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Pradeep Taukoor, Acting Ward Manager : «Les infirmiers sont les premiers au front des services de santé»

Pradeep Taukoor Pradeep Taukoor est Acting Ward Manager à l’hôpital Victoria et secrétaire de la Health Services Union.

Quels sont les défis et contraintes auxquels font face les infirmiers dans une île Maurice en pleine mutation économique et sociale depuis ces derniers dix ans ? À l’occasion de l’International Nurses Day, célébré chaque 12 mai, Pradeep Taukoor, Acting Ward Manager à l’hôpital Victoria et secrétaire de la Health Services Union, dresse le portrait d’un métier devenu de plus en plus exigeant.

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Le 12 mai marque la date de naissance de Florence Nightingale (1820-1910), pionnière des soins infirmiers  modernes et qui a été la première à défendre ses compétences et celle de ses collègues. Aujourd’hui, l’image de ces jeunes femmes dynamiques et volontaires portant des brancards durant les conflits militaires a fait place à des professionnels formés aux attentes dans le domaine médical, mais aussi à l’écoute de patients toujours plus exigeants.

Dans la grande salle d’accueil du centre hospitalier de Candos, Pradeep Taukoor, du haut de ses 37 années de service, connaît du bout de ses doigts cette nouvelle réalité pour avoir été acteur dans toutes les mutations qui ont affecté le secteur paramédical mauricien. « Le métier n’est pas plus difficile mais plus chargé de responsabilités », dit-il. Quarante-ans de cela, il suffisait d’un certificat de SC pour s’enrôler, aujourd’hui, le ministère de la Santé exige un diplôme délivré par l’École de formation des infirmiers, avec des connaissances en communication, gériatrie et ‘Transcultural Nursing’. « Ce dernier terme exige de connaiître les pratiques des communautés religieuses de l’île, notamment en termes alimentaires ou encore de transfusion », explique-t-il.

Les premiers au front

Dans le quotidien, les infirmiers sont aussi les premiers au front : l’accueil des patients, la prise des informations, la canalisation vers les services et le soutien en salle d’opération pour certains d’entre eux. « Ces nouvelles responsabilités imposent des conditions de travail qui, parfois, prennent à contrepied le statut des infirmiers titulaires d’un diplôme. Les salaires n’ont pas été ajustés  et les cantines ne sont pas suffisamment spacieuses », fait-il observer. Mais, dans le même temps, notre interlocuteur met en avant les avancées qui ont rehaussé le statut dans le métier : le paiement des congés de maladie, des heures supplémentaires et des bonis de présence de nuit. Ces allocations ont sans doute été consenties afin d’enrayer l’exode des infirmières et infirmiers vers des pays du Golfe, qui offraient des salaires plus attrayants.

« C’est à ce moment-là que le gouvernement s’est rendu compte de notre niveau d’expérience, qui remonte à l’époque des Britanniques », fait valoir Pradeep Taukoor. Depuis, poursuit-il, les responsabilités du corps paramédical se sont accrues au fur et à mesure que les services de santé publics se sont améliorés, notamment avec l’extension des services vers des départements dédiés, la spécialisation des médecins, l’ouverture des centres de santé décentralisés, l’acquisition d’appareils sophistiqués, entre autres.

« Cela a exigé plus de formation pour les infirmiers pour manipuler, entre autres, les appareils de dialyse, les défibrillateurs destinés à la réanimation cardio-pulmonaire, sans oublier le personnel affecté aux premiers soins dans les ambulances. Toutes ces pressions exigent un haut degré de professionnalisme, notamment s’agissant des maladies psychiatriques.  À ce jour, je peux dire que nous arrivons à gérer ces challenges. Mais, on peut toujours améliorer, surtout en informatisant les données sur les patients dans les centres hospitaliers publics. »

Situations tendues

La nouvelle réalité, sans doute aussi pertinente que leurs responsabilités premières, est le rapport avec les patients. À ce sujet, Pradeep Taukoor reconnaît qu’il arrive que la pression des responsabilités chez certains infirmiers aboutisse à des situations tendues avec des patients pressés d’obtenir des soins. « Il est normal que ces derniers veulent un service pour lequel il a payé en tant que contribuable, mais c’est un service public, avec ses contraintes comme il en existe dans tous les pays, même les plus riches. On n’a pas les mêmes moyens que le service privé, mais en termes d’équipements, notamment dans le service cardiologie, nous sommes mieux équipés  », nuance-t-il.

L’ouverture des ‘dispensers’ a aussi permis à certains infirmiers - dont une majorité de femmes - de travailler à des heures de bureau, leur privant toutefois des avantages cités plus haut. « Cela convient à ces personnes qui souhaitent cet horaire, de même que  l’administration peut assigner du personnel à des unités dédiées au traitement des virus. Les personnes qui s’engagent dans ce métier y sont conscientes. Ainsi, ceux qui travaillent à l’hôpital du Nord peuvent à tout moment être affectés à l’unité qui traite le sida et la tuberculose. Même s’ils refusent, d’autres le feront et c’est tout à leur honneur.  Mais, ce qui nous préoccupe le plus, c’est la gravité du diabète et des maladies cardio-vasculaires, l’obésité, l’alcoolisme, le tabagisme, la malbouffe, les maladies liées aux drogues, dont l’hépatite B », fait ressortir Pradeep Taukoor, qui a été parmi les premiers infirmiers à animer des sessions d’informations sur les maladies non-transmissibles, dont le diabète, dans les années 70.

« Tous ces soins coûtent au service hospitalier public, aussi la population devrait-elle être mieux attentive à nos conseils en termes de règles de vie. Nous ne devrons pas suivre les yeux fermés le mode de vie occidental, où tout n’est pas exemplaire. La première règle élémentaire est l’adoption d’un mode de vie sain, avec des repas équilibrés. Si nous n’instruisons pas les enfants aujourd’hui, à l’âge adulte, ils seront rattrapés par ces maladies. Nous, les infirmiers, connaissons aussi cette réalité; chaque jour, nous croisons des gens qui souffrent, de complications ou de problèmes sociaux. Nous sommes un peu aux premières loges des maux de notre société », lâche-t-il.

 

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