Le blocage d’un passage sur une plage, en particulier à La Preneuse, a donné lieu à des protestations sur la Toile, avec photos à l’appui. Cela a suscité de vives réactions, remettant sur le tapis le dossier de l’accès aux plages. Cependant, au niveau de mru2025, on explique que la loi ne stipule pas que toute plage est publique jusqu’à 11 mètres à partir de la limite de la marée haute.
Carina Gounden de mru2025, qui regroupe les citoyens de la campagne Aret Kokin Nu Laplaz, explique qu’il y a des clarifications à faire concernant l’accès aux plages. Elle met en avant que la loi ne stipule pas que toute plage est publique jusqu’à 11 mètres à partir de la limite de la marée haute.
Elle ajoute que selon la Pas Géométriques Act, les pas géométriques sont des « reserved land » le long du littoral, mesurant au minimum 81 mètres et 21 centimètres. Comme le précise l’Act : « shall be reckoned from the line of the seashore which is reached by high water at spring tide, and shall never be less than 81 metres and 21 centimetres ». Le public peut néanmoins passer en dessous du high water mark, ce qui oblige aujourd’hui à marcher dans la mer à cause de l’érosion et la mer qui a gagné du terrain.
Carina Gounden souligne que ces terrains appartiennent au domaine public et sont considérés comme « inaliénables et imprescriptibles ». Cependant, ils peuvent être loués sous forme de baux. « Ces baux confèrent aux détenteurs des droits d’occupation leur permettant, en pratique, de restreindre l’accès. Ainsi, bien que la majorité du littoral relève du domaine public, l’accès n’est pas automatiquement garanti, car l’État décide de leur usage », explique-t-elle.
Cette dernière poursuit que les espaces où le public peut s’installer pour pique-niquer ou se détendre sont limités aux zones désignées comme « public beaches ». Selon le site de la Beach Authority, sur un littoral de 322 kilomètres, seulement 48 kilomètres sont classés comme plages publiques, soit moins de 15 %.
Un cadre législatif dépassé et inadapté
Carina Gounden précise que le cadre législatif mauricien est clairement unfit for purpose. « Le détenteur du bail peut donc empêcher tout passage au-dessus du High Water Mark, selon ce qui est défini dans le contrat du bail. Ce qui est très problématique pour la sécurité du public dans les zones de bord de mer où il n’y a pas de plages mais des rochers ou des eaux dangereuses. Dans le cas des pas géométriques sur falaises loués à bail, la situation est d’autant plus chaotique ; le public, en théorie, serait contraint de passer aux pieds des falaises, face aux vagues déferlantes, car les détenteurs de baux en ont la jouissance jusqu’aux bords », met-elle en avant.
Toutefois, elle souligne qu’avec les changements climatiques, la législation actuelle doit être révisée. Ce qui était autrefois « sec » se trouve aujourd’hui sous l’eau, rendant impossible de faire le tour de l’île par le littoral. Selon elle, les conflits vont continuer à augmenter si l’État ne prend pas en charge véritablement ces situations de conflits autour du problème d’accès au littoral.
Elle fait ressortir que la Law Reform Commission s’est penchée sur cette question avec la publication en juin dernier d’un Issue Paper intitulé « Criminalisation of denial of access to public beaches in Mauritius ».
Pour un littoral protégé et partagé
« Le littoral est un bien commun. Nous devons apprendre à partager cet espace, à en profiter dans le respect des uns et des autres et à le protéger face aux effets des changements climatiques », plaide-t-elle.
Elle poursuit que la France et le Royaume-Uni avancent sur des projets de sentiers littoraux pour rendre leurs côtes accessibles tout en assurant leur préservation. L’île soeur, La Réunion, adopte la même logique de repenser la manière d’occuper cet espace fragile.
Carina Gounden soutient que son organisation a soumis à plusieurs membres du gouvernement un manifeste pour le littoral, contenant une proposition pour créer un Sentier Littoral National autour de Maurice. En effet, ce sentier permettrait de remédier aux discontinuités d’accès au littoral.
Par ailleurs, elle indique que grâce à une approche de managed retreat (retrait stratégique), il serait possible de restaurer les écosystèmes naturels en utilisant des solutions fondées sur la nature pour renforcer la résilience des côtes contre l’érosion et la montée des eaux.
« Ce processus sera compliqué certes, mais il pourra favoriser un dialogue autour de ces problématiques et aidera à dépasser les conflits d’accès pour se concentrer sur un enjeu fondamental : comment protéger notre littoral, une question d’intérêt national ? », dit notre interlocutrice.
Carina Gounden avance par ailleurs que nous voyons, dans de nombreux cas autour de notre littoral, certains tentant de lutter contre l’érosion rapide avec des solutions improvisées.
Selon notre interlocutrice, il est bon de rappeler que le problème de l’érosion est aggravé par la bétonisation des côtes et les constructions trop proches de la mer.
« Lors des consultations avec le ministère de l’Environnement la semaine dernière, nous avons insisté sur le fait qu’il serait regrettable de ne pas aborder la réhabilitation côtière dans le cadre d’une stratégie nationale cohérente et inclusive, plutôt qu’au coup par coup, afin de renforcer la résilience tout en favorisant la collaboration entre les acteurs publics, privés et les ONG », fait-elle ressortir.
Carina Gounden conclut que mru2025 a également souligné la nécessité d’un roadmap avec une approche plus holistique « from ridge to reef », mettant l’accent sur l’importance de reculer pour mieux protéger nos côtes et nous-mêmes.
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