le mot ‘privatisation’ a été utilisé à tort et à travers à chaque fois qu’une entreprise privée a été impliquée de près ou de loin avec la distribution d’eau. Plusieurs « privatisations » ont été mal ficelées et n’ont été que des mascarades de beaux principes non-appliqués. En réalité, il n’existe à peu près pas d’exemple de véritable privatisation dérèglementée des actifs d’une société d’aqueduc. En fait, on retrouve cinq niveaux d’implication du secteur privé :
- Un simple contrat de service, en vertu duquel une entreprise privée veille à l’entretien du réseau.
- Un contrat d’opération, selon lequel une entreprise privée opère le réseau sans toutefois en être propriétaire.
- Un bail, qui résulte en ce que l’entreprise privée loue les infrastructures pendant une période déterminée et finie.
- Une concession qui, similaire à un bail, annexe de cibles à atteindre concernant le tarif, le nombre de foyers connectés, la quantité d’eau produite, la qualité de l’eau produite, etc.
- La possession complète et définitive des infrastructures, assortie d’une réglementation par les autorités gouvernementales.
Ashwin Baijnath : «C’est dans l’intérêt du pays»
Ashwin Baijnath, Business Consultant, explique que la privatisation de la CWA est primordiale, car c’est dans l’intérêt du pays. « Avec la privatisation, le service va s’améliorer. Bien sûr, il y a des craintes d’une hausse de tarif, mais actuellement, avec un tarif bas, le service laisse à désirer, et je pense que les consommateurs accepteront de payer plus pour un meilleur service. Puis, c’est au gouvernement de voir comment continuer à subventionner les foyers pauvres qui ne peuvent payer la facture. À titre de comparaison, allez voir comment le service de ‘fitness’ s’est considérablement améliorer avec la privatisation. »
Jayen Chellum de l’ACIM : «Nous sommes contre la privatisation»
Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), se dit contre la privatisation de la CWA. « Depuis assez longtemps, nous prenons position contre une éventuelle privatisation de la CWA. L’eau est un ‘public good’ et sa production et gestion doit toujours être entre les mains du gouvernement. Une privatisation entraînera définitivement une hausse du tarif et pénalisera les consommateurs, surtout ceux au bas de l’échelle.
Nous notons que le ministre des Utilités publiques veut à tout prix amener une privatisation, et nous allons même jusqu’à dire qu’il tient le gouvernement en otage. Même le directeur de la CWA pense que la privatisation n’est pas nécessaire et que la CWA a la capacité de surmonter ses problèmes. Or, je suis persuadé que nous pouvons résoudre nos problèmes d’eau sans passer par la privatisation. Savez-vous que nous avons déjà les fonds nécessaires pour investir, à travers le Build Mauritius Fund ? Nous n’avons même pas besoin d'investissements privés. Si nous arrivons à réduire les pertes dans le réseau et à revoir les ‘Water Rights’ afin que l’État ait mieux accès à l’eau qui se trouve en propriété privée, notre problème sera résolu. C’est dommage que notre demande de rencontre avec le ministre et la CWA a été rejetée. »
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