Pravind Jugnauth : «Il y aura un vainqueur clair et net»

Le leader de l’Alliance Morisien (MSM/ML) est confiant en une victoire après avoir constaté que le MSM a considérablement élargi sa base électorale. À son avis, la masse silencieuse ne prendra pas le risque de freiner l'élan du développement en conduisant l’Alliance Nationale au pouvoir.

« Je fais confiance à l’intelligence des électeurs. »

À cinq jours des élections générales, quelle est votre évaluation sur le terrain ?
J’ai été impressionné et touché par l’accueil chaleureux que j’ai reçu dans toutes les régions de l'île. Tous ces congrès auxquels j’ai participé depuis le début de la campagne m’ont permis de constater que le MSM a considérablement élargi sa base électorale. Nous bénéficions d’un ancrage national qui transcende à la fois les différences ethniques, géographiques et sociales. La campagne elle-même se déroule dans de bonnes conditions. Je dois féliciter l'électorat mauricien, dans son ensemble, pour son comportement. Les meetings, congrès et porte-à-porte se déroulent dans une ambiance généralement calme, malgré quelques heurts mineurs. L’électorat fait montre d'une grande maturité et d’un sens élevé de responsabilité. Il ne s’est pas laissé influencer, ni par les discours de haine, ni par leurs moyens financiers énormes et encore moins par les fausses informations relayées par certains médias.

Les législatives de 2019 ont un aspect inhabituel. Elles opposent trois camps et pas deux, comme d’habitude. Considérez-vous que cela pourrait être hasardeux pour le pays ?
Il est vrai que quand le champ politique est plus ouvert, cela peut rendre difficile l'émergence d'une majorité stable. Mais j'espère ne pas me tromper en disant que, contrairement à ce qui s’est passé en 1976, il y aura cette fois un vainqueur clair et net. Tout indique que nous allons détenir une majorité parlementaire forte et constituer un gouvernement stable et durable. Un gouvernement dont le bon fonctionnement sera assuré grâce à la cohésion de notre équipe. En face, vous avez une alliance hétéroclite, composée du PTr et du PMSD et d’un mouvement mort-né, celui de Barbier. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une équipe unie. Seul l'appât immodéré du pouvoir unit cet attelage.

Le vote couper/trancher et l’absentéisme risquent de jouer les trouble-fête en privant les principaux protagonistes d’une majorité confortable et les contraindre à une alliance post-électorale. Appréhendez-vous cette éventualité ?
Je fais confiance à l’intelligence des électeurs. Le 7 novembre, ils voteront pour un programme. Ils plébisciteront un leader qui honore ses engagements envers la nation. Les électeurs, j’en suis convaincu, sauront voir au-delà des intérêts étroits d’un quelconque groupe, mais tiendront compte de l'intérêt national. Ils savent que s’ils se livrent à la pratique du vote panaché, ou « couper/trancher » comme vous dites, il en résultera une majorité instable. Ce sera au détriment de l'intérêt national.

Vous avez maintenu le ML et non pas le MMM comme partenaire pour affronter l’alliance PTr/PMSD. Pensez-vous que le bilan de votre gouvernement suffira pour rallier les électeurs ?
D’une part, je dois faire ressortir que le ML a été un partenaire loyal pendant ces cinq dernières années et ne s’est jamais comporté comme une « zoli mamzel » à la recherche de nouveaux séducteurs. De l’autre, j’ajouterai qu’il n'était pas nécessaire d’aller chercher le MMM, parce que les militants authentiques se sont progressivement joints au MSM. Ces vrais militants n’ont jamais compris pourquoi leur leader a mordu à l'hameçon sanglant qui lui avait été tendu en 2014 par Ramgoolam.

Ne craignez-vous pas que des facteurs négatifs éclipsent vos réalisations et l’image du leader intègre que vous projetez ?
Non, je le redis, nous avons un électorat capable de discernement et il ne se laissera pas facilement affecter par les bruits parasites qui viennent d’opposants en manque d’arguments ou des médias instrumentalisés. Mes réalisations en tant que Premier ministre, ma crédibilité, ma vision pour l’avenir de mon pays et les valeurs que je porte seront les facteurs prioritaires qui détermineront le choix de l'électorat. 

Quel impact peuvent avoir ces promesses électorales attrayantes que font miroiter les différents camps ?
C’est clair qu’il y a eu deux démarches totalement opposées durant cette campagne. Nos adversaires se proposent de distribuer des cadeaux extravagants à des groupes ciblés. Nous avons, nous, élaboré des projets sociétaux. Des projets qui se concrétisent à travers des engagements réfléchis, notamment sur la pension de vieillesse. Cela n’a rien à voir avec la surenchère clientéliste de nos adversaires qui tentent tout pour plaire.

L’Alliance Nationale a tout simplement repris notre programme, en a rajouté une couche et prétendu que ses offres sont plus brillantes. Ils ont fini par présenter à la nation un assemblage incohérent de mesures populistes qui défient le bon sens et, en même temps, ils crient sur tous les toits que le pays est surendetté et que les caisses publiques sont vides. C’est du n’importe quoi

Heureusement que le peuple n’est pas dupe et qu’ils n’auront pas l’occasion de dilapider les fonds publics acquis au prix des efforts et sacrifices du peuple. Car, le peuple leur indiquera la voie de la retraite politique dans quelques jours.

Votre décision de priver une quinzaine de députés, PPS et ministres d’investitures produit-elle déjà les résultats escomptés ? 
L'attente du pays en matière de renouvellement de la classe politique était forte. J’ai écouté la voix du peuple. Les résultats sont visibles, bien sûr. Vous n’avez qu'à voir l’accueil réservé à nos candidats qui ont reçu une investiture pour la première fois, à chacune de leurs sorties publiques.

L’Alliance Morisien est-elle déjà parvenue à convaincre la masse silencieuse ? Sur quels thèmes ?
Vous avez raison de faire référence à la masse silencieuse. Elle constitue la grande majorité des électeurs et, dans sa sagesse, elle a déjà bien saisi les enjeux de ces élections. Cette masse silencieuse ne fait pas de bruit sur les réseaux sociaux mais s'exprime avec force dans les urnes à l'occasion des élections. Les gens sont conscients qu’il y aura davantage de justice sociale et de progrès avec nous. Ils se souviennent de la période glauque du règne travailliste pendant laquelle Sithanen inventait de nouvelles taxes chaque année.

La masse silencieuse a compris la menace que représente Sithanen pour la justice sociale et le progrès. Elle ne prendra pas le risque de freiner l'élan du développement avec Ramgoolam au pouvoir. Au contraire, elle sait que nous allons poursuivre la modernisation de nos infrastructures en investissant davantage dans le Port, l'aéroport...

Justement, on vous reproche souvent l’endettement « démesuré » du pays. Que répondez-vous à cela ?
Il est temps qu’on cesse de se faire écho de cet argument fallacieux que répand le PTr, un parti qui a lui-même laissé notre économie en ruines en 2014 et que nous avons eu à reconstruire. Notre travail a d’ailleurs été salué par les grandes institutions internationales. La semaine dernière encore, la Banque mondiale classait Maurice au 13e rang sur une liste de 190 pays dans un rapport qui mesure la facilité pour faire des affaires.

Vous répercutez cette propagande sur le prétendu surendettement. Sachez que la dette publique considérée isolément peut être trompeuse. Pour avoir une idée de la santé de l'économie, il faut considérer un ensemble de facteurs dont les réserves en devises et le PIB.

Sachez aussi que si la dette publique a enregistré une hausse relative en cinq ans, les réserves du pays ont, elles, augmenté d’une manière exponentielle de plus de 100 % durant la même période.
Posez la question aux économistes. Ils vous expliqueront qu’il n’y a aucun souci à se faire au sujet de la dette publique. Car le ratio service de la dette/exportations tourne autour de 4 % seulement tandis que la valeur de référence pour ce ratio est de 10 %.

Finalement, il faut surtout tenir compte du fait des investissements importants que nous avons entrepris pour moderniser nos infrastructures qui sont des investissements productifs.