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Ourvassee Appana : «J’ai abandonné l’école à 14 ans pour m’occuper de ma mère»

Ourvassee Appana Le dévouement d’Ourvassee pour sa mère et son petit frère est admirable.

À 21 ans, Ourvassee Appana n’est pas centrée sur elle-même. S’occuper de sa mère aux prises avec la maladie est devenu pour elle un acte d’amour ordinaire. La jeune femme n’a eu d’autre choix que de mettre fin à sa scolarité lorsqu’elle avait 14 ans afin de subvenir aux besoins de sa famille.

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« Si vous m’aviez dit il y a 10 ans que j’aurais eu à prendre soin de ma mère et de mon frère, j’aurais suffoqué rien qu’à l’idée d’y penser. Quand c’est arrivé, je me suis rendu compte que ce n’était pas aussi insurmontable que je ne l’imaginais et cela s’applique à tout ce que l’on fait lorsqu’on s’occupe d’un être cher », confie Ourvassee Appana, qui est l’aide-soignante de sa mère Nandita (39 ans). Cette dernière a été amputée de deux orteils à la suite de complications de santé liées au diabète. Cette maladie, Nandita en souffre depuis qu’elle a 20 ans. Elle est également asthmatique. Après trois opérations des yeux, elle a perdu la vue. Depuis, elle souffre de douleurs atroces, à cause de sa santé mais aussi en raison de son incapacité à nourrir ses deux enfants.

La rencontre

On rencontre Ourvassee qui acquiesce d’un sourire. Nandita est assise sur un lit avec les pieds posés sur le sol en béton ciré rouge. On constate d’emblée qu’il lui manque des orteils. Elle nous accueille chaleureusement, même si elle ne nous voit pas. Puis la confiance s’installe au fil de la conversation. À voir son visage crispé, on devine la douleur qu’elle ressent. « Tout a commencé lorsque mon mari a été victime d’un accident de la route en 2012. Il était à moto et allait récupérer notre fils à l’école quand il a été percuté de plein fouet par une fourgonnette qui voulait dépasser un autobus à La Preneuse. » Elle a été alertée du drame par sa fille Ourvassee.

L’accident de son père

Le jour de l’accident, la jeune femme, alors élève au collège St-Esprit de Rivière-Noire, rentrait à la maison quand l’autobus dans lequel elle voyageait s’est arrêté, pris dans un embouteillage monstre causé par un accident de la route. Curieuse, Ourvassee, qui était âgée de 14 ans, s’est levée pour voir ce qui se passait. Là, elle a eu le choc de sa vie en voyant son père gisant inerte sur le sol dans une mare de sang. « Mo papa sa, aret bis. » Ourvassee, paniquée, a accouru auprès de son père. Elle a emprunté un téléphone portable pour informer sa mère de l’accident de son père. Entre-temps, les badauds ont contacté les urgences et la police.

Le père d’Ourvassee a été transporté à l’hôpital Yves Quentin, tandis que Nandita est arrivée sur le lieu du drame. Affolée, la pauvre mère s’est souvenue que son fils de quatre ans était toujours à la maternelle. Elle est donc allée le récupérer et elle a raccompagné ses enfants à la maison, avant de se rendre à l’hôpital Candos où son mari avait été placé aux soins intensifs après avoir sombré dans le coma. Pour être plus proches de l’hôpital, Nandita, accompagnée de ses enfants, a logé chez la tante de son époux. Durant 12 jours, elle a fait le va-et-vient à l’hôpital, mais son mari a malheureusement succombé à ses blessures.

Le calvaire

Nandita s’est rendue, avec ses enfants, au domicile de ses beaux-parents à Henrietta pour les funérailles et les prières. Ensuite, à cause de conflits familiaux, elle a pris ses enfants et ils ont tous trouvé refuge chez une voisine à Arsenal, le village natal de Nandita. Elle y est restée durant une année et a construit une maison dans la cour de sa voisine avec des poutres en bois et des feuilles de tôle grâce aux salaires de ses deux boulots cumulés, c’est-à-dire la confection de samoussas et le remplissage de sachets d’épices, tout en assurant l’éducation de ses enfants. Toutefois, Nandita a accumulé du stress, accentué par les circonstances de la vie. C’est alors que sa santé s’est dégradée et une blessure au pied s’est transformée en gangrène. Nandita a été admise à l’hôpital du Nord où son médecin traitant lui a amputé deux orteils pour sauver son pied.

Durant le séjour de sa mère à l’hôpital, Ourvassee s’est débrouillée pour s’occuper de son petit frère. À 14 ans, elle reprend le boulot de sa mère, notamment pour faire des samoussas, afin de payer le trajet pour rendre visite à sa mère. Cette dernière quitte l’hôpital après un mois et demi. Elle rentre à la maison et récupère graduellement de son opération. Hélas, Nandita n’est pas au bout de ses peines. Elle doit quitter la maison qu’elle a fait construire dans la cour de sa voisine, car celle-ci lui a demandé de commencer à payer un loyer. Nandita raconte :  « Elle exigeait un loyer de Rs 2 000. Je n’avais pas les moyens. Elle m’a demandé de détruire ma maison. »

Contrainte de démolir sa maison

La mère de famille démolit sa maison. Ses enfants et elle transportent tous les matériaux, meubles et ustensiles pour s’installer dans une maison abandonnée sise sur le lopin de terre appartenant à la mère de Nandita, évidemment sans sa permission. Elle reste dans cette maison sans eau ni électricité durant un an. « J’ai parlé de ma situation à une femme à qui j’avais emprunté de l’argent. Elle m’a aidé en rassemblant des provisions dans le voisinage. Puis elle a trouvé deux personnes qui m’ont construit une autre maison sur ce terrain. La construction s’est faite tous les dimanches. Et la maison était prête quatre mois plus tard. »

Ourvassee, voyant les difficultés de sa mère à arrondir les fins de mois, trouve un emploi dans une firme qui fabrique les maquettes de bateaux. Elle a 15 ans, mais elle prend sur elle pour aider sa mère. Son salaire de Rs 3 000 vient soulager Nandita.

Cela fait deux à trois ans que cette dernière et ses enfants vivent dans leur maison à Arsenal qui se transforme en passoire quand il pleut à verse. La santé de Nandita se détériore de plus en plus, mais elle subit en silence ses atroces douleurs. Ce qui lui fait le plus mal cependant c’est de penser à l’avenir incertain de ses enfants quand elle fermera à tout jamais les yeux.

« Who is Hussain » une lueur d’espoir

Il y a trois ans, la rencontre avec les membres du mouvement Who is Hussain a apporté une lueur d’espoir à la petite famille. « Ce mouvement nous offre des vivres tous les mois. Je le remercie de sa générosité. Grâce à lui, mes enfants ont de quoi manger. Il nous a aussi aidés financièrement à avoir la fourniture d’eau et d’électricité. »

Ce beau geste de Who is Hussain soulage partiellement la famille pour le mois. Toutefois, faute de finances, la mère de famille s’endette pour survivre. « Ourvassee et moi faisons le maximum pour payer nos dettes. J’aurais tant voulu pouvoir travailler pour soulager ma fille. » Les larmes aux yeux, cette mère courage affirme que son plus grand rêve est de trouver un logement social pour y vivre avec ses enfants. « Ils seraient ainsi plus en sécurité et loin des conflits familiaux auxquels nous sommes confrontés, comme le fait que ma mère veuille qu’on libère son terrain. Ourvassee pourrait aussi se débrouiller et s’occuper de son frère,  même si je ne suis plus là », dit Nandita.

Reprendre ses études

Quant à Ourvassee, elle veut reprendre ses études. Elle souhaite, au minimum, compléter son School Certificate afin de trouver un emploi qui améliorera les conditions de vie de sa famille ou encore suivre une formation pour devenir esthéticienne. Cela lui permettrait de gagner sa vie et d’assurer l’avenir de son frère. « Ce qui me semblait impossible en théorie est rendu possible par la force de l’amour. C’est comme si une batterie sans limites d’affection a été chargée pendant les huit dernières années durant lesquelles je me suis occupée de ma mère au quotidien. »

Au quotidien, elle a énormément de travail entre le lavage, le rangement, le repassage, la cuisine et les démarches à faire pour sa mère qu’elle accompagne également chez le médecin. Sans omettre d’assurer l’éducation de son petit frère. La jeune fille subit aussi courageusement les nombreux commentaires et préjugés par rapport au caractère de sa mère. « Ils ne savent pas ce que nous endurons. Ma mère et moi vivons dans l’anticipation perpétuelle d’un besoin ou d’un danger. Ma famille dépend entièrement de moi », confie la fille de Nandita. « Quand je suis avec ma mère, je ne peux être autre chose que son enfant. Lorsque le moment de quitter l’école pour m’occuper d’elle est arrivé, tout est devenu limpide. Voilà pourquoi je partage mon histoire », conclut-elle.

Appel de solidarité

La famille Appana a besoin de vivres pour survivre. Elle lance un appel à la générosité des Mauriciens. Vinessen (12 ans), qui est en Form I, a besoin de matériels scolaires et d’un sac à dos. Des dons de vêtements, de feuilles de tôle et de poutres en bois pour réparer leur maison sont les bienvenus, de même que toute aide qui pourrait les aider à trouver au plus vite un logement social.

 

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